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Fondateur et Directeur de l'association internationale Mémoires & Partages - Conseiller Régional de la Nouvelle-Aquitaine

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Billet de blog 8 décembre 2025

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Municipales : Déboulonner le racisme, maintenant !

À l’approche des élections de 2026, cette réflexion vise à interpeller les candidats et les citoyens sur la persistance dans nos rues de noms et de statues honorant des figures historiques liées à l’esclavage, au colonialisme ou au racisme.

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Illustration 1

L’année 2025 aura rappelé une vérité que certains élus persistent à ignorer : la justice avance, même quand les municipalités reculent.

Deux décisions, deux secousses, et un message limpide : la France ne peut plus maquiller son passé pour mieux tolérer le racisme dans ses rues.

À Biarritz d’abord. Deux fois, en février puis en mars, le tribunal administratif de Bordeaux a dû rappeler à la Mairie — comme à un élève récalcitrant — qu’une injure raciste n’est pas un nom de quartier, ni de rue, ni de commerce. Qu’aucune caricature raciste n’a sa place dans l’espace public d’une République digne de ce nom. Il aura donc fallu une décision de justice pour rappeler l’évidence : le racisme n’est pas un folklore local.

En Martinique ensuite. En novembre, la justice a relaxé les onze jeunes militants poursuivis depuis 2020 pour avoir déboulonné des statues glorifiant le colonialisme et l’esclavage. Elle a reconnu que leur action était une alerte politique, un acte citoyen face à la présence, dans l’espace public, de symboles d’oppression et de crimes contre l’humanité. Ce jugement, lui aussi, dit haut et fort que défendre l’honneur des bourreaux n’est pas un devoir républicain.

Ces deux décisions posent un principe fondamental : l’espace public n’est pas un musée figé, encore moins un sanctuaire dédié à l’oppression. Il est le lieu où se joue la mémoire collective. Et cette mémoire doit pouvoir évoluer, être contestée, être réinventée.

Mais trop d’élus locaux continuent de gérer nos villes comme des vitrines commerciales, obsédés par la peur de « déplaire », prisonniers de la propagande de « l’anti-repentance » soigneusement entretenue par l’extrême droite. Ils veulent surtout éviter de déranger les habitudes, même lorsque ces habitudes perpétuent l’injustice. Pendant ce temps, la population — et surtout les jeunes — réclame ce que les responsables politiques n’osent plus offrir : du courage, de la vérité, du changement.

Car la ségrégation mémorielle n’est pas un concept : c’est une réalité quotidienne. C’est une histoire écrite par les puissants, glorifiant les puissants, au service des puissants. C’est un rappel permanent que certaines vies ont compté moins que d’autres.
Et cela, les jeunes générations le voient, le comprennent, le dénoncent. Non, ils ne sont pas des « marginaux », ils ne sont pas des « excités ». Ce sont des citoyens qui refusent de courber l’échine devant les symboles de leur propre humiliation.

Après les mobilisations historiques de 2020, certaines villes ont cru pouvoir éteindre la contestation en posant des panneaux explicatifs bricolés en urgence, mélangeant « côtés positifs » et crimes avérés. Une mascarade. Des mots creux, collés sur des piédestaux qui continuent d’honorer des figures indéfendables. Ce n’est pas de la pédagogie, c’est du camouflage.

Depuis 27 ans, le réseau Mémoires & Partages refuse ces faux-semblants. Nous défendons l’éducation populaire, le débat public, la confrontation des idées. Et aujourd’hui, nous lançons la campagne : « N’est-il pas temps de déboulonner le racisme ? »
Oui, il est temps. Temps d’un électrochoc. Temps de retirer de nos villes les symboles qui légitiment encore la haine et la domination. Temps de dire que nos rues ne sont pas condamnées à répéter les erreurs du passé.

Nous appelons donc tous les candidats aux municipales 2026 à prendre un engagement clair :
- débaptiser au moins une rue ou un monument lié au colonialisme, à l’esclavage ou au racisme,
- et installer de véritables panneaux explicatifs issus de processus participatifs réels — pas de bricolages, pas de cache-misère.

Aux citoyens, nous demandons d’entrer dans l’arène : devenez Veilleurs de rue.
Filmez les monuments problématiques, documentez les noms de rues infâmants, partagez-les via le hashtag #JAIMALAMARUE, interpellez les candidats, bousculez-les, forcez-les à sortir du silence.

Parce qu’au fond, une question demeure : que valent nos valeurs républicaines si nos rues continuent d’honorer ceux qui les ont piétinées ?
Il est temps de choisir. Il est temps d’agir. Il est temps, enfin, de déboulonner le racisme.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.