Agrandissement : Illustration 1
On peut douter que Vincent Feltesse ait prévenu qui que ce soit de sa « tentation » de retirer sa liste aux municipales bordelaises. Encore moins d’entretenir de cette tentation les journalistes du Sud-Ouest qui, pour conjurer les vents de Fabien, se sont précipités pour l’annoncer avant que de l’Atlantique ne déboulent les vents violents de ce week-end pré-noelien de l’an de grâce 2019.
Mardi soir encore, il réunissait ses équipes de campagne dans le mythique Wato-Sita après le deuxième débat télévisé au journal Sud-Ouest. C’était avant qu’un dernier sondage ne lui fasse perdre 3 points dans les intentions de vote. En fasse gagner 2 à son rival d’En Marche Thomas Cazenave. 2 aussi, dans l’indifférence, pour le représentant du Front National. Et n’adoube enfin un Pierre Hurmic menant des écologistes sur un nuage face au candidat de la droite, Nicolas Florian, unique chance d’une droite déboussolée par un abandon en rase campagne d’Alain Juppé.
Il est vrai qu’à 52 ans, ce flibustier, ancien conseiller de François Hollande, conseiller régional, conseiller municipal et candidat aux élections municipales sans étiquettes, ne dédaignerait par de sortir de la vie politique bordelaise adoubé par une tempête de rafales de 140 km par heure.
Sa vie politique, depuis sa triomphale irruption à la tête de la mairie de Blanquefort, à 32 ans, aura semblé obéir à un irrésistible vent balayant tout sur son passage, les idées, les amis, les appareils, les ambitions concurrentes.
C’est que ce natif de Beauvais, arrivé à 27 ans dans la capitale girondine, a tôt fait de séduire des hiérarques socialistes locaux toujours aussi dédaigneux des ambitieux du crû. Conseiller de Philippe Madrelle, de Daniel Vaillant et directeur de cabinet d’Alain Rousset, les bras s’ouvraient pour étreindre ce garçon dont on pressentait vite autant les talents que les fêlures.
Porté, autant par les vents d’un socialisme revigoré par Lionel Jospin, que par d’indéniables capacités de réflexion et de travail, c’est d’abord à l’entrée du Médoc qu’il se fait les dents, dés 2001. Les seize mille habitants de Blanquefort ont à peine eu le temps de profiter de sa politique novatrice que Vincent Feltesse se fait élire à la communauté urbaine en 2008, coiffant au poteau la droite bordelaise et les ténors de la gauche endormis par la co-gestion.
C’est ici que se noue une relation ambivalente avec Alain Juppé. En effet, celui-ci chassé de Bordeaux par une décision de justice, revient fragilisé et ne peut qu’apporter son soutien à un jeune loup qui lui fait surement penser à sa propre personnalité politique.
A la tête de la communauté urbaine, s’installe ainsi le duo à l’origine de la transformation urbaine de Bordeaux et sa métropolisation à marche forcée. Immobilier, circulation, équipements, qualités de vie, tramway, nouveau stade, ponts, Arena, Cité du vin, quartier Euratlantique et LGV, et élargissement de la rocade sont les principales réalisations à l’actif d’un élu conscient de la nécessité d’une mise à niveau de la ville. Quitte à en payer le lourd prix que les gilets jaunes ne se sont pas empêchés de révéler cette année.
Cette marche triomphale ayant besoin d’un mandat national et ayant prêté ses talents numériques à la victoire de François Hollande, le nouveau président de la CUB ne se gênera pas pour bousculer l’ambition d’une jeune camarade de parti, suppléante de la députée girondine Michèle Delaunay, et récupérer la 2e circonscription historique, celle d’Alain Juppé, en 2012.
En ligne de mire, Bordeaux pour qui il se défait de son mandat blanquefortais et se lance dans les municipales de 2014. Revigoré par l’arrivée au pouvoir de François Hollande, l’appréciation de son bilan à la Communauté urbaine et un Alain Juppé qui se voyait à l’Elysée, Vincent Feltesse va, encore une fois, bousculer les ambitions locales pour s’imposer comme le candidat naturel de la gauche, ralliant des écologistes locaux sectaires et sourds à la question sociale et une partie de la société civile. Campagne difficile et perdue en raison autant du peu de charisme de la tête de liste que de cette séduction irrésistible et irrationnelle qu’Alain Juppé exerce sur les électeurs bordelais toujours prêts à excuser ses incartades.
Ne s’avouant nullement disqualifié, Vincent Feltesse continuera de se rêver en Maire de Bordeaux et la disqualification de François Hollande, qu’il conseille, sans broncher notamment sur la déchéance de nationalité, entre 2014 et 2017, l’oblige à revenir à Bordeaux perdu entre des mandats locaux peu signifiants, mais avec le parachute de conseiller à la Cour des Comptes à l’abri du besoin.
Rongeant son frein, il ne se prive pas de lorgner la place prochainement vacante de député de la 3e circonscription, celle de Noel Mamère, quitte à se fâcher avec ses camarades socialistes décidés à soutenir sa camarade Naïma Charaï à qui elle devrait revenir lors des législatives de 2017.
C’est ici d’ailleurs que l’excès d’ambition de Vincent Feltesse l’éloigne définitivement des rivages socialistes. Il faut dire que la débandade des présidentielles et des législatives de 2017 où Emmanuel Macron fait une razzia dans ce qui reste du giron socialiste, laisse le parti exsangue et les ambitions libres de s’échapper vers de plus verts pâturages.
Las, la sémillante et prometteuse carrière politique, à force de forcings et de nombrilisme, risque de marquer un temps d’arrêt que seul l’avenir pourra qualifier.
En effet, après avoir réussi l’union de la gauche aux dernières élections municipales et même de s’assurer le soutien d’Alain Juppé pendant plusieurs années, Vincent Feltesse a réussi la prouesse de se mettre à dos l’ensemble de la classe politique locale.
Dans aucun des scénarios d’alliance pendant les élections municipales de l’an prochain, ni à gauche ni à droite, l’option Feltesse n’est envisagée, malgré les qualités réelles de travail qui sont les siennes et celles des équipes qui le soutiennent encore.
Karfa Sira DIALLO