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Billet de blog 2 juin 2023

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Récefion

Nous vivons une crise qui ne dit pas son nom, mais qu’il faut inventer pour l’occasion: la récefion. Pas vraiment une récession, ni simplement de l’inflation, mais ce sentiment désagréable de l’avoir dans le fion.

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Il existe des mots qui n’ont pas d’adresse, mais dont la puissance évocatrice paralyse la démonstration. La récefion. Ça commence couardement par réce, qui résonne avec le recedere latin : reculer, diminuer. Et puis ça se termine sur une note potache : fion.

Mais il faut aller plus loin encore dans l’analyse. Récefion convoquerait à la fois les prodromes d’une récession louvoyante et d’une hyperinflation confiscatoire, le tout localisé à l’endroit le plus irritant et le moins accessible de l’homo economicus : le fion

Or, les prodromes ne sont pas encore des stigmates. Cette crise crasse et rance ne produit pas les effets requis pour officialiser sa peine. Une crise sauvage, violente, saignante, aurait davantage retenu l’attention. Mais pour cette crise là, la notre, il n’existe pas de critères la confondant.

C’est comme ça. Pour qu’une crise passe du statut de mythe du déluge au Tsunami, il faut que les faits passent l’épreuve du tribunal de l’expérience quantifiée. Très concrètement, il faut a minima que le PIB décroisse au moins 2 trimestres. Ce n’est pas le cas en France, ni en Europe, sauf en Allemagne. Plus grossièrement, il faut observer une chute de la production, de la consommation, de l’emploi, à des niveaux jugés indésirables par les juges experts. Ce n’est pas le cas non plus.

Ceci n’est donc pas une crise, pour paraphraser Magritte désignant sa non – pipe dessinée sur son tableau. Le Cratyle de Platon n’aurait pas encore trouvé l’objet dont le mot récefion drape l’existence. Pourtant, on pourrait faire preuve d’imagination. On pourrait se dire par exemple que ça ou ça peuvent suffire à définir une crise. Et pas besoin de nimber les faits observés d’un quelconque engagement politique. Il suffit d’ouvrir les yeux, l’image fait le reste.

« Détends toi, ça va bien se passer ». L’Homme de ressentiment de Max (Scheler) est souvent accusé d’être un pisse – froid, qui ne joue pas le jeu, ne fait pas l’effort, ou est incapable tout simplement. Il arrive même qu’on l’accuse d’avoir le guignon, comme si on était responsable des mauvaises boules que l’on tire à la loterie de la naissance.

Pourquoi pas. Peut être que l’Homme de ressentiment est tout cela. Et alors ? Cela lui interdit – il de rêver à un monde qu’il estime meilleur ? Peut - être qu’il se trompe sur la destination à prendre. Peut – être qu’il se trompe sur les moyens à mettre à en œuvre. Et peut – être même qu’il se trompe sur ce qu’il ressent, trahi par ses sens. Mais, c’est comme ça.

L’Homme de ressentiment est un être susceptible comme les autres. Il n’aime pas à priori qu’on se moque de lui. Et s’il n’a pas d’humour, c’est qu’on lui a volé.

Nous voudrions ne pas porter de haine

Bien que l’orage étourdisse les graines

Philippe Jaccottet.

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