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Billet de blog 5 avril 2024

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L'angoisse de la bande passante

Il y a deux façons de passer sa vie. Soit on cherche à lui donner un sens. Soit on ère sur la bande passante. Ce billet s’adresse aux seconds.

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Illustration 1

À ceux las qui écrivent pour être sauvés (Paulhan), immortels au foyer de l’instant (Saint -John Perse), qui tambourinent avec leurs doigts sur la vitre de l’existence (Germain Nouveau), dans un monde tout de mesure que les vagues du temps lèchent sans mouiller (Sureau).  Ils se reconnaitront.

Seuls là qui dévalent la pente du néant (Ducasse), dans l’autre sens que Sisyphe. Abrutis par l’absurdité de leur vie (Camus), ils cherchent leur voix au milieu des décombres (Heidegger, oups). Ils cherchent des preuves de leur existence (Badal - Leguil), pour en déduire le suicide logique (le Kirillov de Dostoïevski). Mais ils se ravisent, pris de vertige. Savoir qu’on a plus rien à espérer n’empêche pas de continuer à attendre (Proust).

Qui sont ces gens vraiment ? Sont – ils des gens vraiment ? Ils n’opposent aucune résistance aux cours des évènements. La flèche du temps les transperce de toute part, mais ils ne mouftent pas. Ils ne sont pas morts pour autant. Mais leur expression du vivant est bien minable. Ces vivants là rêvent et respirent, mais ce sont les seules choses qu’ils font de plus que les morts. Ils sont juste posés là, sur la bande passante de leur existence.

Comment font – ils pour ne rien espérer ? Ils semblent avoir compris quelque chose d’insupportable. Comme un soleil impossible à regarder en face. Une lumière aveuglante qui les rend sourds à toute tentative de donner un sens à leur vie. Plus rien ne doit les détourner de leur non-quête. Tout ce qui redonne le sourire est une défaite de l’esprit. Jamais la volonté ne doit l’emporter sur l’errance. L’espoir est une sale manie du présent.

Et surtout éviter le piège de l’imbécile hagard. Celui qui ne se fait pas assez de soucis pour sortir du stade mollusque (Jankélévitch).

 Je viens je ne sais d’où

Je suis je ne sais qui

Je meurs je ne sais quand

Je vais je ne sais où

Je m’étonne d’être aussi joyeux

Martinus von Biberach

Être heureux, ce n'est pas bon signe, c'est que le malheur a manqué le coche, il arrivera par le suivant (Aymé). Être angoissé, voilà qui est plus raisonnable. C’est la façon d’un homme saint d’esprit d’être dément, c’est-à-dire d’avoir peur sans cause (encore Jankélévitch).

Suis – je des vôtres ? Je ne vous ai jamais vus. Mais c’est comme si je vous connaissais depuis toujours.

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