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Billet de blog 9 juillet 2022

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Football : l'autre argent magique

Une équipe de foot est – elle chère parce qu’elle est forte, ou forte parce qu’elle est chère ? L’argent magique du football a choisi la 2ème réponse, et c’est la bonne réponse. « L’argent ne fait peut être pas le bonheur, mais il met des buts ! »… dit – il.

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Illustration 1

Quand on parle d’argent magique, on pense généralement aux politiques non conventionnelles des banques centrales, caractérisées par de la création de monnaie dans des proportions extravagantes. Mais l’argent magique n’est pas le monopole des Banques Centrales. Il y a aussi le milliardaire XXL en quête d’éternité qui lui s’adresse à un tout autre public : le monde du football.

Palaces, yachts, voyages dans l’espace, ne suffisent plus. Il faut à cet archétype de l’Homme pléonexe un trophée à sa démesure : un club de foot. Parfois l’Homme est un pays, et alors le ballon de foot se confond avec le baril de Brent. Oui mais quand même, que fait la police ? N’y a-t-il pas une règle du « fair play financier » imposée par l’UEFA ? Si, une grande réussite manifestement. Et puisque l’argent appelle l’argent, télés et sponsors étoffent davantage encore la cagnotte de capitaux capiteux.  

A la fin, on obtient : un joueur de football de Ligue 1 gagne presque 2 fois plus qu’il y a 10 ans ; pour un joueur du Paris Saint Germain, c’est 10 fois plus. Tant mieux pour eux ! et nous ? Le contraste est saisissant avec le salaire net médian de l’Homme de la rue en France qui n’a augmenté que de 7 % sur les 10 dernières années. On peut dresser à peu près le même type de constat pour les autres championnats majeurs en Europe, et les autres salaires de l’Homme de la rue européen.

Mais après tout. Pourquoi pas ? Pourquoi le milliardaire ne miserait - il pas le paquet sur son poulain ? C’est la question du retour sur investissement en finance, qui se traduit par:

« Le jeu en vaut – il la chandelle ? »

En termes de performances sportives, oui. Le jeu en vaut la chandelle. C’est en tous les cas ce que rapportent les études sur le sujet (Dépenses salariales et performance dans l’industrie du football). Il serait bien établi que les performances des clubs de football européens s’améliorent en fonction des dépenses consenties. C’est comme ça. L’argent ne fait pas le bonheur des petits budgets. L’argent limite la sale manie du hasard à parfois déjouer tous les pronostics et faire perdre le meilleur sur le papier. L’argent a toujours de sérieux arguments pour convaincre les meilleurs de jouer ensemble. Bref, l’argent fait gagner. Juste pour info, ce n’est pas le cas dans le sport aux Etats – Unis. Non pas que l’on y fasse preuve d’une certaine sagesse salariale, juste une histoire de règles que l’on a su imposer.  

En termes de performances financières, mouais. Le bilan est plus contrasté, comme le rappelle par exemple chaque année le cabinet Deloitte dans son rapport (Football Money League). Certes, les dépenses engagées augmentent la probabilité de gagner des matchs. Et cette probabilité tend vers 1 si les sommes engagées tendent vers l’infini. Mais les victoires génèrent – elles des recettes suffisantes pour couvrir les dépenses ? En termes de droit télé supplémentaire ? De sponsoring ? Pas sûr, pas toujours. « Mais on s’en fout ! », chante t – on en coulisses. D’ailleurs, le milliardaire ne maximise pas le profit du club puisqu’il a déjà le profit. Le milliardaire maximise la probabilité que son « joujou » gagne des trophées, et surtout davantage que les autres.

Les 3 effets pervers de l’argent magique

L’argent magique du football a révolutionné le monde du ballon rond. Il y a probablement du bon dans tout ça. Mais il y a certainement du mauvais. Un indice ? les effets pervers de l’argent magique… des Banques Centrales. Il s’agit de cet argent qui a permis de sauver le monde à quelques reprises, en rachetant la dette de l’Etat, en prêtant à taux zéro, le tout grâce à de la création de monnaie en veux – tu en voilà.

1er effet pervers : l’erreur de casting sans conséquence. L’argent magique a désinhibé les investisseurs. Pourtant, ces derniers sont d’ordinaire hésitants à investir le futur, pour deux raisons bien connues des initiés : ils éprouvent de l’aversion pour le risque et une préférence pour le présent. Mais l’argent magique a rendu ces deux critères inopérants. Plus aucun danger à investir en actifs risqués si l’argent magique coule à flot, pour éponger les plaies liées à de mauvais choix par exemple. En finance, cela donne des bulles d’actifs financiers. En football, cela donne des bulles d’actifs balle au pied. On paie à l’envi des joueurs parce qu’ils le méritent, ou pas. Et si en même temps ca empêche qu’ils aillent jouer ailleurs, c’est encore mieux. Erreur de casting sur le choix d’un joueur ? Pas grave, l’argent repousse, il est magique.

2ème effet pervers : le mur des possibles. « Puisqu’on est les meilleurs, il faut tout gagner ». Mais problème : il y a un nombre de trophées limité. Et les autres veulent aussi tout gagner… Ce qui pousse alors les grandes instances du football à inventer toujours plus de nouvelles compétitions. Mais sachant qu’il n’y a que 365 jours dans l’année, et que les joueurs ne peuvent pas jouer deux matchs en même temps, on bute vite sur une limite technique. Très sérieusement, il existerait un délai incompressible nécessaire afin que les joueurs puissent récupérer entre les matchs. Imposer aux joueurs de jouer trop souvent se paiera en qualité, et en blessures. A moins qu’on les paie encore davantage ?

3ème effet pervers : « The winner takes it all… or not ». Cette expression bien connue des géants du web ne s’applique pas aux géants du football : le meilleur ne rafle pas la mise auprès de tous les publics. Malgré toutes les victoires possibles d’une équipe de football, elle ne réussira jamais à rallier tout les supporteurs adverses à sa cause. Au contraire, il est fort probable qu’elle nourrisse davantage de rejets encore chez ces supporteurs qui soutiendront davantage encore leur club de cœur. Le charme du sport. Ainsi, le propriétaire milliardaire aura peut être tous les trophées, mais pas tous les suffrages. Sa quête restera inachevable. Mais comme il se croira seulement inachevé, il est fort probable qu’il dépense alors davantage.

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