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Il est pas gros; juste la taille qu’il faut pour imaginer qu’il ait pu sortir de là où il est sorti. Je dirais pas qu’il est passé comme une lettre à la poste, j’ai quand même senti que quelque chose d’inhabituel était en train de se passer côté nunus.
Prima facie, on dirait bien un œuf. Mais sait on jamais. Faudrait casser pour savoir. Non. Pas question. Qui me croira après ? J’ai pondu cet œuf. Ok, J’ai pas vu la scène, mais la poule non plus ne peut pas se voir pondre. Nous ne sommes pas équipés d’un œil téléscroupique.
J’ai pondu un œuf. Faut quand même le vivre. Et je vous demande pas de me croire. Après tout, ça changera rien au fait que je l’ai pondu. Moi-même, j’ai tenté le déni. Sans succès. L’œuf est là, il ne s’agit pas de faire comme s’il n’y était pas. L’aveuglement volontaire n’a jamais empêché le réel de survenir.
Et puis après tout ce n’est qu’un œuf. Ce serait beaucoup plus surprenant si j’avais pondu une omelette. Là j’aurais quand meme de serieux doutes sur le cours des évènements. Mais bon, un œuf c’est bien aussi. Je veux dire dans le genre surprenant. D’ailleurs, un œuf ou deux ou 10, c’est idem. Le truc flippant c’est pas d’en pondre à la douzaine; c’est de pondre tout court.
Mon soucis c’est plutôt j’en fais quoi maintenant ? On est bien d’accord que si c’est vraiment un œuf, il va peut-être pas rester comme ça. Je suis pas expert en ponte, mais j’ai pas envie de voir ce que ça pourrait donner. J’ai quand même vérifié un truc sur le net. L’œuf ne donne un poussin que si la poule s’est fait prendre par le coq. Bon. Je crois que s’il m’était arrivé un truc pareil, je m’en serais aperçu.
Mais admettons. Comme ça vite fait pendant mon sommeil ; « comment ! Qu’est ce c’est ! ». Et me voilà en train de couver l’affaire ? Non merci. Pas du tout envie de voir la tête qu’il aura une fois éclos. Finalement Je sens que tout ça va finir en omelette. Quoique. Si c’était pas mon œuf je dis pas. Mais la ça me gêne quand même.
Je parle je parle. je devrais peut être garder tout ça pour moi. Pondre un œuf, c’est quand même pas le genre d’exploit qui vous fait passer pour un héros. « Et regardez le gars, il a pondu un œuf, ce con ». Si personne m’a vu peut être que je vais oublier tout ça et passer à autre chose. J’espère juste que demain matin je vais pas en pondre un autre. Apres tout pourquoi pas. C’était déjà impossible une première fois. Tout est permis maintenant.
Manquerait plus que je croise une poule. Qu’est ce qu’elle dirait en me voyant ? « tu te prends pour qui, tu te crois malin ? ». Si elle savait que je n’y suis pour rien. J’ai jamais demandé à pondre un oeuf. Je suis complètement innocent dans cette affaire. D’ailleurs jamais j’aurais dû pondre en vérité. Je veux dire que mon statut de non - poule m’interdisait la chose. Même si j’avais voulu, j’aurais pas pu. l’œuf pondu ne faisait pas partie de l’univers de mes possibles.
Pistes alternatives
Cela dit, j’ai croisé un coq logicien qui m’a mis le doute. Ce coq absurde m’a rappelé que l’ interdit n’était que d’ordre physiologique. que la logique n’était pas aussi obtuse. Elle n’autorisait pas forcement la chose, mais ne l’interdisait pas non plus. Il faut reconnaitre que je n’ai pas su quoi dire. « La poule implique un œuf. Donc le non-œuf implique la non-poule. (La Contraposée préserve la vérité). Mais la non- poule n’implique pas le non-œuf » (le contraire ne préserve pas la vérité). ok. Pas tout compris. Mais il l’avait l’air sur de lui.
C’est la que le coq juriste a rappliqué. Il a vu ma tête de débile qu’a pas compris ce que le monsieur il avait dit. Alors il en a rajouté une couche. « Même le droit, la loi des Hommes, n’interdit pas de pondre un œuf. Pour l’unique raison qu’il n’est pas supposé possible qu’on puisse commettre un tel acte. « Pas besoin de l’interdire donc, puisque c’est pas possible »… Là j’ai buggé. Alors il m’a expliqué comme à un poussin : « je vais pas t’interdire de voler si t’as pas d’ailes ». Oui, ça se tient
Ok j’ai le droit de pondre un œuf, même si j’en n’ai pas les moyens. Super. Mais ça règle pas mon problème. J’ai pondu quand même. C’est là que le coq Andy Weir m’a soufflé une piste alternative .. « Tu as pondu l’univers »… ??... J’ai beaucoup d’imagination, mais là j’ai quand même tiqué. Peut-être ça avait un rapport avec la célèbre question à la con : « qui vient en premier, l’œuf ou la poule ? »... Non, m’a dit Andy. Mais « t’es pas loin quand même », a-t-il enchainé.
Il m’a filé sa fiction « the Egg », et m’a suggéré que peut-être j’étais le héros de son histoire. Un gars qui meurt, qui renait, qui remeurt, qui rerenait, etc… toujours pour s’améliorer davantage encore. Et comme lui, si aujourd’hui j’ai pondu un œuf, c’est que j’ai encore merdé, et qu’il faut recommencer… Je suis resté con, je veux dire coi. Mais pourquoi pas. Après tout, ça ne rendait pas la vie plus absurde qu’elle ne l’était déjà.