Petite mise au point. Dans le langage courant, on « fait confiance » quand on est certain que l’autre fera ce qu’il a promis. Mais il s’agit d’un contre - sens. En philosophie, on « fait confiance » s’il y a un risque que l’autre ne fasse pas ce qu’on attend de lui. Effectivement s’il n’y avait aucun risque, alors il ne servirait à rien de lui « faire confiance ».
Dans le cas du politique par exemple, nous sommes bien obligés de lui faire confiance puisque nous ne sommes pas certains qu’il réalise la promesse qu’il nous a faite. Peut - être va t’il échouer ? Peut - être le mauvais hasard se déchaînera t’il contre ses plans ? Il aura failli malgré ses bonnes intentions ? Le risque n’est pas nul que le politique soit mis en échec. Nous devons donc lui « faire confiance » au sens où notre sort dépend du succès de son entreprise. Sauf que cette lecture est incorrecte. Ce n’est pas du succès de son entreprise dont nous doutons, mais de lui.
Nous estimons que le politique ne peut pas échouer dans sa mission s’il s’en donne les moyens. Nous faisons comme si le risque d’échouer à résoudre les problèmes économiques et sociaux était quasi-nul, et que l’échec ne pouvait donc relever que d’une trahison du politique. Un gouvernement ne peut pas échouer, il ne peut que trahir. La résolution des problèmes économiques et sociaux serait une évidence que seule la trahison pourrait compromettre. Nous faisons comme si les gouvernants quels qu’ils soient n’avaient pas le pouvoir de se tromper, mais de nous tromper.
Et c’est toute la nuance que propose un certain pan de la philosophie contemporaine pour redéfinir la confiance. On peut être amené à devoir faire confiance à quelqu’un, même si nous considérons que la probabilité qu’il échoue est quasi-nulle. Par exemple, je sais qu’il va pleuvoir avec certitude, mais je dois faire confiance à mon ami pour qu’il prenne son parapluie. Je sais que l’aiguille de pendule va faire un cran vers la minute suivante car il n’y a aucun doute sur la flèche du temps, mais la pendule peut faire défaut. Le risque de se tromper peut - être nul, mais il y a le risque d’être trompé. Et c’est exactement cela qui définit aujourd’hui notre relation avec le politique.
Faire confiance au politique nous rend vulnérables, mais cette vulnérabilité a été pervertie. Cette vulnérabilité n’est plus liée au risque que le gouvernement échoue mais qu’il nous trahisse.
« La vertu a bien des prédicateurs et peu de martyrs », Helvétius