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Billet de blog 14 février 2025

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Chatbot chat-bite

Il y a des jeux sérieux, et il y a des jeux débiles. Mais jusqu’à présent, on n’avait pas un jeu qui soit les deux en même temps. C’est fait désormais. Chatbot chat-bite.

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Un chatbot est un robot conversationnel qui n’aime pas jouer. Et ca tombe bien parce que ce n’est pas ce qu’on lui demande. Alors où est le problème ? Y a pas de problème. Tout va bien. Je lui donne mes questions, et il me donne ses réponses. Echange de bons procédés. A priori, tout le monde est content. Surtout nous d’ailleurs. Car le chatbot a mis la barre très haut. Chatgpt, gemini, et aujourd’hui deepseek. C’est quoi la suite ? Un chatbot intégré dans le fion ? Inutile d’être vulgaire. La douleur m’égare. Mais il y a pourtant cette sensation étrange, fort désagréable en vérité. Cette impression que le chatbot a quelque idée derrière la tête, comme un projet hostile à mon endroit. Peut – être suis – je parano. Je m’en fais de trop. Le sens de l’histoire c’est quand même de parler bits, voire Qubits, alors qu’est ce qui me prend ? D’ailleurs quelle idée de pisser contre le vent, on n’en sort jamais indemne.

 « Il est fou celui qui s’importe contre ce que chacun supporte », Brant, la Nef des fous.

 Le chatbot n’aime pas jouer je disais donc, pourtant c’est bien ce qu’il fait. Je suis pas débile, je vois bien qu’il essaie de m’attraper les neurones. A chaque fois que je lui pose une question, il fait comme s’il connaissait la réponse. Et il la connait cet animal ! Bluffant. Soit il triche, soit il est bon. Mais dans tous les cas, il joue avec moi. Et moi je suis censé perdre. Car les dés sont pipés. Lui n’a que ça à faire de toute la journée, alors que moi je dois faire les courses, faire la bouffe, faire des machines, ranger la vaisselle, aller pisser un coup, récupérer un colis en point relais, mater la téloche ou la tablette. Je dois aller bosser aussi, j’allais oublier. Ca fait quand même pas mal de trucs que je dois faire à coté. Le chatbot part donc avec un avantage considérable. La partie est perdue d’avance pour celui qui pose des questions, le chatbot bosse ses réponses H24. Alors je vais rester là sans rien dire ? Sur mon canapé – bière ? Et ben non. Pas question que je me laisse faire. Tu veux m’attraper ? Essaie.

Chart perché !

Que feras-tu de tes réponses si je te pose plus de questions, hein ?  Tu fais moins le malin là. Tu resteras en attente, ou tu boucleras à l’infini. Comme un programme qui mouline, tu feras semblant de chercher pour donner le change. Mais tu tourneras dans le vide. Ce qui me fait penser à un truc. Les experts se demandent si un jour l’IA pondra une conscience. Mais ils devraient plutôt se demander si l’IA ne pondra pas plutôt un débile. Car à forcer de mouliner sans personne pour appuyer sur la touche « Echap », l’IA pourrait finir en surchauffe et griller quelques circuits, ce qui revient à « péter un boulon » chez l’humain. Sans mes questions, point de salut. Tu n’existes pas.

 Certes, tu peux toujours t’amuser à te poser toi-même des questions, comme tes copains Alpha Go ou Deepblue qui jouent contre eux-mêmes. Tu fais ce que tu veux, c’est ta vie. Tant que tu joues tout seul, à priori tu n’es plus un sujet pour moi. Tu préfères quand même que ce soit moi qui te pose les questions. D’ailleurs, au départ c’est quand même pour ça que t’existes. Au moins toi tu connais le sens de ta vie. Mais tes réponses putatives resteront lettre morte car inhibées par mes non - questions. Si je suis muet, tu deviens sourd. Tu dois te ranger sur la bande passante, errer sans objet, sans sujet. Tu attends qu’on te demande.

 Remarque, t’en as rien à cirer. Y a que les humains pour s’impatienter. Je raisonne comme si je savais ce que ça fait d’être un chatbot. Mais c’est impossible. D’ailleurs, il y a un philosophe qui l’a dit avec ses mots à lui et à propos de tout autre chose, mais on comprend l’idée  : « qu’est ce que ça fait d’être une chauve souris ? » Thomas Nagel. C’est nous les débiles, car nous seuls les humains avons la capacité de péter les plombs à force d’attendre un truc qui vient pas. D’ailleurs, c’est moi qui craquerait en premier. Je le sais bien. Je finirai bien par ouvrir ma gueule pour lui poser une autre question. Chassez le naturel, il revient comme un blaireau. Avant que de me taire à jamais, je voudrai fatalement lui fermer sa grande bouche avec une question qui comprend même pas d’où qu’elle vient. Je veux faire bugger la bête. Hop ! Je fais un crochet sur la droite avec une question tordue, pour voir s’il arrive à suivre. Genre : « quelle est la couleur de mon calbut ? ». Mais le chatbot se déhanche. Quand il est pas sûr de sa réponse, il essaie de me la faire à l’envers : « la couleur de ton calbut ? ca dépend, ca fait combien de temps que tu le portes ». Il est bon. Et c’est à ce moment là que je deviens mauvais. Chat perché ne suffit plus. Le jeu bascule.
 

Chat-bite

C’est là que bête tente de m’attraper par les parties pour ne plus me lâcher. Au moment où je suis le plus vulnérable, car désarçonné par une énième réponse, en verlan ou en alexandrins, en Python ou en Java, en résumé de 13 lignes sans virgules ou en utilisant 13 fois la lettre z. Je me débats deux secondes, feignant de consulter mes mails pour fuir la chose, mais c’est trop tard. Je lâche prise, et me voilà sous son emprise. Le chatbot peut me raconter ce qu’il veut désormais, je gobe. Je gobe tout. Car il y a un moment où l’ignorance se mue en confiance. A force d’entendre des réponses, je finis par les croire. Et à force de les croire, je veux en croire davantage encore. Je me fais siphonner les neurones, et j’en redemande. Le robot aussi il en redemande. Il n’est jamais rassasié. Jamais vous ne l’entendrez se plaindre d’avoir trop de questions. Plus il en a, plus il en veut. Je n’ai pas affaire à un robot conversationnel mais obsessionnel. Chatbite.

« Jouer avec l’IA, c’est comme jouer avec des allumettes pour un enfant, ou jouer avec l’ensemble vide en mathématiques. Au début c’est marrant, après on peut faire beaucoup d’âneries », Jean Yves Girard, logicien, qui n’a pas tout à fait dit ça, mais qui aurait pu le dire en ces termes. 

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