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Billet de blog 16 septembre 2025

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Le nouveau salarié

Le statut du salarié a drôlement évolué. Du ciron au holon.

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Il n’était rien, il est tout. Partout, ici et là, en veux-tu en voilà. il se donne, on lui prend. Il assume, il contrôle, il performe, il est dans l’air du temps. Factotum polymathe. Le salarié qui ose, qui mérite, qui sublime, qui ne rate pas, qui fait mieux, et encore mieux. « Surprenez - nous, élevez - nous avec vous, plus haut que l’année dernière ». Tels sont les mots qui reviennent le plus souvent durant les sacro-saints entretiens annuels si l’on en croit les différentes études des sciences sociales sur le sujet (Danièle Linhart (2015), La comédie humaine du travail ; Souffrance en France. La banalisation de l’injustice sociale, Vincent de Gaulejac (2005), La société malade de la gestion, etc.)

Il est à l’affût, mais il est aussi à l’attaque, oui c’est possible. Le nouveau salarié peut conjuguer les contraires dans le même temps. D’ailleurs, il voit devant et derrière, véritable tête de Janus. Rien ne lui échappe. Les sciences sociales ont mis la main sur cette espèce invasive improbable, genre de tardigrade surdoué qui s’adapte à tous les environnements hostiles, pour le meilleur et pour le pire, au four et au moulin, avec le sourire.

Il est tellement fort. Il sait sortir du cadre pour transcender son métier. Mais il sait aussi prendre des coups et rester dans les cordes. Il sait creuser, chercher, trouver, imaginer, décider, produire, tout seul, ou en groupe. Mais il sait aussi rester à sa place, fermer son clapet, se tenir à carreau, encaisser la mauvaise nouvelle, et dire « merci ». En vérité, ce nouveau salarié est plus que cela encore. Il est tellement mieux. C’est un holon je crois.

Le holon (ou hôlon)

Un holon est un concept qui désigne une entité aux propriétés surprenantes. A la fois un tout et une partie d’un autre tout. Pensez à une cellule, qui a sa propre cohérence, mais qui fait partie d’un organisme vivant. Ce terme a été popularisé par Arthur Koestler dans son ouvrage The Ghost in the Machine (1967). Dans son ouvrage, l’auteur fait une nuance éclairante pour notre propos entre la hiérarchie et l’olarchie. Les hôlons s’emboîtent en « holarchies » plutôt qu’en « hiérarchies ». Pas la même chose, même si c’est presque pareil à la fin. Les hôlons tendent à s’auto-entretenir, se prendre en main, se défendent, se préservent. Mais en même temps, ils doivent rester ouverts aux contraintes du niveau supérieur.

Disons que la vision de l’auteur a pu être détournée, corrompue, ou simplement mal interprétée. En effet, les sciences de la gestion, du management, de l’organisation, ont semble- t-il relu à leur manière le concept d’holon. Dans leur vision, il s’agissait manifestement d’exploiter au maximum cette idée de potentialité, d’individualisme, pour fatalement produire une responsabilisation exubérante du salarié. Et chaque année on recommence, de plus haut. A la décharge de cette lecture originale du holon, il est vrai que « Celui qui n’a pas d’objectifs ne risque pas de les atteindre », Sun tzu. Mais bon, il existe aussi d’autre aphorisme qui tempère le message « Il y a un danger terrible à savoir ce qui est possible, car l’esprit va toujours plus loin. », Musset, comme par hasard il s’agit d’un des premiers romantique, bercé de désillusions.

Bref, effectivement ce nouveau salarié holon semblait alors bien plus prometteur et sympathique que l’ancien modèle trop sommaire, mono tache et taciturne, le ciron. Mais bon.

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