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Billet de blog 18 février 2025

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Déficit : la fable de la grenouille et du scorpion

La Commission Européenne s’apprête à accorder une autorisation de déficit exceptionnel afin de financer l’autonomie militaire. Un piège à cons ? Possible, car l’expérience démontre qu’alors l’Europe ne peut pas retenir sa vraie nature.

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Illustration 1

Un scorpion avait un truc à faire de l’autre côté de la rivière. Il voit une grenouille Uber et lui demande d’aller sur son dos. 

La grenouille : « je suis pas débile, tu vas me piquer » 

Le scorpion : « ben si t’es débile, si je te pique tu meurs et je coule » 

La grenouille : « ah ouais t’as raison ».

Ni une, ni deux, le scorpion monta sur le dos de la grenouille, et à mi – chemin, la piqua.

La grenouille : « tu vois t’es débile, tu m’as piqué, on va mourir tous les deux » 

Le scorpion : « j’ai pas pu me retenir, c’est dans ma nature ».

Qui est qui ? Je propose que la grenouille soit la Commission Européenne, et le scorpion un état membre, la France au hasard.  La France est un scorpion particulièrement tordu. Il dit toujours qu’il va se retenir de piquer, mais il n’y arrive jamais. A chaque fois que la France promet de réduire son déficit, c’est l’inverse qui se produit, appuyant davantage encore sur la plaie. Elle ne peut pas retenir sa vraie nature. Sur l’échelle du doulouromètre, la charge d’intérêt atteint alors des niveaux critiques. Fort de ce constat, nous pourrions craindre que l’autorisation d’un dépassement exceptionnel de déficit par la grenouille Commission Européenne soit une tentation malvenue pour nos Etats membres. En effet, cette autorisation pourrait être une situation trop difficile à supporter pour des Etats membres pleins de bonne volonté, mais incapables de se retenir une fois tout près du pot de confiture.    

Certes, la fable atteint très vite ses limites. Car il se trouve que la piqure ne fait pas si mal que ça, puisque l’Europe vit encore. Certains disent que la douleur est finalement supportable. Il est vrai qu’il y a la dette ressentie et la dette subie. Pas la même chose. La France a longtemps subi la dette sans la ressentir, la preuve puisqu’elle continuait de s’endetter. Rien de choquant dans cette affaire, la dette a toujours été une affaire de goût plutôt que de gros sous. Tant qu’on n’est pas rassasié, on s’endette. Et pour une raison qui reste inconnue à ce jour, il y a toujours un pigeon pour vous prêter. Finalement, en admettant que la France « exagère » l’autorisation, se laissant alors rattraper par sa vraie nature, ce ne serait pas la fin du monde pour autant puisque la dette est là pour grimper, elle aussi c’est sa vraie nature.  

Mais bon. On n’est pas non plus obligé non plus de tenter le diable. Même si la dette maximale reste un concept assez fumeux, on n’est pas forcément tenté d’aller plus haut pour voir si c’est possible. Il y a des niveaux de dette sur PIB plus intimidants que d’autres, forçant le respect en quelque sorte. Par exemple, il n’est interdit d’imaginer qu’on soit un jour pris de vertige. Un vertige causé par les hauteurs atteintes par le niveau de dette sur PIB, étourdi enfin par la piqure du scorpion déficit peut – être. 

« Il y a un danger terrible à savoir ce qui est possible, car l’esprit va toujours plus loin », Musset, Confessions d’un enfant du siècle

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