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Billet de blog 21 mars 2023

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Quand le 49.3 rencontre 3.14

3.14 c’est ce nombre bizarre qu’on a croisé quand on était plus jeune, on l’appelait Pi ; il avait un super pouvoir car il expliquait plein de trucs mais on savait pas pourquoi. 49.3, c’est aussi un nombre bizarre qu’on croise quand on est plus vieux, lui aussi a un super pouvoir, mais qui peut rendre nerveux.

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Ni amer, ni aigri, ce papier s’interroge sur le pouvoir exercé par certains nombres, dont on ne se prive pas d’user. Ni aujourd’hui, ni par le passé.

Pi a trouvé un ami, le 49.3. Plus qu’un ami, un confident. Quelqu’un capable de comprendre la solitude liée à l’exercice du pouvoir absolu. Un pouvoir qui exige que l’autre se plie à la règle, rendant la discussion entre les parties tout juste récréative. En vérité, la contestation est alors vidée de sa substance, rendue inapte à produire quelque effet contrariant. Pi et 49.3 sont comme ça, tous deux ont un talent, un don, voire un goût immodéré pour l’autorité. Et ca marche.  

Ainsi, on a jamais vu la circonférence d’un cercle désobéir à la règle lui imposant d’être le produit du diamètre à Pi. Le 49.3 tout pareil, on a jamais vu un élu désobéir à cette règle lui imposant d’adopter un projet de loi même s’il ne lui est pas permis de le voter. C’est dans la constitution. Et la constitution ben c’est la constitution… Il faut faire très attention quand on envisage de toucher aux axiomes qui fondent l’édifice. Pour les mathématiques, on a déjà eu pas mal de problèmes par exemple (2 théorèmes de Gödel).

Pi et 49.3 nous fascinent, nous glissent entre les doigts lorsqu’on essaie de les saisir, ils finissent toujours par échapper au bon sens. On dit d’ailleurs de Pi qu’il est irrationnel, transcendant même. On ne pourrait pas dire mieux de 49.3.

Peut être une petite nuance entre les deux nombres. Pi semble plus empathique que son ami 49.3. « Appelez – moi 3.14, c’est plus simple… ». Il est sympa Pi. Il nous soulage d’une tâche inachevable : l’énumérer, lui dont le nombre de décimales après la virgule reste inconnu. D’une manière générale, Pi compatie avec notre incompétence à le saisir tout entier. Pi semble donc bien urbain à l’encontre de ses congénères. Il ne semble pas que l’on puisse dire la même chose du 49.3, qui brille par son indifférence. A moins que de considérer que la fin justifiant les moyens, et ne craignant pas de succomber à une tentation du bien, il s’exonère de la pensée d’autrui, qui le remerciera plus tard à n’en pas douter.

Il faut reconnaitre à ces nombres leur capacité à déjouer les ruses ou mauvais plans. Pi comme le 49.3 tisonnent l’anomie du moment, équarrissant les parties les moins tendres, afin de mieux dresser la harde de sauvages chez leurs congénères. Grâce à eux, le monde des nombres se tient à carreau dans le cercle, et le monde des Hommes se tient à carreau dans l’hémicycle (plus ou moins). Une version plus angélique propose même que Pi et le 49.3 soient le fameux pont - levis de René Char, l’esprit du château fort, un truc capable de mettre tout ce monde d’accord, même s’ils sont pas d’accord. Afin que le tas se transforme en tout (Régis Debray), annonçant le crépuscule d’un unus mundus du meilleur des mondes.

Une toute petite réserve tout de même.

Il faut se méfier de ces nombres à tout faire. De ces axiomes capables de résumer tous les autres, et de supporter tout l’édifice à eux tous seuls. Car ces nombres ressemblent alors à ces hypothèses capables de tout prouver, mais qui à la fin n’expliquent rien du tout. Chose que Laplace fit remarquer en son temps lorsqu’on lui suggéra de n’utiliser que l’hypothèse de Dieu pour tout expliquer : « justement, c’est parce qu’il explique tout, qu’il n’explique rien ! ». Autrement dit, on a besoin d’hypothèses, de règles qui soient incorruptibles mais pas ivres de pouvoir sur les autres. Pour Pi on ne peut pas grand-chose, ce n’est pas nous qui avons décidé que le grand livre de la nature soit écrit en langage mathématique, comme nous le fit remarquer Galilée. Mais pour le 49.3, il semble que ce soit encore nous qui tenions la plume. 

« La société libre n’est pas celle qui a le droit d’élire ceux qui la gouvernent, mais celle qui élit ceux qui ont le droit de la gouverner ». On est certes pas obligé d’aller aussi loin dans la démonstration que Davila Nicolas Gomez.

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