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Billet de blog 24 septembre 2024

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Qu’est ce qu’un rapport Draghi ?

Un rapport Draghi est un petit livret de nouvelles, publié aléatoirement au cours des 30 dernières années, dont les plus connus sont la grenouille européenne, la monnaie mamamouchique, et l’effet loupe italien

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La grenouille européenne : 2024

« Si l'on plonge subitement une grenouille dans de l'eau chaude, elle s'échappe d'un bond ; alors que si on la plonge dans l'eau froide et qu'on porte très progressivement l'eau à ébullition, la grenouille s'engourdit ou s'habitue à la température pour finir ébouillantée ». La grenouille de Draghi s’appelle zone euro. Et l’eau portée à ébullition est le retard accumulé par l’économie européenne par rapport aux Etats – Unis ou à la Chine. Plus ce retard s’accroit, et plus l’économie européenne est menacée de phtisie. Sauf que cette expérience de la grenouille n’est qu’une fable, en science comme en économie. En vérité, on ne sait pas si la zone euro paresse, ou bien si elle va lentement mais sûrement. On ne sait pas si les Etats – Unis et la Chine vont bon train, ou s’ils sont à l’aube d’une bulle réelle et financière. Dans Achille et la Tortue, personne ne conclue du retard de la tortue qu’elle va trop lentement, ou qu’Achille va trop vite. Par contre, il faut admettre que les graphes et autres camemberts en couleur de ce rapport Draghi sont plutôt récréatifs. Si vous souhaitez parcourir cette fable, elle vient tout juste de sortir, accès gratuit dans la langue de l’esperanto économique. 

La monnaie mamamouchique : 2012

« La Banque centrale européenne est prête à sauver l’euro, quoi qu’il en coûte ». Nous sommes le 26 juillet 2012 et Mario Draghi, alors président de la Banque centrale européenne, vient de prononcer la formule qui rendra la monnaie magique. Désormais la monnaie peut tout. Elle peut racheter ce qui ne vaut plus rien, ce dont personne ne veut plus, la dette de l’Italie par exemple, pour une durée indéterminée et en quantité illimitée. Le Banquier central dispose alors d’une véritable table d’émeraude, riche de vérités alchimiques tels que « quand y en a plus y en a encore ». Mario le magicien, qui n’a évidemment rien à voir celui de Thomas Mann, sera alors qualifié de sauveur de l’euro. Mais à quel prix. La monnaie a perdu son ombre, monnaie moche, monnaie minable. Le jeu en valait - il la chandelle ? Probablement. Mais plus rien ne sera comme avant. Désormais, l’Homo economicus se méfiera comme de la peste de cette monnaie capable de se multiplier comme des petits pains sous l’effet de quelques mots d’un Banquier central au service du planificateur bienveillant (l’Etat donc). Du pain béni pour les monnaies cryptos qui ne rêvent que de ces moments là où une forme de droit de cuissage de l’Etat s’exerce sur la monnaie officielle.   

L’effet loupe italien : 1998

« Le déficit italien n’est pas du tout de 7,7 % mais de 2,7 %, vous êtes victime d’un effet loupe, biais classique du genre humain produisant des paradoxes bien connus de la belle aux bois dormant ou de la fin du monde imminente »… Nous sommes en 1998, et l’Italie rentre comme par miracle dans la zone euro, grâce à un downsizing agressif de son déficit. Au fait, ces mots n’ont jamais été prononcés par super Mario. Par contre la réduction du déficit a bien été opérée par Draghi. Une prouesse technique qui relève du miracle ou du mirage. Plutôt mirage quant on réalise que la Grèce a eu la même idée. Effectivement, quelques années plus tard, on apprendra qu’il s’agissait d’un tour de passe – passe, signe des plus grands magiciens de la finance. Mais bon, c’était pour la bonne cause, dira t’on. La fin justifie les moyens dira t’on pour en rajouter une couche. Et puis de toute façon, à l’époque, on savait pas vraiment que le jeu de cartes était truqué (produits dérivés sur la dette des subprimes qui finira par exploser en 2008), alors "responsable mais pas coupable".

On attend avec impatience la publication d’un nouvel opus Draghi, probablement dans 5 ou 10 ans, le temps d’une nouvelle crise ou d’un nouveau moment anxiogène de l’économie européenne.

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