On n’en parle déjà plus. Et pourtant, ca avait l’air sérieux. Il y a quelques jours Vladimir Poutine annonçait qu’il ne voulait plus qu’on lui paie son gaz en monnaie hostile (dollars, euros…), mais en oripeaux (roubles). A vrai dire, on a hésité entre la fake news et l’erreur de com. Tant est si bien que les sachants de la finance pro-occidentale se demandent encore ce qui a bien pu passer par la tête du sachant russe.
Bon, on avait bien une petite idée quand même, mais une seule. Le seul effet tangible connu à ce jour d’une telle mesure aurait été de soutenir la devise russe, il est vrai un peu pâlotte. Effectivement, lorsque l’Allemagne paiera sa livraison de gaz à la Russie, elle devra d’abord acheter des roubles sur le marché des devises, pour ensuite payer ce gaz en roubles. En achetant ainsi du rouble, l’Allemagne (et d’autres) contribuera donc à le soutenir. Ca tient la route.
Il est vrai que la devise russe a quand même perdu près de – 25 % contre dollar depuis le début de l’année. Il est donc vrai qu’une telle mesure donnerait du baume au rouble. Et puisque la Banque Centrale russe a un peu les mains liées en ce moment pour soutenir elle-même sa devise, on peut comprendre la logique de l’annonce de Vladimir Poutine.
Mais bon, si la devise russe souffre, que dire du marché d’actions ? Il est carrément fermé jusqu’à nouvel ordre (réouverture potentielle lundi 28 mars). Il est vrai que le meilleur moyen de ne pas voir les prix des actifs financiers s’écrouler, c’est encore de les faire taire. Les mauvaises langues diront que la censure opère partout finalement.
Etrange stratégie tout de même que de souhaiter être payé dans une devise dont plus personne ne veut, à part vous. « Qu’on le paie en cacahuètes s’il le souhaite », entend -on en coulisses. C’est osé. « De toute façon, il n’a pas le droit, ce n’est pas dans le contrat », entend – on côté payeurs. Certes, mais l’invasion en Ukraine n’était pas non plus dans le contrat.
Lorsqu’on débat de la stratégie géopolitique des autorités russes, on invoque souvent leur talent de joueur de Poker. Ils sont certainement talentueux. Mais pour l’instant, ils cachent bien leur jeu si l’on en croit l’analyse pro-occidentale. Certains osent même dire qu’on serait plus proche du joueur de Chifoumi.
A moins, à moins, que l’autorité russe n’ourdisse quelque projet diabolique, qui dépasse le seul cadre de la facture en roubles. Peut être qu’il est envisagé que le rouble devienne un genre de monnaie alternative, une forme de cryptomonnaie slave, voire un nouveau Libra mais qui réussit cette fois.
Ou pas.
Peut être qu’il n’existe tout simplement pas d’explication qui fasse honneur à la manœuvre. On n’y croit pas, non pas parce que ce n’est pas possible, mais parce que ce n’est pas convaincant. Pourtant, depuis de longs mois, la volonté russe de surprendre, de mener la danse, et d’imposer son rythme à son « partenaire » est patente. A vrai dire, elle fut même efficace, jusqu’à l’invasion du 24 février.
Mais le meneur de tango zélé est parfois trahi par son manque d’arguments, ce dont le partenaire finit par se rendre compte et le rend moins enclin à suivre la cadence. La Roublada n’est pas une danse, mais si elle existait, on la danserait comme ça.
« Le tango est une pensée triste, qui se danse », Enrique Santos Discépolo