Cucul la praline, Martine. Tranquille dans sa bubulle. Martine vit sa vie peinarde, à la plage, à l’école, à cheval, au théâtre. Parfois, elle se fait une p’tite frousse quand elle croit voire un fantôme, ou bien un p’tit bobo quand elle se casse une patte. Mais globalement, Martine est plutôt bien au chaud dans sa BD. Elle n’entretient aucun rapport particulier avec le lecteur. Tout ça grâce au support papier de l’album qui agit comme un buvard absorbant les angoisses du lecteur pour n’y laisser filtrer qu’une prédisposition récréative. Sauf que là, c’est raté. L’imaginaire s’est laissé débordé par le réel. Et ça dégouline. La rentrée s’annonce mal. Car les maux de Martine sont nombreux.
La guerre des gangues
Gangue : substance amorphe qui enferme, dissimule une idée
Gang : bande organisée, association de malfaiteurs
Martine a longtemps hésité entre les deux termes pour désigner la chose. La chose c’est la guerre. La guerre des idées, des idéaux, des idées fixes, des idébiles. Bref, la guerre des Hommes. Finalement, Martine a tranché. Ce sera gangue. Moins clinquant que gang, mais plus dans l’aire du temps. Plus en phase avec la nature des acteurs convoqués : gangue politique, gangue économique, gangue technologique. La guerre des gangues donc. Masses informes, poursuivant d’augustes fins justifiant d’occultes moyens, enserrant l’imaginaire pour y diffuser leur gaz débilitant. Un genre d’emphysème innervant la pensée sommaire. Martine a peur des gangues. Et les gangues le lui rendent bien. Les foyers de tension sociale et géopolitique se multiplient. Le monde est à feu vif. Cette rentrée sent la poudre.
Tata yoyo
« Qu’est - ce que y a sous ton grand chapeau »… On est vraiment des blaireaux. Tant d’années à croire qu’y avait quelque chose sous ce grand chapeau. Que dalle. Pourtant, on m’avait dit qu’ « y a même un grelot », Zéro. Même Martine n’y croit plus depuis longtemps. Faut dire qu’elle en a vu des tata yoyo défiler, malgré son jeune âge. Martine est pourtant bon public et l’imaginaire rarement décevant. Mais là, c’était trop. A croire que même l’imaginaire se finance. Et aujourd’hui, y a plus le sou. C’est le retour de la dette hideuse. Celle qui faut pas qu’elle monte de trop, parce que ca donne le vertige à la créance. Ckiki va financer les promesses ? « pas moi » dit la Banque centrale. Son robinet à liquidités, rangé dans le coffre à jouet. Alors Martine pense à demain. Même si demain ne pense plus à elle. Pourtant Tata yoyo lui promet la lumière plutôt que l’obscurité. Mais Martine préfère l’ombre, plus équivoque, le cul entre deux chaires de sachant. Martine a peur des tatas yoyo. Qui vont-elles encore enfumer en faisant croire qu’elles ont la solution à tous les problèmes sous leur grand chapeau ?
La ruse de l’Homme du ressentiment
Martine n’a pas lu Hegel. Mais on s’en fout. Hegel, c’est le gars un peu plus compréhensible que l’imbitable Heidegger, mais pas de beaucoup. Hegel, on le connait notamment pour sa fameuse expression de « ruse de la raison ». Mais on le connait moins pour son autre expression « ruse de l’Homme ». C’est l’idée que le monde n’a pas été donné clef en main à l’Homme. Il a du ruser, se battre pour survivre, jusqu’à apprendre à dompter les lois de la nature afin de tordre le réel à sa mesure. Sauf qu’on a sous estimé grandement le ressentiment éprouvé par l’Homme. Tant d’années à lutter contre la nature hostile. Voilà la vraie explication de son mépris climatique. Ce n’est pas qu’il s’en moque, c’est qu’il se venge. L’Homme de la cité serait un gars rancunier qui n’en finit pas de se venger de la nature. Martine a peur de l’Homme du ressentiment. Pas celui de Scheler, mais celui qui pollue. Mais cette histoire finira mal, car la nature rend coup pour coup. « Même pas mal ! » dit le décideur, qui hésite entre dénis au mépris. Martine a peur des cons.
Voiture éclectique
Déjà qu’on sait pas où on va. Si en plus on sait plus comment on y va. Voiture électrique ? hybride ? Hydrogène ? A pédales ? Martine n’y comprend plus rien. C’est quoi donc la voiture de demain ? Vont-ils finir par se mettre d’accord tous ces gars qui pensent pour nous ? « J'ai pas l’impression », lit – on dans les pensées de Martine. Elle a pas tort. Bien possible que tous ses décideurs du monde de demain se quittent fâchés, et que nous nous retrouvions tous à pieds. C’est d’ailleurs le scénario le plus probable. En effet, comment faire consensus ? On imagine pas de voiture éclectique, un genre de voiture qui mêle un peu toutes les idées : électrico – thermico – pédalo, etc… Martine n’est pas dupe. Même dans son monde à elle, on est pas assez débile pour croire à une voiture pareille. Martine avait déjà peur de passer le permis. Maintenant elle a peur que ça lui serve à rien. Martine imagine alors prendre une trottinette… mais une trottinette électrique ? Hybride ?... et le problème recommence. Qui remportera la mise ? Qui imposera sa monture ? Martine réalise qu’elle habite un monde qui va plus vite plus loin, mais qui n’a pas décidé comment. Martine a peur de l’absurde.