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Billet de blog 28 juin 2023

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Homo economicus post coïtum

La débandade économique est indiscutable, et il semble illusoire que les PIB se redressent. L’Homo economicus n’a plus la tête à ça, après en avoir bien profité il est vrai.

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Le moral n’y est plus. Pourtant il essaie, il se donne, mais ça n’avance plus. L’homo economicus est dans le dur, la tête dans le c.. La preuve par les chiffres. Depuis près de 50 ans, la croissance économique ne fait que ralentir, de 5 %, à 3 % puis à 1 % dans les bons jours. Nous produisons toujours des tas de choses, mais de moins en moins vite. La vie économique est devenue une forme de tapis roulant désenchanté.

Nous n’avons plus le cœur à faire bombance, les réveils sont plus difficiles, la gueule de bois, les yeux bouffis, la vie ressentie devient moins fun que la vie vécue. Une différence de degré de la croissance économique qui semble avoir mué en variation de nature de la vie économique. La quantité se fait tirer les oreilles par la qualité. Tant mieux il était temps, d’une certaine manière, sauf que ça n’est pas volontaire.   

Sommes nous devenus des tir - au - flanc ? Pas vraiment. OK, on bosse (peut - être) moins d’heures que nos ancêtres, mais on n’a jamais autant innové. La technologie innerve la vie économique, la vie privée, la vie tout court. Sauf qu’on ne voit aucune trace d’accélération du progrès technique dans les statistiques. L’économiste se frotte les yeux. C’est très bizarre mais la productivité du travail n’a toujours pas été dopée par les technologies de l’information et de la communication (TIC), le couple Big Data – Machine Learning, l’intelligence artificielle, la technoscience d’une manière générale. Une énigme incompréhensible. Certains y croient encore, et invoquent la malmesure du progrès, ou le retard du bus de l’innovation. Pourquoi pas. Mais pour l’instant on ne voit rien.

C’est un sérieux problème pour l’homo economicus, car sans accélération du progrès technique, la croissance économique ne semble guère pouvoir dépasser les 1 % durablement. A moins que la croissance de la population active s’envole et compense le manque de productivité ? C’est l’idée que si un travailleur est moins efficace, il suffit qu’il y en ait deux pour faire le même taf. Même pas en rêve. La pyramide des âges, le vieillissement de la population, le taux de natalité, tout ça est à contre - sens. La croissance de la population active devrait rester tout proche du 0 % pour les années à venir, à moins d’une nouvelle génération en rut, ou d’une révolution migratoire.  

Le compte n’y est pas. Une croissance de la productivité mystérieusement faible, une croissance de la population active en berne. Impossible d’espérer une inflexion durable de la croissance économique. A moins que les investissements dans la transition énergétique nous fassent basculer dans une nouvelle ère ? Insufflant à la productivité du travail un nouvel élan ? Tout est possible. Mais pas avant une bonne dizaine d’année, a minima. A moins d’imaginer une découverte sensationnelle, genre l’hydrogène ou autre truc qui nous dépasse.

Et puis nous parlons de croissance économique, mais finalement l’homo economicus s’en fout un peu. Ce n’est pas ça qui l’intéresse. Ce qui compte pour lui ce n’est pas la taille du gâteau, c’est la taille de la part du gâteau. Ce qu’on appelle le PIB par tête ; et que l’on résume souvent par le bien - être économique. On ne s’étendra pas sur les multiples limites et critiques d’une telle mesure. Car ça aussi, l’homo économicus s’en fout. Il a d’autres soucis. En effet, ce qui embête notre homo economicus c’est que ce PIB par tête, sa part du gâteau donc, devrait aussi connaitre des problèmes de croissance. Il se trouve que le principal moteur du PIB par tête, c’est l’accélération du progrès technique… dont on ne voit toujours pas la trace dans la croissance économique. Notre homo économicus est alors saisi de vertiges. Pire, une véritable angoisse existentielle. Que faire de sa vie s’il ne peut plus espérer une part de gâteau plus grande que la veille ?  

Pas question de se laisser faire. Pas question de se priver demain de ce dont il n’a pas besoin aujourd’hui…  « On ne tremble pas assez à l’idée de ce qu’on a pas », nous rappelle Pascal Quignard. L’homo economicus veut y croire encore. Mais à force d’y croire, il prend le risque d’entretenir de faux espoirs, jusqu’à produire de terribles malentendus.  « Les PIB n’ont pas dit leurs derniers mots maux… ». Le PIB est malade, pour une durée indéterminée, un mal dont personne ne connait la véritable cause, mais tout le monde y va de son diagnostic : trop de dette, trop de monnaie, trop d’impôts, trop de mondialisation, trop d’inégalités… L’Homo economicus soupire, de nouveau pris de vertiges, il décide enfin d’aller se poser sur un banc.

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