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Billet de blog 28 septembre 2025

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Trump osera t’il s’attaquer au dernier bastion… la logique ?

Le président américain revisite tous les sujets. Economie, géopolitique, justice, climatologie, vaccinologie, sociologie, art, éducation… Mais il y a un domaine auquel il n’a pas encore osé s’attaquer. La logique.

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Il est partout, même là où il n’a rien à faire. Les mauvaises langues diront qu’il a cette capacité de remplir l’espace avec du vide. Ce qui est quand même une prouesse. Mais Donald Trump ne se contente pas de parler, il agit aussi beaucoup. Commençons par rappeler quelques faits d’armes de ce président américain iconoclaste. « Le réchauffement climatique est un canular, la Covid est une mauvaise grippe, les vaccins ne servent à rien, l’art contemporain est moche, la bible au programme scolaire, les transgenres sont des gauchistes, le commerce mondial c’est avec mes prix, les dictateurs sont des gars plutôt sympathiques, je suis le seul Banquier central ». Voilà pour un condensé. Car la lame de fonds emporte bien d’autres thèmes sur son passage, des sciences de la nature aux sciences sociales. Sauf un thème qui semble pour l’instant échapper à la purge. La logique.

Donald Trump n’a pas peur de se tromper. Mais il peut avoir peur d’être incohérent. Il n’a pas peur que son programme soit mis en échec, mais il peut avoir peur qu’il soit contradictoire. Effectivement, être dans l’erreur est moins grave qu’être stupide. C’est pour ces raisons là que la logique est finalement le principal adversaire de Donald Trump. La logique s’intéresse à la cohérence du propos, elle veille à ne pas produire de propositions contradictoires, à ne pas déduire le vrai du faux. Pas vraiment la marque de fabrique de Donald Trump. On peut comprendre qu’il se méfie comme de la peste de ce domaine d’expertise. Il a raison. Imaginons que le président américain ambitionne alors de faire tomber ce dernier bastion. Comment s’y prendrait – il ? 

La preuve par l’absurde

Assurément, il commencerait par s’attaquer à la preuve par l’absurde, la plus redoutée. Il faut dire qu’elle a fait tomber pas mal d’idées reçues en mathématiques ou en informatique. Imaginons que vous souhaitiez prouver que Donald Trump est irrationnel. Vous ne trouvez pas la bonne prise. Alors vous faites l’hypothèse inverse : Donald Trump est rationnel. Et vous prouvez que cette hypothèse inverse mène à une absurdité. Donc puisque Trump ne peut pas être rationnel, c’est bien qu’il est irrationnel. Le plus piquant dans cette histoire, c’est que l’exemple canonique pour illustrer la preuve par l’absurde est l’existence de nombres… irrationnels.

Comment Donald Trump pourrait – il s’y prendre pour déposséder la preuve par l’absurde de son pouvoir de nuisance ? Pas de solution miracle, mais un moyen de limiter la casse. Remettre en cause le principe du tiers exclu. C’est lui qui n’offre pas d’autre alternative à Trump que d’être rationnel ou irrationnel. Et puisqu’il est prouvé qu’il ne peut pas être rationnel, on en déduit alors qu’il est forcément irrationnel. En vérité, Donald Trump pourrait presque avoir l’air intelligent s’il évoquait alors la logique intuitionniste comme joker. Cette dernière remet en cause le principe du tiers exclu. Dans notre cas cela signifierait que même si Donald Trump ne peut pas être rationnel, cela n’implique pas forcément qu’il est irrationnel. Entre le vrai et le faux, il existerait comme une zone de non droit, quelque part entre l’ignorance et l’arrogance

Le Modus Ponens

Quand bien même Donald Trump arriverait à tordre la preuve par l’absurde, la logique pourrait attaquer par un autre versant. Le Modus Ponens, règle de la logique la plus ancienne et la plus proche de notre manière de raisonner. Aujourd’hui, elle nous dit des choses comme ça.   

Prémisse 1 : si Trump est élu, alors rien ne va plus.

Prémisse 2 : or Trump est élu 

Conclusion : donc rien ne va plus

À partir du moment où vous accepter les deux prémisses, vous en déduisez forcément que la conclusion est vraie. Seule échappatoire pour Trump, prouver que l’une ou l’autre des deux prémisses n’est pas vraie. Ainsi on ne pourra pas en déduire la conclusion que « rien ne va plus ». Déjà, on ne peut pas éliminer la deuxième prémisse « Trump a été élu ». En effet nous savons qu’il a été élu, à moins que les élections aient été truquées bien entendu. Par contre la première prémisse est encore discutable. « Si Trump est élu, alors rien ne va plus » n’est pas encore un fait certain, même s’il existe un faisceau d’indices que certains peuvent juger accablants. Ainsi Donald Trump peut tout à fait invalider l’utilisation du Modus Ponens, puisque l’une au moins des prémisses n’est pas certaine. La charge de la preuve revient alors à celui qui suppose les prémisses comme vraies. 

Le paradoxe du menteur

Mais le plus dur serait à venir pour Donald Trump. Car la logique le sait vulnérable sur son point faible. Son égo. En logique l’égo se mesure en nombre de paradoxes. Or Donald Trump est un paradoxe ambulant. Il est un fervent défenseur de valeurs conservatrices mais aurait pris quelques libertés avec le règlement. Il s’est présenté comme la voix des classes oubliées par la mondialisation mais il est le symbole d’une élite économique. Il est le président le plus imprévisible du pays le plus puissant. Etc. La logique est impitoyable avec les paradoxes, elle les interdit. Peut – être le paradoxe le plus à propos est celui du menteur.

Donald Trump : « les journalistes disent que je mens toujours, mais si je dis que c’est vrai, alors ce doit être faux… ». Cette phrase ressemble à un bon mot du président américain. Mais il ne l’a jamais prononcée. Et pour cause, il aurait probablement été tétanisé. La peur d’une boucle infinie, qui n’en finit pas de tourner sur elle-même, sans jamais pouvoir trancher le vrai du faux. Illustration standard : « cette phrase est fausse ». si cette phrase est vraie, alors « cette phrase est fausse » est vraie, et donc cette phrase est fausse. Mais si cette phrase est fausse, alors « cette phrase est fausse » est fausse, et donc cette phrase est vraie. Bug. En logique, on appelle cela de l’autoréférence, et c’est interdit sous peine de paradoxe.

Mais tout n’est pas perdu pour Donald Trump. Car nous savons qu’il existe une solution à ce problème. Il suffit d’utiliser un langage pour énoncer la phrase (langage objet), et un autre langage pour s’interroger sur la phrase (méta – langage). Pas sûr que le président américain soit réceptif à ce genre de considérations, mais on ne peut pas exclure non plus qu’il tombe dessus par hasard ou sur un malentendu. En théorie donc, il y aurait bien un moyen pour Donald Trump de ne pas tomber dans le paradoxe du menteur. Bien évidemment, la logique a d’autres cartes dans son jeu susceptibles de prouver l’incohérence du personnage, voire son impossible existence dans un monde rationnel. À moins que nous nous trompions de monde. Que ce que nous considérons comme un monde intelligible soit en vérité inconséquent. Etque nous ayons les dirigeants que l’on mérite.

Pros :

« Le passage de la logique à l’épilepsie est consommé. Ainsi naissent les idéologies, les doctrines, et les forces sanglantes », Cioran

Cons :

« La logique ne s’exprime pas en termes de vérité. Une interdiction n’est ni vraie ni fausse, elle en vigueur ou non », Jean - Yves Girard

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