Je ne suis pas con. Pas tout le temps. Mais si je veux, je peux. Et je peux l’être très longtemps, si vraiment l’envie me prend. Comment est – ce possible ? Je ne sais pas. Je n’ai pas de réponse à cette question à la con. Mais il me faut creuser. Car si je peux être si con si longtemps, cela peut nuire au bien vivre ensemble.
Y a-t-il une limite ? Un garde fou ? Le bon sens finit – il par intervenir à un moment donné ? Pas sûr. En tous les cas, l’hypothèse me semble bien excessive. Je ne peux pas faire comme si la connerie finissait par se raisonner elle – même, genre « non là vraiment, je suis trop con, stop ». D’ailleurs, on a jamais vu un con s’arrêter d’être con par sa seule volonté. Il faudrait pour cela que le con soit intelligent. Ce qui est contradictoire dans les termes.
Non, il faudrait autre chose pour arrêter les conneries. Quelque chose de plus radical, d’imparable, qui résiste à tout, aux cons aussi.
Le stock de conneries disponible
Observons ce que nous dit le monde. Qu’est ce qui finit par stopper les gens d’être cons ? Pas les sermons, ni la morale, ni la logique. Mais les capacités, les ressources, le stock disponible. C’est l’épuisement et non le raisonnement qui peut stopper la connerie.
Par exemple, qu’est ce qui pourrait arrêter les gens de faire la guerre ? L’épuisement des munitions, de la chair à canon, des cercueils. Qu’est – ce qui pourrait arrêter le réchauffement climatique ? L’épuisement des ressources en pétrole, en charbon, ou en biens ostentatoires. Qu’est – ce qui pourrait mettre fin aux inégalités ? L’épuisement des capacités financières des ultra – riches puisque la satiété n'a aucune prise sur eux.
Evidemment, je ne suis pas en train de dire qu’il faille attendre cet épuisement des ressources avant d’agir. C’est juste que cet épuisement est une condition suffisante pour arrêter de faire les cons. Car même si les cons sont pas d’accord, ils n'en ont plus les moyens. Ils cessent de faire les cons, car ils sont devenus inaptes à la connerie. Ils deviennent des cons putatifs. La connerie n’est pas réfutée, mais récusée.
Tirons alors le fil jusqu’au bout. Qu’est ce qui pourrait arrêter les gens d’être cons d’une manière plus générale, plus formelle ? Et bien peut – être qu’il faudrait imaginer qu’ils aient épuisé leur stock de conneries. Comme si ils disposaient à la naissance d’un capital en conneries, les prédisposant à faire les cons, ponctuellement mais pas éternellement. Comme un con potentiel pouvant se réaliser par moment, mais qui s’épuiserait en cas d’abus. Il s’agirait d’ailleurs d’une sécurité bienvenue pour le genre humain, tant les abus sont la cause de bien des maux.
Malheureusement, rien dans les faits du monde ne semble supporter une telle hypothèse d’un stock de connerie qui serait limité. Tout ce que le réel nous donne à voir et à entendre supporte plutôt la thèse d’une connerie infinie, inépuisable, renouvelable à souhait. Dommage.
D’autant plus dommage qu’il semble que l’intelligence, le raisonnement, la logique, soient elles bien contraintes à l’épuisement des ressources. En effet, contrairement à ce que racontaient Aristote et ses potes, la « vraie » logique ne peut pas toujours utiliser des axiomes à volonté pour prouver ce qu’elle avance (page 20 pour la rareté des ressources, et ici pour une immersion en profondeur). La « vraie » logique doit tenir compte d’un stock d’hypothèses qui puisse parfois être limité. Pourtant, quand je fais l’opération 1+1 = 2, il ne semble pas que j’ai consommé deux 1… Sauf que dans la vraie vie, les 1 n’existent pas. Par contre, si on remplace le 1 par 1 euro, alors on comprend mieux l’idée de ressources en quantité limitées : si j’utilise 1 euro pour me payer un café, je ne peux plus utiliser ce même euro pour me payer un thé.
Intelligence vs connerie : un combat inégal
C’est con ce que je dis ? Je sais toujours pas. Ce que j’essaie de dire c’est que le combat est inégal entre l’intelligence et la connerie. Alors que nos beaux raisonnements semblent parfois contraints par l’épuisement des ressources, en axiomes ou autres hypothèses. Nos conneries ne semblent contraintes par aucune limite, comme disposant de ressources infinies, un puits sans fond pour les cons que nous sommes. Nous sommes condamnés à rester cons, puisque rien ne peut nous arrêter. Des cons inachevés et inachevables. C’est con.