C'est un coup de sang, pour ne pas dire un coup de cœur, mon sang n'a fait qu'un tour !
J'ai, comme beaucoup de lecteurs de Mediapart, suivi à la fois l'affaire PPDA et la vidéo du témoignage des 20 femmes sur la chaine YouTube de la rédaction. J'ai évidemment été alerté par la publication d'un documentaire "Zero Impunity"1 sur le viol dans les zones de guerre. J'ai effectivement lu à cette occasion une grande partie des dossiers consacrés au sujet, à savoir le viol et la prostitution entretenus par le contingent français en République Centrafricaine2, son usage dans les prisons américaines3 dans le cadre dit des techniques d’interrogatoires poussées (The Report, Scott Z. Burns4), notamment à Abu Ghraib (The Card Counter, Paul Schrader5) et à Guantánamo (The Mauritanian, Kevin Macdonald6), et évidemment le dossier Syrien7 avec la prison de Saidnaya.
Plus les reportages sur les exactions du même ordre en Ukraine, d'hier8 (dès suites de l'invasion de la Crimée et perpétrées par les deux camps) et d'aujourd'hui9.
Ce qui m'a frappé, c'est le blanc seing. A chaque fois c'est le même mot d'ordre. Je n'ai pas pu m’empêcher de faire le lien avec la liberté : permis de tuer si vous voyez ce que je veux dire.
La liberté n'est pas ce à quoi l'on pense lorsque l'on parle de telles atrocités. Mais c'est pourtant celle-ci qui permet leurs commissions.
Je repensais à l’interview10 de Frédérique Dumas, ancienne députée LREM, sur Sud Radio qui statuait sur les véritables ressorts derrière l'autoritarisme croissant des politiques - incarnés ou désincarnés.
Et nécessairement, j'ai fais le lien. Avec Macron qui hypothèque la liberté de tous pour son seul profit. De la même manière que les hommes (et les femmes11) de pouvoir semblent faire usage des mêmes vices. Au choix, Hulot12, DSK13, Juppé (voir plus haut l'interview de Frédérique Dumas), Véran14 15, Dupond-Moretti16, et la liste est non exhaustive. "Il se sert" fait remarquer une victime de PPDA. Totalement décomplexé. Le même déni, frappant ceux qui se croyant ne pas être fait du même bois, finissent convaincu qu'ils ne vivent pas sous l'égide des mêmes règles. Et c'est la liberté, déjà, qui les obligent.
Mon bon ami, à qui j'ai soufflé la citation de l'entête, à rappelé également la citation, ô combien puissante et de circonstance, d'Albert Camus : "Un homme ça s’empêche."
Et l’empêchement qui en découle, n'est plus, immanquablement dans notre société. Qu'hier, une certaine morale semblait encore tenir. D'aucun parlerons de la place du sacré et donc déjà de l’éthique. Si bien sûr il est fait référence de prime abord à la religion, il est plus intéressant encore de rendre à la seconde lecture toute sa noblesse, à savoir que le sacré du corps, et pas - que - celui "du Christ", c'est celui de l'autre, du sien.
Malheureusement et c'est aussi pourquoi j'ai eu à écrire cela :
J'ai eu une pulsion, avant même que d'avoir celle d'écrire ce billet, c'était de me donner à voir de la danse, de la chorégraphie. Et c'est en tombant sur YouTube que l'une d'entre elles17 - c'est peut-être l'accumulation de toutes celles visionnées au préalable - que j'ai été poignardé, épris d'un profond sentiment, en pensant à l'incarnation sacrée que représente le corps, que représente dans son prolongement la vie qui l'habite. Et donc, de penser à ces femmes, ces hommes, ces vivants que l'on souille, que l'on tue, que l'on détruit.
Parfois pour son seul plaisir.
Parfois par accident.
Parfois à dessein.
Parfois inconséquemment.
J'ai eu mal et en même temps j'ai eu du bien. Le bien reconnaissant la familiarité d'une profonde émotion face au beau, mais tout à la fois l'effroi que de comprendre la fragilité sur laquelle elle repose. Cette même fragilité qui me fait voir, en mon for intérieur, à quel point je pourrais me rendre, si cela n'est point déjà fait, coupable d'un pareil crime. Je le sais, profondément, nous sommes capable de tout. C'est encore souvent une rengaine associée à des formes, avancées18, du développement personnel, mais au même titre que l'envers des mots que la Macronie réifie, travestie, l'on comprend qu'un mot contient aussi son contraire, que les maux sont aussi, à la fois, des frères honnis.
Néanmoins, pas plus tard qu’aujourd’hui devant l'inventaire que je faisais, partageant à la fois le vide abyssal de l'existence, la rétrospection des tragédies familiales et les considérations générales (écologiques, politiques, économiques...) hypothéquant l'avenir, je me retrouvais à penser à GiedRé19, dans une interview donné à Blast menée par Denis Robert, qui se surprenait du faible nombre de personnes qui gardaient la vie plutôt que de choisir de se l’ôter.
Non, pas que cette idée ne me soit jamais venue à l'esprit, bien au contraire, j'ai cette impression de lourdeur que d'être dans l'existence. De responsabilité. Quand bien même celle-ci se résumerait, en toute longueur, à me trainer inexorablement avec des questionnements métaphysiques insolubles.
Non, plus encore, je m’ébahis aussi, dans cette partie qui me fait admirer la vie, lorsque je vois ces mêmes gens, plus haut, danser, ces gens faire montre d'une énergie vitale intense.
L'amour aussi que l'on éprouve comme seul adjuvant, car l'origine même de tout questionnement, n'est-il pas déjà la manifestation d'une profonde affection20 ?
18 Dans le sens d'un cancer.
20 Que d'être atteint d'une maladie mortelle, d'un mal incurable : la vie.