Août 2022, le monde est un peu plus vieux, nous, ses habitants le sommes également.
S'il y a quelque chose de particulier à l'échelle du temps, c'est la notion toute relative qui l'articule, son référentiel, qui selon le point de vue sera perçu avec plus ou moins de brièveté. Il pourrait être entendu même que le temps n'a d'existence qu'en tant que concept mais aussi peut-être qu'en tant que réalité tangible, exclusive à l'humanité. De même que pour la mesure, l'amplitude des choses, l'échelle des distances.
Au début du XXème siècle, Albert Einstein avait théorisé le concept d'espace-temps, comme deux constantes inséparables d'un même ensemble. Dans le sens où, là où l'espace prend place c'est ce que le temps lui a concédé. Là où le temps s'écoule, l'espace inexorable aura marqué l'emprunte de son égrènement.
De manière plus prosaïque, il semble évident que grandir c'est à la fois voir son corps (son espace) modifié par le temps, mais aussi au regard comparatif de deux points donnés pris séparément, d'un point d'antériorité - souvent la naissance, comme point de référentiel absolu, par opposition à un autre point plus ou moins éloigné du premier. Au même titre que chaque individu puisse avoir dans l'absolu deux points distants à des degrés différents. L'un marquant sa naissance au monde, l'autre son retrait.
Il parait d'ailleurs d'autant plus difficile de concevoir ce quelque part, puisqu'il ne s'agit alors plus de parler qu'en tant que spectateur, étranger d'une trajectoire qui n'est pas encore la nôtre, ne pouvant connaitre qu'un point de départ. Encore qu'un point est-il déjà l'objet suffisant d'une perception, ou n'est-ce pas déjà sa mise en association avec une constellation d'autres que lui qui pourrait seulement le devenir ?
De même que par essence, la mort, sous tend, la fin d'un agenda et d'une administration, d'une intendance de celui-ci. Car elle ne pourrait se faire connaitre qu'à l'insu du premier concerné - que d'une manière procuratoire comme cité plus haut.
Ce qui n’empêchera personne de faire appel à tout un tas de points intermédiaires, depuis sa naissance et avant sa mort venue, pour étirer tout un tas de particules de temps, que l'on consacrera comme autant d'éléments de souvenirs, de mémoire et donc d’importance remarquable, comme le constitutif d'une vie vécue.
Le temps géologique donc, c'est ce qui communément dénomine l'âge de notre planète par l'intermédiaire des différentes ères, qui sembleraient constituer sa vie. Ce sont principalement les sciences de l’étude du passé, du temps et de ses constituants qui s’affèrent à cette tâche.
L'Histoire, la Cosmologie, la Géologie sont cités en exemple sans qu'aucunement ces domaines de recherche, non exhaustifs, retranchent à la lecture de cette étude temporelle un quelconque monopole sur son sens.
M'est venu à l'esprit l'idée que j'étais calé sur un temps géologique. Au sens de la géologie des plaques que constitue mes intérieurs. Mon corps et donc aussi mon esprit - qui est autant ce que le temps est à l'espace.
Il y avait une volonté de préciser l'intuition fulgurante qui m'apparaissait alors, que celle d'être en décalage permanent avec le monde qui m'entoure. Celui de mes semblables. Comme si la tectonique de mes mouvements était moins rapidement entrainée par les différents sursauts que la vie m'afflige. Comme si le temps, qui semblait convenir à la majorité, n'était finalement pas suffisant à faire rompre les digues de mon immobilisme.
En effet, le temps semble être, le plus souvent, une constante comparative, surtout dans nos sociétés où les vies de celles qui l'animent sont comptées. Pas d'égale mesure1, mais approximativement, de façon semblable.
J'avais donc senti comme un poids, cette notion qu'il fallait être à l'heure, pas dans le sens horaire, mais bien dans le sens de l'articulation générale de sa vie. Pour son bon déroulé et pour une certaine bienséance, un certain égard. Moins d'ailleurs par comparaison avec d'autres, que par l'urgence qui me tiendrait à mon corps défendant, de ne pas comprendre que si l'esprit semble garder intact une certaine fraicheur, le corps lui s'avance peu à peu vers un déclin inéluctable2 - de ce que l'espace est au temps.
1 (à tout le moins les écarts médians ne sont finalement que peu considérables à l'aune de temps plus profond, comme celui d'une nation, d'une culture, d'un édifice quelconque ou plus simplement d'une multitude d'éléments composites de notre environnement : minéraux, roches, sédiments, faune, flore).
2 Voir la notion de Big Crunch