Que faudrait-il faire pour s’adresser au plus grand nombre ?
C'est la question que posait mon professeur de philosophie, un jour d'octobre.
Aujourd'hui, la réponse semble converger vers une forme archétypale (voir C. G. Jung) que je pressens, sans parvenir pour autant à la définir. Je suis donc amené à me demander comment à force de faire quelque chose, l’on parvient quelque part.
Je regardais à mon modeste niveau, un nombre certain de contenus numériques : vidéos, séries, films, publicités, articles d'édition ou de journaux. Et la même chose me parvenait à la vue. La vente. L'argent. La puissance. Le pouvoir. Faut-il pour cela en revenir à La poétique, d'Aristote ? Comment se dire que depuis tout ce temps, nous sommes toujours au même endroit ? N'y aurait-il rien de changé ? Quel serait le mensonge derrière la grande mascarade, celle qui annoncée jadis, déjà, le dévoilement (dévoiement ?) du monde ?
C'est que, pour partie, ce dévoilement que je pressens, existe. En tous les cas, semble présent aux vues et aux sus de tous. Il n'est pas pour autant facile d’accès. Encore faut-il s'en imprégner, acceptant au passage les formes perverses, transverses, qu'il prend.
Pour situer mon propos, plus en précision, prenons un exemple. La série, The Boys (sur Amazon Prime/Vidéo - qui vient au passage d'augmenter ses droits d'abonnement plus tout ce qu'on pourrait dire d'Amazon en tant qu'entreprise et de son PDG, Jeff Bezos) est bien le prolongement d'une époque, couplant à la volée la violence inhérente aux séries à succès tel Game of Thrones, paraphant également les codes du porno, qui semblent à présent infuser toutes les générations auxquelles elle s’adresse.
Et plus encore, parmi la critique que la série porte en son cœur, celle d'une société américaine mais plus généralement occidentale, dépravée, capitulée du capitalisme triomphant, à l'outrance de toutes les bassesses intrigantes et de bas instinct qu'elle comporte.
Justifiant à demi l'usage de ces mêmes vecteurs graphiques cités plus haut, cette critique s'en fait excuse, pour en être elle-même un sous-produit, de droite lignée.
A tel point que parfois, j'ai cru revoir ce passage du très médiocre 4ème opus de Matrix, Matrix Resurrections, avec sa scène de brainstorming sur la conception d'un jeu-vidéo éponyme. Comme une mise en abyme sonnant comme le râle d'agonie, d'un aveu, d'un regret ; de remords de la réalisatrice envers son public, de cette nécessaire prétérition face à tant de nivellement par le bas que l'industrie du spectacle commande.
Y aura-t-il à nouveau quelque chose de grand ?
C'est là la question que me pose aussi la vision de toute cette mélasse.
Y aura-t-il ou y a-t-il déjà eu quelque chose de grand ?
Peut-être déjà que s'exprime ici le pourquoi, le comment, de cet idéalisme-là.
N'est grand que ce qui est cru comme tel. Tel qu'il n’était finalement pas encore, devrais-je ajouter, dépassé. Descendu de son piédestal. Et sitôt les illusions, les rêves, les croyances déchues, plus rien n'en était resté que la mélancolie.
C'est donc aussi quelque part, peut-être le contre coup, le prix a payer pour s'adresser au plus grand nombre, être soi-même déjà investi de certains commentaires, de certaines pensées - et pas d'autres.
Se savoir au-dessus d'une partie du monde, parce que sachant, conscient de quelque chose qui échappe à tout une autre partie. Et s'en faire une force, s'en libérer un marché, en devenir un commerçant...
Mais c'est là où le bât blesse : comme cette inextinguible recherche d'argent n’étant au fond qu'un immonde cache sexe.
Je repense à cet article tellement nul sur Robert Lewandowski qui ventait les capacités du footballeur à investir, à diversifier, à faire quelque chose de son argent. Pas simplement le dépenser non, pauvres que vous êtes, le faire fructifier - Graal s'il devait d'être dans nos esprits bien faits. Et ce alors même qu'il en toucherait encore des tas pour son activité principale... et cela, sans le moindre remord, sans la moindre considération. Après tout, There Is No Alternative, et puis ça tombe bien, on est plutôt pas mal lotis !
C'est encore que je repense à Kylian Mbappé et au scandale avec la FFF par rapport à ses droits publicitaires et le problème d’éthique que certains sponsors poseraient, associés à l'image du joueur. Mais, surprise, un double standard semblerait s’appliquer tantôt pour une bonne raison, tantôt pour une mauvaise. J'ai de cette impression qu'il n'existe pas pour les gens de pouvoir, cette capacité de préhension du monde, des riens, des autres, de ceux qui sont impuissants ; qui cherchent à réfréner le pouvoir sur eux même, mais aussi sur leur vie, leur destin, leur catégorie.
Récupérer de la place : voilà ce que chacun demande. Vous savez cette place que l'on vous rétrocède pour service rendu, mais qu'on ne se prive en aucune façon de vous menacer de reprendre lorsque sitôt le besoin s'en fait sentir. D'avoir l'usufruit de vos services à loisir. Je repense en ce sens au film La Chair et le Sang de Paul Verhoeven avec ce fameux lieutenant qui ayant gagné le droit d'administrer sa retraite en compagnie de la nonne qu'il aura rendu, de son glaive, infirme, qui, sitôt confronté à un changement politicien advenu, se verra forcer de revenir au service de son "bienfaiteur" d'avant, contraint à la défection de son logis et de son éprise d'après.
Peut-on donc penser, parler, s'adresser aux autres, si l'on ne parle pas de l'emprise, de l'influence, du pouvoir et de sa place, de notre place dans une hiérarchie des uns par rapport aux autres ?! Et la simple question de s'adresser aux autres semblerait revêtir des enjeux bien plus importants qu'elle paraissait tenir jusqu'alors.
Ce ne serait qu'encore et toujours une resucée de la lutte des classes me diriez-vous ?!
Et vous auriez raison.
 
                 
             
            