de Nâzim Hikmet à Giorgio Agamben


lettre à Nâzim Hikmet à propos de la bonté ( multiples larges extraits )
Charles Dobzynski
1
J'ai longtemps cherché la bonté comme une nappe souterraine
J'ouvrais les coeurs de ceux que j'aimais pour y dérober les graines
Croyant y découvrir le secret de tout ce qui naît
Je rêvais de cette contrée chère à Guillaume Apollinaire
La terre énorme où tout se tait.
Moi je demeurais à l'orée
du coeur humain
épais et fort comme
les forêts
et dans la machinerie de ses marées
j'écoutais bruire les lendemains.
Mais la bonté
terrée au fond du coeur
comme une taupe
échappait à mon emprise;
Etait-ce simplement une lueur
un isotope
radioactif ?
Elle glissait
entre mes doigts cette eau furtive
elle se blotissait
dans les terriers secrets du rêve
Et moi chasseur de clarté
Je la voyais fuir dans les yeux
sur les lèvres
de mes amis
sans comprendre cette alchimie.
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2
La bonté
c'était peut-être
la beauté
comme un parfum trop fort qui vous monte à la tête
quand vous regardez naître le printemps ?
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La bonté
c'était peut-être
cette clarté
que l'on répand quand on aime
malgré soi
comme une monnaie de soi-même
que les promeneurs trouvent sous leurs pas.
C'était peut-être
au creux de chaque caresse
comme dans un mûrier
un insecte tissant la soie
des jours
invisible ouvrier
de votre amour.
C'était peut-être
chaque geste
chaque baiser
se déposant sur l'herbe de la vie
le pointillé de la rosée.
La bonté
c'était peut-être
dans tout homme
la possibilité
d'un autre ?
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