
SOEUR, NOTRE MORT ... Cantique du soleil ( Saint François d'Assise)
« La voleuse de livres » de Markus Zusak paru en 2005, puis traduit pour nous en 2007, est un beau livre, qui emporte dans l’Allemagne nazie, mais dans une rue humaine de Munich, la rue Himmel ( rue du ciel ou du paradis), où une fillette se retrouve chez des parents adoptifs ( l’inverse exact des Thénardier).
Le père est un artisan si bon qu’on pense à un saint laïque. Il adopte et aime l’enfant comme sa fille, il sauve un jeune homme juif en le cachant dans son sous-sol, il donne du pain à un un vieux juif en marche dans une cohorte ignominieuse pour les camps, jusqu’à se faire battre et au risque de se perdre.
Sa femme la grossière et rude Rosa étonnera par sa générosité, et le voisin, Rudy aux cheveux couleur citron qui s’était peint en noir comme l’athhlète des JO de 36 Jesse Owens, à qui Hitler refusa de serrer la main. Même la femme du maire, malgré ses vêtements rebrodés de croix gammées, n’est pas mauvaise. Elle sera pourvoyeuse de livres pour Liesel l’héroïne qu’on voit grandir et s’élever de livres en livres. ..
Et la plupart des habitants s’avèrent eux aussi Frères humains, ensemble dans les abris pendant les bombardements se tenant la main ou écoutant Liesel leur lire un chapitre, L'écriture ( ou la lecture ) contre la mort. Car les mots qui ont haussé Hitler au pouvoir et entraîné l’Allemagne dans le nazisme et dans la guerre, les mots que lit Liesel ou que Max écrit dans son sous-sol, peuvent redonner aux gens leur humanité. C’est la leçon du livre à destination des ados (comme Liesel ) mais qu'on peut tous lire, la preuve.
On dirait aussi par moments ( par images surréelles ) du Boris Vian: le chignon ( de maman) acquiesça, les avions lâchent des bombes de leurs entrailles de métal, le père au regard d'argent, accordéoniste dont la peau se plisse comme son instrument sous l'effet de la bonté et du temps... De fait, les personnages sont tous (sauf les nazis en seconds rôles ou simples figurants) pleins d'humanité.
Le point fort du roman c'est que la narratrice c’est la mort. Elle vient recueillir les âmes avec immense tendresse; j’ai pensé à « Soeur, notre mort " de Saint François d’Assise dans son Cantique du Soleil, lui qui donnait à chaque phénomène existant une dimension humaine ( et pour lui divine). Le fond a beau être l’horreur de l'Histoire de la dernière guerre, le livre est chaleureux et humain.
( On lit que « La Voleuse de livres » est aussi devenu un film … Je ne sais ce qu’il en est car rendre la poésie insolite du livre me paraît difficile).