Grégoire Leprince-Ringuet
Vu le film Les neiges du Kilimandjaro de Guédiguian, ça commence par l'appel des noms ( comme ceux de l'Affiche rouge,
beaucoup sont les mêmes acteurs, redistribués), de ceux jeunes et vieux condamnés à leur mort sociale.
Pourtant c'est beau; il recrée la Cité idéale et elle est terrible, violente et cruelle mais il y poursuit quand même son utopie :
s'il n'y a plus de paradis en vue, pour l'instant pour la classe ouvrière,
si on la pousse à se battre contre elle-même dans une lutte intra-classe terrible et inédite ( au cinéma et dans la vie),
si l'horizon pour le moment est bouché: les bateaux bouchent le port, les êtres s'encadrent dans le rectangle de leurs
fenêtres, comme pris dans une prison,
le vent souffle pourtant dans les feuillages constamment comme une promesse de vie, de subversion ou de poésie.
( Son film, il l'écrit, est librement inspiré du poème de victor Hugo Les pauvres gens.)
Et il reste le lien entre les humains même cabossés, amputés de leur boulots, de leurs bras, de leurs années,
la chaîne irréductible de l'humanité en partage.
( Il y a aussi une belle interview et un beau portrait de Guédiguian dans Libé de mercredi.)