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Billet de blog 1 mars 2015

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La Poésie syrienne: un chant de liberté

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Connaissez vous la poésie syrienne et les poètes syriens?!? 

Implantée au cœur de la société, indépendante des religions et du sectarisme qui vient de surgir, la poésie a toujours été présente dans le quotidien des syriens. 

Malgré le conflit internationale qui se déroule sur la terre de Syrie, et malgré les difficultés, la violence et la perte des repères, les recueils des poètes syriens continuent à couvrir les pavés damascènes autour de la mosquée des Omeyades, racontant l'amour utopique, l'amour "moderne", se révoltant contre une société qui peine a briser les interdits, et contre les pouvoirs qui ont du mal a évoluer.

Suivant le mouvement poétique du vingtième siècle, certains se sont révoltés contre la poésie classique arabe jugés trop rigide et excessivement réglementaire. S'inspirant de Lorca et Neruda, tout comme Paul Eluard et Aragon, les vers se cassent, les mots se répètent, et le rime devient secondaire laissant la place au sens pour ces rêveurs éveillés. Les vers deviennent le seul refuge pour les poètes, un monde parallèle où la liberté trouve son horizon.

Salah Alhassan l'affirme:

"Ma ville a fermé ses portes cette nuit

Me disant:

Il n'y a que le rêve pour abriter les étrangers 

Alors retourne vite à tes poèmes"

On s'éloigne de règles imposées et on s'interroge sur le rôle des littéraires au sein de la société.

Mohamad Almaghout se pose la question sur le changement qui prend parfois une mauvaise direction:

"Dans les années 60 et 70

La question était: qu'est ce qu'un écrivain pourrait apporter à son pays?!?

La question aujourd'hui est:

Qu'est qu'il va lui prendre?!?"

Ils ont donné l'exemple de l'ouverture d'esprit. Il n'y plus de tabous, on s'adresse a dieu en dehors des prières, on empreinte des images religieuses.

Loukman alderaki, en s'interrogeant sur la mentalité orientale, n'hésite pas à se comparer au créateur:

" Dieu 

Je suis comme toi ; Les gens m'aiment et me craignent 

Mais personne ne m’obéit 

Et ils ne cessent de me décevoir"

L'urgence de rattraper le retard de la société syrienne et arabe comparant à celle d'Europe a conduit beaucoup d'écrivains et poètes à se révolter avant tout contre les interdits sociaux; le corps, l'acte sexuel, l'amour libre visible au grand jour ont fait partie des sujets préférés des ces hommes et femmes qui souhaiteraient crier fort leurs sentiments. Nizar Kabbani fut un des premières à plaider la cause de l'amour opprimé par la société:

"Je suis un poète qui écrit a voix haut, et qui aime à voix haute

Un enfant…Pendu sur la porte d'une ville

Qui connait pas l'enfance "

 Le "viagra sentimental a libération prolongée " de ghada samman, tout comme " l'alphabet du corps" et " le langage des seins" de Nizar, ose une tonalité érotique qui, bien que choquante au début, inverse les règles pudiques et se laisse adopter rapidement par une large publique dans le monde arabe, essentiellement des femmes avides de liberté et fatiguées de considérer leurs corps comme un tabou.

"Qui ne lit pas les cahiers de ton corps

Reste analphabète sa vie durant" crie Nizar Kabbani, qui a passé sa vie a essayer d apprendre à la société arabe que la féminité est la mère des civilisations et à critiquer les coutumes qui "traitent l amour comme un complot contre les régimes". 

Ce poète révolté, le plus lu dans le monde arabe, s'attaque également aux modifications des sociétés et au pétrole qui " nous a attaqué comme un loup

Et on s'est jeté a ses pieds" après avoir troqué nos valeurs contre

"Quelques films pornographiques".

Les différentes pouvoirs qui ont tenu ce vieux pays ont fait preuve de schizophrénie consternante; d'une part les poètes sont soutenus, financés, les recueils publiés au frais de l'état, mais les poètes qui étaient libres d'exprimer leur ressentis avait une limite à ne pas dépasser; jamais critiquer directement le pouvoir!

Mais comment un poète survit sans liberté inconditionnelle?!?

Une solution pour certains: la fuite et l'exil.

Beyrouth dans les années 60 ensuite paris, Londres,...etc.

D'où La déchirure sentimentale de plusieurs poètes syriens;

Intégrer l exil, chanter le pays et rêver le retour.

La déchirure interne entre critique de la société et nostalgie des habitudes et des coutumes 

Nizar l'exprime dans" cinq lettres a ma mère":

"Les années passent 

O mère 

Et les nuits damascènes, les roses damascènes 

Habitent notre mémoire  

Les Minarets, brillent sur nos bateaux"

Et toujours ce parfum de jasmin du pays, une braise dans le cendre de l'exil,  qui luit a chaque moment de solitude.

"Les ongles blancs du jasmin damascène qui pénètrent la mémoire"

Hors de question de ne pas affronter la réalité, et de ne pas annoncer son amour au grand jour:

"Je ne veux pas de somnifères pour ma passion

Ni des comprimés contre mes vertiges 

Je me sens bien

Quand les hallucinations m'attaquent

J'oublie l'histoire de mon visage

J'oublie l'espace de mon corps

Pour me fondre sous le soleil de tes seins"

" Le parti de la tristesse qui comptent des millions d'adhérents dans le monde arabe" effraie les poètes, alors ils cherchent a construire d'autres parties, avec comme slogan: l'amour, la liberté et le changement.

Mais comment arriver à trouver l'équilibre entre le rêve et la réalité, entre l'espoir et le possible ?!?

"Personnellement,

Je m'ennuie des voyages, je m'ennuie de l'ennui

As-tu une solution pour ce sabre qui nous pénètre sans nous tuer?!?"

Ghada Samman, une femme libérée qui a choisi de vivre entre la Syrie et la France. Ses chroniques sont célèbres pour leur franchise. Certaines femmes s'y retrouvent et beaucoup d'hommes éclairés les admirent. A paris, elle écrit en arabe:

"Je marche seule dans cet aéroport, heureuse…

Personne ne m’a dit au revoir à ma dernière destination

Personne ne m’attend à ma prochaine destination 

Seul un responsable de la sécurité a l'aéroport m'a demandé: quel est ton nom?!?

Je m'appelle: la liberté "

La Syrie a donné au monde arabe ses poètes les plus lus et les plus connus. Probablement grâce a leur courage et leur esprit révolté, mais sûrement parce que les poètes syriens ont toujours été soucieux des problèmes collectifs et connectés avec leurs collègues des autres pays. 

Influencés par le nationalisme arabe, les buts se rejoignent et Les causes à défendre sont loin d'être locales mais s'étendent sur le vaste monde arabe. 

La voix de Mohamad Almaghout s'élève pour dénoncer ironiquement les défaites:

"Le nom: Mohamed, Jésus, ou Moïse; cela dépend des circonstances dans la region.

Loisirs: le bâillement 

Adresse: n'importe quel trottoir

Les pays visités: toutes les prisons

Le plat préféré: les rêves."

Entre les rêves qu'ils essaient de matérialiser et la liberté qui leur échappe, les poètes syriens doivent faire face à la réalité.

Au cœur du conflit actuel, les voix de lèvent, en essayant de trouver une raison. Ne pas prendre partie dans le conflit mais dénoncer toutes formés de violences, refuser l'intégrisme, et évoluer progressivement vers une laïcité non imposée.

"La vraie révolution sort des places publiques et non pas des mosquées" dit Adonis, nommé plusieurs fois pour le prix Nobel et considéré comme traître par tous les intégristes contre le pouvoir en place puisqu'il appelle à une révolution intellectuelle et un changement radical de la société qui conduira a une évolution vers une vraie démocratie tolérante. 

Aamer al dik utilise un langage plus fataliste :

"A la guerre

Personne ne pleure personne

Le sang lave les yeux de leurs larmes"

Tandis que des poètes plus jeunes, essentiellement des femmes, dénoncent l'intolérance des idées et de la différence.

 A Damas, lama Mohamad constate la falaise qui la sépare des écrivains qui prennent radicalement partie 

"J'écris pour des descendants libérés de la haine, 

Et ils écrivent pour des ancêtres et des cimetières.

Nous sommes différents 

Car nos rêves sont différents"

Quamar Sabri Jassem n'hésite pas a exprimer sa peur, des conditions actuelles comme de la vie à venir 

" Ils ont volé de nos lèvres les baisers

De nos mains les plumes

Mon dieu, ferme bien le ciel 

Pour qu'ils ne nous volent pas…les prières"

Dans toutes ses formes, et malgré ses influences diverses, La poésie reste pour les syriens une arme de libération massive.

Libération d'un régime autoritaire, certes, mais également une libération d'une société hypocrite et auto-destructrice, et des religions stagnantes. 

Lire la poésie syrienne est un pas vers la tolérance et l'ouverture d'esprit.

Sélection traduit de l'arabe par votre serviteur: 

"Devrais-je verser des larmes phosphorescentes 

Pour que mon peuple sache la peine que j'ai pour son quotidien?!?"

"Derrière un mauvais poème 

Un poète fatigué.

Respectons ses rêves brisés"

Jamal Tahan

"Comment j'aurais pu 

Supporter le poids sur ma poitrine 

Des centaines de rues vides

Et des centaines de valises que j'ai portées sous la pluie dans les exils 

Si je ne serrais pas entre mes doigts 

La carte de mon pays?!?"

Ghada Al Samman

"Illusion

Le sang surgit de la terre sèche

Illusion

Je m'habille en toi

Et je te bois 

Ô liberté "

Sania Saleh

En ce moment

Mon amie

Un papillon sort de nos poches

Il s'appelle: mon pays 

Une belle damascène sort de nos lèvres; elle s appelle mon pays 

Des minarets, des oiseaux, des ruisseaux, des roses

Sortent de nos chemises

Je voudrais te voir

Mais j ai peur de blesser mon pays

Je voudrais tant te faire l'amour à ma manière 

Mais j'ai honte de ma futilité 

Devant la tristesse de mon pays 

"En occident 

Madame

Le poète est né libre

Comme les poissons au milieu de la mer

Chez nous 

Il est ne dans un sac de poussières

Il Chante pour des rois en poussières 

Pour des sabres en poussières 

C est un miracle 

Que la poésie transforme la nuit en jour

Chez nous 

Contrairement aux occidentaux 

On n'écrit pas de la poésie 

Mais des testaments"

"Mon cou s'est habitué 

Aux cordes

Et mon corps s'est habitué 

Aux ambulances"

"Je suis un poète

Qui écrit a voix haute

Et qui aime a voix haute

Un enfant

Pendu sur la porte d'une ville

Qui connait pas l'enfance "

Nizar Kabbani

"Mes blessures vieillissent 

Leur sang n'est plus rouge brillant

Leur profondeur n'est plus convainquant 

Le nationalisme, la liberté, la gauche, la droite, la Palestine, l'Irak, les arabes...

Je devrais mettre un peu d'ordre dans mes soucis."

Mohamad Al Maghout

"Une autre rose 

Coupée de ses racines 

S'est fanée ce matin 

Je l'ai inscrite sur la liste 

Des martyres de l'exil..."

 Khaled Youssef 

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