L'ignorant n'est pas seulement le crétin qui crache son venin sur les étrangers qui n'ont pas eu l'intelligence de se donner naissance de par chez lui. C'est aussi le cadre qui donne des indications savantes dans une langue de bois dont il ne connait évidemment pas le sens, le bobo qui régurgite un discours sur le "développement durable" lu chez son auteur préféré, l'alternatif qui regarde son voisin comme un péquenaud parce qu'il n'a jamais entendu parler de permaculture, ou encore le politique qui t'explique la vie alors qu'il n'a jamais rien fait de ses mains.
Ce qui les lie, ces imbéciles, c'est l'arrogance de croire qu'ils ont un mérite, celui d'être nés.
Ce qui nous arrive aujourd'hui est la conséquence naturelle de la société que nous avons créée. En France, la devise "Liberté, Egalité, Fraternité" nous rend certes plus ridicules qu'ailleurs face à cette réalité que nous avons bâtie, mais la maladie est commune. Nous avons, depuis toujours, prétendu chercher le Graal de la méritocratie pour mieux justifier de la domination de plus chanceux.
Ma fille m'a demandé hier si sa professeure de piano est de droite ou de gauche. De droite. Pourquoi ? Parce que plus d'une fois je l'ai entendue jouer cette petite musique de "moi je travaille, j'ai du mérite, mais les autres ne glandent rien". Cette atroce stupidité que d'oublier que s'élever est d'abord une chance, c'est la pire mélodie que l'humain ait appris à siffloter à tout bout de réflexion sur l'état du monde.
Même les esprits les plus ouverts finissent par vous montrer qu'ils l'ont malgré tout en tête. A coup de "oui, mais la chance, il faut savoir la saisir", ils ne peuvent supporter d'admettre que pour leur réussite, ils n'y sont pour rien.
On regarde avec admiration les courageux: sont-ils courageux par un mérite quelconque lorsqu'ils se jettent à l'eau pour sauver l'enfant de la noyade ? Ou ont-ils simplement ce caractère que mère Nature leur a donné, ou encore, d'autres fois, la chance d'avoir eu une piscine pas loin de la maison ?
Evidemment, on objectera par le libre arbitre. N'est-ce pas nier le libre arbitre que d'affirmer que tout est déterminé ? Oui, nous avons le libre arbitre et nous avons la possibilité de faire des choix. Mais le résultat de ces choix n'est qu'une question de hasard et de conditions initiales, qui elles-mêmes sont la conclusion d'une suite ininterrompues de faits statistiques. Avoir le talent de faire les "bons choix", donc ceux qui ont le plus de chances de s'avérer payants, n'est que le résultat du fait d'être né avec ce talent là. Il n'y a donc pas de mérite à être né, mais simplement la chance que ce-là soit arrivé.
Evidemment, le monde serait apparemment moins héroïque si personne ne méritait le titre de héros. Et on peut se demander s'il ne serait tout simplement moins beau.
L'avènement de l'air des imbéciles nous amène de nouvelles opportunités: celles de se montrer à la hauteur de sa chance. On peut me reprendre et tourner en rond en me servant mes arguments en contre-arguments. Saisir la chance est une chance, certes, mais la question que nous devons d'abord nous poser c'est: "qu'est-ce qui constitue une chance ?". Qu'attendons-nous donc de la Vie ?
Toujours en parlant à ma fille, je lui ai défini ce qu'est "être de gauche". Défendre le plus faible. "Pourquoi ?" lui ai-je demandé rhétoriquement ? "Parce que défendre le plus faible c'est se rappeler qu'on aurait pu être lui" m-t-elle répondue avec justesse.
Qu'attendons-nous de la Vie ?... La richesse, le bonheur, la célébrité, les grillades tous les jours au fond du jardin ?....
Prenons les imbéciles (oui, ok, ce n'est pas leur faute).
Je passais dans un de ces villages qui a voté 50% pour le FN. Tout a l'air idyllique du point de vue de leurs propres valeurs. Maisons, individuelles, grands jardins au gazon tondu trois fois par semaine, belles voitures de classe moyenne, tranquillité et pas un pète d'arabe ou de noir à l'horizon pour justifier la moindre complainte raciste. Il y a bien quelques Roumains, mais ils travaillent tous en esclaves dans les abattoirs aux alentours et personne ne s'en plaint. Et puis ils sont "blancs". Et si moi, je sais reconnaître mes compatriotes de loin et à la simple forme de leur crâne, ce n'est pas le cas du péquenaud moyen qui, s'il ne les connait personnellement pas, il peut bien les prendre pour du "sang bleu".
Tout ces gens, pourtant, se lamentent. Les trois médecins viennent de tailler la route pour d'autres horizons. On a encore fermé une classe. "Il fut un temps où il y avait cinq cafés", plus un seul à présent. Puis il y a ces salauds d'écolos qui les empêchent de vivre. Et puis les noirs et les arabes arrivent, ils l'ont vu sur Facebook. Et puis les jeunes ne respectent plus rien. Et puis le voisin est mal élevé ou même un cassos qui vit des allocations. Ils se lamentent, comme si c'était la pire souffrance que d'être là, dans ce village maudit ou le clocher date bien du Moyen-Âge et où c'était forcément mieux avant.
Alors oui, c'était mieux avant, sur cela je suis d'accord. Mais je m'en vais leur expliquer à ces clowns pourquoi ce ne sera pas mieux après, FN ou pas.
Tout d'abords, la vie qu'ils ont est de leur choix. Il faut arrêter de dire que c'est la faute des méchants riches qui ourdissent les complots tous les ans à Davos. Le péquenaud qui achète ses chaussettes les prend au prix le plus bas. Le riche lui propose des chinoises à 1 euro la paire chez Lidl et pour pouvoir s'empiffrer il les préfère à celles à 15 euros fabriquée dans le Nord. Oui, l'exemple est anachronique, mais la mécanique parfaitement universelle.
Et puis le brave rural à choisi le tracteur. Le tracteur, ben ça fait moins de paysans. Moins de paysans, ça fait moins de gens et moins d'activités économiques, donc moins de cafés, moins d'élèves et, donc moins de classes. C'est mécanique, bonhomme ! Mets-toi bien en tête ça: il n'y a rien de surprenant dans ce qui t'arrive. Quand la Confédération Paysanne vient te parler de cinq millions de paysans et tu leur craches à la gueule en les traitant de gauchistes, rappelle toi des commerces qui ont fermé. Si tu peux.
Structurellement, tout ce qui nous arrive devait nous arriver et c'est à cause nos choix imbéciles. Nous n'avons aucun mérite pour le peu de choses qui nous restent, mais nous avons surtout le mérite d'être des idiots arrogants qui prétendent que quelqu'un leur doit. De préférence tout.
Il y en a un qui me dit l'autre jour, tout fier de sa connerie: "on a payé les études de ces médecins et voilà que ces salauds se barrent". Ben, il font comme toi mon grand, ils choisissent le confort. T'as pas de leçon à leur donner et puis on a aussi payé tes études à toi et t'en a pas spécialement profité. Pour devenir médecin par exemple...
Oui, moi je sais que si tu ne l'es pas devenu c'est parce que t'es né au mauvais endroit, alors que le médecin est né dans la bonne famille où son avenir était tout tracé. Il n'a pas plus de mérite que toi, mais ce qui m'emmerde c'est que tu prétends, toi, en avoir tellement.
De là à ce qu'on me dise à moi, Roumain, que le bon Français a payé pour moi, on n'en est pas loin. Certainement que, dos tourné, on me traite d'islamo-gauchiste (normal, je suis né dans le communisme et j'y ai même été pionnier) et on complote naïvement pour me reprendre ce qu'on m'a donné. Montés sur leurs tous petits poneys, les ignorants se lamentent et demandent à ce qu'on leur rendent. Quoi ? Ben tout.
Allez, je vais vous dire un secret: j'ai fait mes comptes des impôts et autres apports en tout genre et cela fait un moment que j'ai payé ma dette. Mais je ne vais ni me barrer, même si j'ai un pied un Italie où il y en a d'autres comme vous, ni baisser les bras.
Qu'est qu'on attend de la Vie ?
Moi, la beauté. La beauté de faire honneur à ma chance. La France, moi, je l'aime. Oh, je n'aime pas tous les Français, même pas une petite majorité, mais j'aime tous ceux qui, par chance, ont fait de moi ce que je suis. Je suis peut-être un imbécile, comme ces ignorants qui m'assomment tous les jours de leur bêtise, mais du haut de mon arrogance je garde tout de même l'humilité de me rappeler que rien ne m'est dû, mais tout pourrait être de ma faute.