A force de dire n'importe quoi, on finit par se prendre le boomerang. A force d'affirmer qu'avec 29% de votes Meloni "a gagné de manière éclatante les élections en Italie", on prend le risque d'entendre que le FN représente les Français avec 33%. A force de considérer Macron légitime avec 26% de votants au premier tour, on prend le risque de considérer Le Pen, un jour, comme plébiscitée avec 36%. La liste est infinie, mais, à dire que la France est de gauche avec 29%, on risque demain de devoir accepter le fascisme sous-prétexte d'une majorité absolue.
Faisons donc les comptes, les vrais. Je l'ai dit, on avait essentiellement le choix entre caca brun et brun caca. Si on fait la somme des deux (quatre, pour être plus précis, car le nuancier des selles et sans fin), c'est-à-dire Ensemble, RN et LR (les deux ailes), on a effectivement beaucoup de caca et une France nettement à droite, voir très très à droite.
Il faudrait, en effet, qu'on m'explique avec un stylo et un papier la différence entre un Darmanin et un Bardella ? Certes, l'un doit se maquiller pour cacher son adolescence, mais à part une question d'âge, donc d'expérience du vice, où se trouvent donc les oppositions ? Ah, on en vient: dans les mots. Darmanin est un peu plus retenu dans la haine, qu'il se garde pour ses réunions avec Alliance et pour ses dîners en famille. Question tactique, donc. Les deux usent de méthodes différentes dont le résultat est, de fait, le même. Je ne suis pas sûr que, Bardella à Matignon, les flics vont taper plus fort qu'ils ne l'ont déjà fait, ou qu'il ne le feraient si Darmanin était élu président.
Quand Macron vient parler de démocratie illibérale si le RN arrive au pouvoir, on devrait se souvenir qu'on est déjà plongé dedans avec lui. Mais le bon soldat de gauche est allé mettre un bulletin Ensemble dans l'urne pour nous sauver...
Bref, la réalité c'est que la confusion est là, plus que jamais. Je suis d'accord que les "invasions barbares" ont prouvé qu'une poignée de guerriers semi-nomades pouvaient dominer les sédentaires nettement plus nombreux déjà installés. Il est tout à fait possible qu'une minorité prennent le pouvoir en s'appuyant sur les faiblesses du reste de la population, mais c'est exactement ce que savent faire les fachos depuis la nuit des temps. Et qu'utilisent-ils pour cela ? Le pain et les jeux.
Autrement dit, le Nouveau Front Populaire est condamné à "payer" les haineux de ce pays pour qu'ils adhérent ou laissent faire. Or, on le sait bien, il n'y en a plus pour tout le monde. Vous donnez d'un côté, vous devez rependre de l'autre et, à moins de taxer à 95% les très riches, et encore, structurellement l'économie en déclin mènera au même résultat, l'appauvrissement généralisé.
Car c'est là la clé de l'histoire: nous ne pouvons que nous appauvrir, une histoire de lois de la physique, de contexte historique et d'effondrement global sur fond de techno-béatitude imbécile.
Regardons le vote de plus près en fonction de qui a voté pour qui:
- NFP: des concernés (étrangers d'origine se sentant visés par la haine ambiante) ou plutôt des gens heureux ou naturellement enclins au partage, mais qui demandent tout même à garder ce qu'ils ont, pour ceux qui ont encore, ou à récupérer ce qu'ils viennent de perdre. A noter que les gens les plus éveillés se trouvent sans doute surtout dans ce groupe, mais c'est là un point de vue subjectif, évidemment;
- Ensemble: plutôt des gens aisés qui se targuent d'être des gens sérieux qui ne "succombent pas aux extrêmes", mais qui le feraient instantanément si on venait à leur prendre de trop. Ils ont d'ailleurs déjà succombé à l'extrême-centrisme de Macron consistant à tout faire dans tous les sens pour garder la main sur les affaires;
- FN/RN: un peu de tout, essentiellement liés par l'idée que quelqu'un les vole, eux qui ont du mérite, et par la certitude que ce "quelqu'un" est souvent un étranger d'origine;
- LR: un peu comme le FN, mais refusant obstinément d'être catalogué de fachos.
La question serait donc: comment convaincre tous ces gens que s'"appauvrir", en fait cesser de vivre dans l’opulence abjecte et passer à la sobriété, est la seule possibilité d'un avenir ?
Toutes les autres ? Le chaos, le fascisme, l'esclavage.
Les excités habituels du poste de télé, fussent-t-ils de de gauche, doivent alors se souvenir d'avoir le triomphe modeste, surtout quand il s'agit d'une petite victoire à la Pyrrhus. Non pas qu'il n'existe aucun chemin, mais s'il y en a un, il passe par la case vérité.