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Billet de blog 11 mars 2022

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Le quoi qu'il en coute de LFI

J'ai toujours détesté les militants des partis, quels qu'ils soient. Il me rappellent trop les apparatchiks de la Roumanie communiste: mauvaise fois jusqu'à l’écœurement, zéro principes, agressivité, ignorance et culte de la personnalité. Mais, parce que tous sont ainsi, devrions nous tolérer plus ceux de LFI sous prétexte de Macron ?

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Je n'arrive pas à me souvenir, fusse-t-il des livres d'Histoire, d'une élection qui ait changé le monde. On va me parler du Front Populaire, mais si les ouvriers y ont gagné, le cours de l'Histoire fut celui qui nous a amené à ce que nous sommes aujourd'hui: nos valeurs sont bien celles des riches. Individualisme, compétition, consommation, pouvoir d'achat, c'est-à-dire pouvoir se goinfrer, voilà ce que nous vénérons, parce qu'à aucun moment les élections n'ont servi à autre chose qu'à servir telle ou telle composante de la société, en équilibrant quelques fois, certes, la balance, mais jamais dans le sens de la sagesse.

La démocratie a toujours été au service des mêmes puissants, avec cette subtilité que les faibles ont l'impression d'avoir la main, parce que plus nombreux. Il y a une rage, d'ailleurs, chez certains d'entre eux, à se venger du système qu'ils sentent pourri, et cette rage mène sur les routes de l'enfer. Il suffit de voir la déchéance absolue de l'extrême droite, partout dans le monde, alors qu'elle a réussi à capter une partie de la colère. Le fascisme c'est la destruction des classes populaires par les classes populaires et il prend souvent son envol dans la faiblesse des démocraties, porté par la présence d'une loi systémique de l'autodestruction, inhérente à la société humaine.

Il est étonnant, pardon, il n'est pas du tout étonnant de voir alors LFI, qui s'appuie finalement sur les mêmes mécanismes de colère, se porter pâle sur la guerre en Ukraine. Comment lutter contre le fascisme quand on prospère sur la haine ? Comment dire aux gens de se sacrifier, ne serait-ce qu'un peu, pour des principes, alors qu'on leur promet du pouvoir d'achat et plus de confort ? Comment espérer gagner une élection contre Macron sans 45% de la population qui a viré quasi fasciste et sans la caresser dans le sens du poil ?

Qu'on ne me dise pas que je préfère Macron à Mélenchon. L'un est, au pouvoir, ce que serait l'autre s'il l'avait: un autocrate qui s'enorgueillit des Grands Débats sur lesquels il s'assoie du haut de son pouvoir et de son mépris pour ceux qui ne sont pas d'accord avec lui. Pire encore, les deux ne pensent pas vraiment, ils louvoient dans le seul but de dominer, ils ont les opinions de la petite minorité qui leur est dévouée et ils se les attribuent avec la force nécessaire pour se faire passer pour des chefs.

Qu'on ne me dise pas que je préfère qui que ce soit d'autre parmi les candidats. J'y reviendrai dans quelque temps, mais pour l'instant je me dois de me focaliser sur LFI, ceux qui m'ont volé le plus de mots.

Car c'est bien ça le pire: LFI s'est attribué le vocabulaire de luttes légitimes pour finalement le délégitimer totalement de par la nature des compromissions politiciennes qui caractérisent tous ceux qui veulent le pouvoir.

Imaginons d'ailleurs ce qu'un pouvoir LFI serait.

Rappelons nous d'abord ce que nous pensions de tous les présidents avant qu'ils ne soient élus par des gens qui se sont forcés à oublier la réalité dans cet élan de naïveté qui caractérise les élections présidentielles. Je vais parler de ceux que je connais le mieux parce qu'ils sont contemporains d'un minimum d'observation in vivo de ma part.

- Mitterrand: tous savaient que c'était un homme de pouvoir, prêt à tout pour l'avoir, aux principes principalement de façade, adaptables de tout manière à son besoin personnel d'être en haut de la pyramide. Les quatorze ans de mandats ont confirmé sans faille cette première impression.

- Chirac: les Français l'adorent parce qu'il ne les a pas fait chier de trop, c'est à dire parce qu'il n'a rien fait de spécial à part boire des bières au salon de l'agriculture, restant passif au monde qui changeait sous ses yeux, content de résister à toutes les bassesses de ceux qui avaient appris de lui. Bien avant qu'il ne soit président, tous pouvaient imaginer ce que ses discours sur la fracture sociale allaient donner dans les faits.

- Sarkozy: c'était une évidence que ce petit personnage excité et nerveux allait se crasher sur le murs des réalités complexes qu'il n'est pas capable d'envisager. Et vous savez quoi ? Il s'est crashé sur le mur des réalités, il fut un président excité et nerveux, un petit homme dont le seul souvenir qui nous reste c'est la médiocrité de sa compréhension du monde et la corruption jusqu'à la caricature.

- Hollande: qui doutait que Flamby sera autre chose qu'un président mou, mais vilain, le président des petites phrases et des grandes manœuvres ayant atteint le seuil de sa compétence. Prendre le pouvoir, il l'a su, en faire quelque chose, ça ne lui a jamais traversé l'esprit.

- Macron: un homme sans valeurs, sans morale, imbu de sa capacité à être sorti du ventre de sa mère (oui, comme Kirikou, Macron est sorti par lui-même). Un petit délinquant en colle blanc, charmeur de vieilles bourgeoises encanaillées. Qui en doutait, à part ceux qui sentaient pouvoir avoir leur part du gâteau, tout en se donnant des excuses morales ?

Ainsi, nous savons très bien, à chaque élection, à quelle sauce nous serons mangés.

Prenons donc notre ami Mélenchon pour faire l'exercice d'imaginer notre destin (un peu) entre ses mains.

Nous savons que le garçon aime être aimé, n'a jamais tort et use du verbe pour dominer. Nous savons qu'il peut tout justifier au nom de la souffrance de ceux qu'il ne connaît que par les on-dit.

Nous sommes certains que la République c'est lui et que, s'il est élu, l'autoritarisme de Macron pourrait s'avérer un doux souvenir de liberté.

A voir comment tous ceux qui osent critiquer le chef, même à la marge, se font harceler par les nervis gamers de LFI, je me suis dit d'ailleurs que je ne pourrais certainement pas vivre dans un pays dirigé par Mélenchon (je suis déjà parti de celui dirigé par Macron, donc je suis cohérent).

Mais au-delà du personnage quasi folklorique de Jean-Luc (je me suis déjà fait tirer les oreilles pour ne pas l'avoir appelé Monsieur, alors...), il y a justement les militants et les cadres de ce parti qui me font franchement tout autant peur.

Est-ce que quelqu'un imagine des ministres comme Quatennens, Corbière, ou Raquel Garrido ? Quand j'étais enfant, j'ai appris le Français aussi en regardant quelques épisodes de Santa Barbara et, à regarder la caricature que ces gens sont, par rapport à ce qu'ils devraient être, je ne peux m'empêcher d'y voir le scénario d'une mauvaise série B. Ils sont méchants, menteurs, agressifs, de mauvaise foi, parfaits pour faire de la politique dans un monde en plein chaos. 

L'autre jour, j'ai vu quelqu'un qui imaginait Ruffin comme ministre. Je l'aime bien Ruffin, mais pour l'instant il fait de la politique: il s'est acoquiné avec des gens qui n'ont pas les mêmes références et la même sincérité en leur servant souvent de caution morale. Sans parler du fait que je conteste la nécessité, du moins dans son rôle, de se caricaturer en ennemi des riches, tout en proposant aux pauvres d'avoir plus, en oubliant que la seule lutte des classes n'a jamais donné autre chose qu'une nouvelle répartition des pouvoirs, sans remettre en cause la mécanique d'auto-destruction qui nous fait raser la vie sur terre et condamne nos enfants.

C'est d'ailleurs, de manière générale, le plus gros problème de la ligne LFI. "On veut sauver la planète, mais, promis, vous n'en souffrirez pas". "On va prendre aux riches et ce sera bien assez." etc. Oui, les inégalités sont un souci, mais mon voisin agriculteur pète les haies pour gagner plus. Si gagner plus est le seul horizon des pauvres, autant commencer à creuser nos tombes, c'est de saison.

LFI est dans cette démarche du quoi qu'il en coûte typique des élections dans les pays se disant démocratiques: flatter sa base au premier tour, se compromettre totalement au deuxième pour se faire élire par défaut. Car imaginons le cas de figure qui met en joie les insoumis: Mélenchon au deuxième tour. Pourrait-il gagner contre Macron sans les votes des fans de Zemmour ou de Le Pen, alors qu'il se pose comme rempart contre l'extrême droite ? Quelles promesses peut-il leur faire pour avoir leur vote ? Son pacifisme mal venu sur la guerre en Ukraine tient à la fois de la ligne qui peut plaire au plus grand nombre et de l'indécence de ceux-là même à qui il demande leur vote. Oui, les riches, les pauvres, les bourgeois ne rêvent que d'une chose, que la guerre s'arrête pour qu'on les laisse tranquilles et on ne leur demande plus rien, quitte à ce que les Ukrainiens passent sous le joug d'un cinglé. 

Le quoi qu'il en coûte des discours creux est, de fait, sans limites dans son mépris des faits. "Nous Français, soyons neutres, mais une grande puissance, occupons-nous de nos affaires, mais soutenons les victimes avec un drapeau sur notre balcon, sauvons la planète à nous seuls, malgré les autres, sans fâcher personne, surtout pas les Russes, ou les Chinois, mais on peut fâcher les Américains, parce qu'ils ne sont plus les rois du monde, et puis on est pour la paix, et même qu'on va l'imposer à tous avec nos incantations ou en payant un tribut, s'il le faut....".

Il est évident que le monde est devenu trop complexe pour avoir même une opinion sur ce qu'il faille faire. C'est pour cette raison qu'on se doit d'avoir des principes. Les principes c'est ce qui relie une nation, voir toute l'Humanité. Une nation peut-être, d'ailleurs, reliée par une haine commune (le fascisme en est un exemple), mais la haine est une forme de principe que les sages doivent combattre. Pour ce faire, il faut d'abord y opposer une ligne claire, des mots justes et un comportement digne et irréprochable. Il faut oser le dire: on se doit d'être un saint. On va me redire de lire le programme de l'Union Populaire, mais à quoi bon si à aucun moment je ne le perçois dans les faits et les gestes de ceux qui le portent ? Il ne suffit pas de le réciter, fusse-t-il avec talent, dans les meetings travaillés aux petits oignons par des boîtes de com' dignes des entreprises du CAC40. ll faut en appliquer les principes de base et, me semble-t-il, le premier et le plus important est de changer nos valeurs pour un monde nouveau. Cela passe par le fait d'abandonner les petits calculs, à défendre non seulement le plus faible qui vote, mais aussi plus faible encore que lui.

Ces petits calculs d'apothicaire donneront-il une victoire contre Macron ? Non, mais dans le cas impossible où cela arriverait quand même, cela ne changerait strictement rien au problème, n'en déplaise aux croyants. Ces minables calculs donneront-ils plus de députés aux insoumis ? Difficile à prédire, mais quoiqu'il en soit la réponse est "et alors" ?

Si LFI arrive à diminuer l'abstention, Macron n'en sera que plus heureux. Il pourra se pavaner avec une élection où il ne fut pas choisi par dix clampins, mais par le "peuple". Les petits calculs de gens égoïstes et bornés ne feront que servir de cerise sur le gâteau de ceux qui sont les plus malins à ce jeu-là. 

Alors, est-ce que cela a-t-il un sens d'aller voter ?

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