L’expulsion violente des migrants qui occupaient le lycée Jean Jaurès à Paris mercredi 4 mai à l’aube n’est pas une "mise à l'abri" de plus mais bien le signe d’une alliance qui ne dit pas son nom entre la droite dure qu'incarne Valérie Pécresse - présidente de région, qui a obtenu cette décision judiciaire- et la "gauche" de gouvernement qui l'a mise à exécution de manière violente. Le message envoyé au monde est clair : « La France n’est plus une terre d’accueil. La France n’est plus une terre d’asile. »
Des villes comme Beyrouth ou Istanbul accueillent mieux que nous des centaines de milliers de réfugiés. En un an, une ville comme Berlin a accueilli dignement près de 43 000 réfugiés. Pendant ce temps, que fait Paris ?
Paris pourchasse les quelques milliers de migrants (ils seraient 8000à avoir été "évacués" depuis juin dernier) qui pensaient y trouver refuge.
Le lycée Jean Jaurès a fermé en 2011 pour rénovation. Cinq ans plus tard, les travaux n’ont toujours pas commencé. Ce bâtiment public de 7000 m2 qui appartient à la région Île-de-France était laissé à l’abandon par les pouvoirs publics. Le 21 avril dernier, les associations qui soutenaient les migrants du campement de Stalingrad, ont décidé d’investir les lieux et d’y installer ces hommes, ces femmes et ces enfants qui vivaient dans le froid et la pisse sous le métro aérien et qui ne survivaient que grâce à la générosité des riverains.
Madame Valérie Pécresse, nouvelle présidente de la région Île-de-France, a dénoncé cette occupation illégale. Le 29 avril, à peine huit jours après l’arrivée des migrants dans les lieux, elle a obtenu un ordre d’expulsion du Tribunal administratif. Quatre jours plus tard, le lycée est évacué avec l’intervention de la gendarmerie mobile (ils sont environ une centaine de gendarmes en coque à intervenir pour déloger quelques dizaines de citoyens parisiens formant une chaîne humaine devant les deux entrées principales du lycée).
En cinq ans, le lycée Jaurès n’a toujours pas été rénové. En une semaine, Mme Pécresse obtient l’expulsion de 277 étrangers sans-abris. La rapidité de la procédure et la violence de son exécution est inédite. Implicitement, Madame Valérie Pécresse, Madame Anne Hidalgo et M. Bernard Cazeneuve mènent une politique commune : rendre la vie impossible aux migrants et discréditer les citoyens français qui expriment leur solidarité avec les réfugiés en envoyant la police et en les faisant passer pour des émeutiers.
Les citoyens ont des droits et des devoirs. Les élus qui les représentent aussi. Le Ministre de l’Intérieur, le Préfet de Police de Paris, la Présidente de la Région Île-de-France et la Maire de Paris mènent ensemble une politique discriminatoire et répressive contre des personnes démunies qui arrivent en France non pas par choix mais par nécessité.
Les pouvoirs publics violent quotidiennement le droit des migrants et nos responsables politiques faillissent à leurs devoirs. Cette politique répressive a des effets dévastateurs : de victime fuyant la guerre et la misère économique, la figure du migrant devient celle d’un « hors la loi », d’un vagabond qui dort sous les ponts et qu’il faut repousser au-delà des murs de la Ville Lumière. Lorsque la Ville de Paris ou le Ministère de l’Intérieur chargent la police de démanteler les campements sauvages de migrants, ce n’est malheureusement pas pour les reloger durablement dans des centres dignes de ce nom, l’objectif est tout autre, il s’agit de les disperser, de s’assurer qu’ils ne s’organisent pas en communautés, de casser la solidarité avec les riverains, de les rendre invisibles, de les faire disparaître du paysage et des consciences.
Pray for Paris or Shame on Paris ?
Après les attentats du 13 novembre, le monde entier a montré son soutien à la « Ville Lumière », la « Ville Monde », en quelques jours, le livre d’Hemingway, « Paris est une fête » était en rupture de stock. Sur les réseaux sociaux, des millions d’internautes relayaient le hashtag #prayforparis. Moi, Parisienne de naissance et de cœur, après avoir assisté hier matin à l’aube à l’évacuation du lycée Jean Jaurès, j’ai envie de dire : #shameonparis. Car contrairement aux annonces de la Région et du Préfet, les migrants ne sont pas relogés durablement. Certains sont incarcérés dans des centres de rétention dans l’attente d’une procédure d’expulsion. D’autres sont placés dans des centres d’hébergement provisoires, d’autres encore obtiennent quelques nuits d’hôtel prises en charge.
Je m’adresse à la Maire de ma ville, Madame Anne Hidalgo, pour qui j’ai voté, pour lui dire, qu’en tant que Parisienne, j’ai chaque jour un peu plus honte de la violence avec laquelle on traite des hommes et des femmes qui ont fui leur pays parce qu’ils n’avaient pas d’autre alternative.
Medina Jabah était avec son fils de cinq ans au moment de l’évacuation. Deux jours avant, elle m’avait raconté son histoire :
« Nous faisons partie de l’ethnie oromo qui est persécutée par le gouvernement en Ethiopie. Il n’y avait pas de liberté dans notre pays. Nous sommes venus ici en quête de liberté, mais ici non plus il n’y a pas de liberté. Nous étions 250 à faire le voyage, la plupart sont morts en mer, des enfants aussi ont perdu la vie. Où voulez vous qu’on aille ? Nous n’avons nulle part où aller. Dans mon pays, nos jeunes meurent assassinés par le gouvernement, ensuite, ils meurent en mer en essayant de rejoindre l’Europe, ils arrivent ici et ils dorment dans la rue, nos jeunes n’ont aucun avenir. Le gouvernement français ne nous a pas donné la liberté, depuis que nous sommes en Europe nous n’avons pas vu la liberté. »
(same film with english subtitles)
J’ai honte que notre ville, qui est l’une des villes les plus riches et les plus visitées au monde, ne soit pas à la hauteur de la crise migratoire qui arrive jusqu’à elle. La guerre, les dictatures, l’intégrisme, la misère économique condamnent des hommes et des femmes à l’exil. Ils pensaient trouver refuge en France, pays de la liberté et des droits de l’homme. Ils découvrent en arrivant ici une toute autre réalité. Et à ceux qui disent qu’on ne peut pas accueillir tout le monde, je réponds : la France est vide. Il suffit de rouler quelques dizaines de kilomètres pour découvrir des villages, des campagnes complètement désertes. L’accueil des étrangers est possible mais nos politiques ont tellement peur de voir leurs électeurs se tourner vers le Front National qu’ils prennent chaque jour un peu plus des décisions nauséabondes pour essayer de draguer l’électorat d’extrême droite.
Vous pouvez continuer d’envoyer des policiers pour démanteler les campements de fortune qui fleurissent sous le métro aérien, aux portes du périphériques, les réfugiés vont continuer d’affluer, ils fuient la mort et rien ne pourra les arrêter. La violence dont use l’Etat français pour décourager les candidats à l’exil est illégale et inefficace. Des hommes et des femmes continuent et continueront d’arriver.

Agrandissement : Illustration 2

#shameonparis
#refugeesarenotwelcomeinparis
#hidalgoreveilletoi