Ce soir, en cette fin de la journée internationale pour les droits des femmes, sous le M° Stalingrad, des exilées somaliennes et érythréennes se sont postées avec leurs poussettes face au cordon de CRS pour protéger leurs compagnons de souffrance, une grosse centaine de demandeurs d'asile du Soudan, d'Afghanistan, du Pakistan, de Somalie et d'Érythrée (des pays sûrs, n'est-ce pas ?).
Ce soir, ces femmes ont refusé la nuitée d'hotel qu'avec quelques bénévoles et soutiens nous leur avons proposée, par solidarité et parce qu'elles ont ont plus qu'ASSEZ d'être trimballées de lieu en lieu, depuis 8 mois pour certaines et que, précarité pour précarité, elles sont DEBOUT.
Ensemble, elles ont déclaré : "Le chien en France a des droits et dort sous un toit, nous non. Nous sommes épuisées. Nous réclamons un toit et le respect de nos droits"
En effet, après nous avoir annoncé vers 19h30 que les femmes et les mineurs seraient pris en charge, les hommes en uniforme (+1 en blouson de cuir Harley Davidson qui leur donnait des ordres) nous ont dit à 22h qu' "En fait, non".
J'ai discuté un moment avec deux d'entre eux, plutôt sympathiques ou du moins pas fermés, qui m'ont confiés en avoir plus qu'assez de participer à ce type d'opérations. J'ai alors tenté de parler Droit puisqu'ils causaient Instructions et que tous ces exilés sont théoriquement protégés par les conventions internationales théoriquement en vigueur. Aussi abordé le coût de leur présence en continu autour des campements de rue, au regard de celui d'hébergements adaptés à ces demandeurs d'asile.
On a un peu parlé mais, on s'en doute, il n'y eût pas de point de bascule.
C'est face à ces femmes qu'ils ont rangé leurs gazeuses.

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Ce soir, j'ai aussi croisé mon pote somalien Guito, remis à la rue le jour-même où il apprenait qu'il avait obtenu le statut de réfugié. Deux mois plus tard, lors de l'évacuation de lundi matin, il était à nouveau envoyé dans un CAO (Centre d'Accueil et d'orientation). À Rubelles (77). Mais comme, durant 24 heures, personne ne lui a donné à manger (et qu'il a désormais ses papiers), il est parti.
Ce soir, nous sommes parvenues à faire loger chez une amie d'amie une exilée sans l'homme que nous supposons être son mac.
Ce soir, on a rencontré un réfugié soudanais handicapé (avec carte d'invalidité) à la rue depuis 5 ans, entre épuisement extrême et incompréhension (décidée, l'incompréhension, belle, l'incompréhension, généreuse, l'incompréhension).
Ce soir, un soutien femme s'est fait renverser par une voiture lors d'un mouvement de foule causé par la peur du mouvement policier, elle a au moins une fracture au bras et est à l'hôpital.
Ce soir, des agents de l'État nous ont dit : "Ils refusent ce qu'on leur offre".
Ce soir, Yasmine a dû se battre pour faire passer des cartons qui serviront de matelas cette nuit, s'ils tiennent.
À quel moment notre capacité d'identification a-t-elle donc grippé pour ne pas entendre que si des mères non anglophones non francophones refusent des propositions (si celles-ci sont avérées), c'est que ces lieux "d'accueil" sont réellement problématique ?
Cette nuit, ces personnes vont tenter de tenir le campement pour faire respecter leurs droits. Besoin de monde et de couvertures.
Ce soir, on était avec Gwen, Clementine, Hooss', Adrien, Manon, Madeleine, Zabit, Rock So GAD, Virginie, Héloïse, Fanette, Marguerite, Tom, Morgann, Jan, Zia, Christine, Sonia, John, Nico, Jean-Daniel , Ezat, Moubarak et plein d'autres.
On ne lâchera pas.