Communiqué de presse Collectif La Chapelle en Lutte
La solidarité avec les réfugiés se retrouve devant les tribunaux quand les pouvoirs publics mettent en scène les centres d’hébergement.
Après 48h de garde à vue, nos trois camarades et leur traducteur un réfugié sont poursuivis par la justice pour des motifs qui dépassent l’entendement à la suite d’une plainte d’Emmaüs : insultes, menaces et séquestration.
Rappel des faits :
Le mercredi 12 août, l’eau est coupée dans les locaux du centre d’hébergement Emmaüs Losserand (Paris XIVème). C’est cette non-goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Face aux promesses annoncées et non-tenues de Pascal Brice (directeur de l’OFPRA) lors des « mises à l’abri » à répétition des mois du juin et juillet, les réfugiés n’ont eu d’autre choix que d’entamer une grève de la faim pour faire entendre leur voix. Nos trois camarades sont venus sur place après avoir été appelés par les migrants, accompagnés d’un réfugié arabophone et francophone pour la traduction, afin de discuter et transmettre les revendications des grévistes.
Ces revendications sont claires et elles l’expression que de ce qui leur avait été promis lors de l’évacuation du campement de la rue Pajol :
- Accélérer la prise en charge de leur demande d’asile auprès de l’OFPRA.
- Obtenir des conditions d’hébergement dignes : alimentation, hygiène, accès aux soins et prise en charge des transports pour effectuer les procédures, droit de visite.
Les grévistes étaient 24, dont 6 femmes. Voici leur version des faits, publiée dans un précédant communiqué, rédigé de leur main.
Communiqué des migrants et réfugiés du centre d'hébergement Pernety Paris 14e
Le mardi 11 août 2015 à minuit, nous migrants et réfugiés du centre Pernety avons, de manière collective, décidé de mener une grève de la faim pour obtenir des réponses à nos revendications légitimes face aux conditions inhumaines que nous vivons dans le centre et face au silence que nous a opposé l'administration malgré nos multiples interpellations pour qu'elle trouve des solutions.
Nous dénonçons la mauvaise qualité de la nourriture, la propreté qui laisse à désirer, la quasi-absence de services de soins médicaux et surtout la lenteur extrême pour les domiciliations et les procédures administratives pour les demandes d'asile, sans oublier l'absence de tickets de transport ou de cartes téléphoniques.
Le mercredi 12 août 2015 à 15h, collectivement et après un énième refus de l'administration du centre de satisfaire nos revendications, nous avons décidé de fermer la porte du centre, nous les migrants et les réfugiés uniquement et non les soutiens extérieurs qui sont venus soutenir notre action. Et quand le directeur a demandé à sortir, nous l'avons laissé sortir et même, en présence de la police qui est arrivée entre temps, une employée du centre, à sa demande, a pu aussi sortir du centre.
Après l'arrêt de la grève de la faim, une délégation de trois personnes qui se disaient représentantes de la Ville de Paris et de la mairie du 14ème arrondissement est venue nous voir et nous a promis de trouver des solutions mais, jusqu'à ce jour vendredi 14 août 2015, nous n'avons rien vu encore.
Nous avons aussi fourni un document comportant nos revendications aux forces de police sur place et la question est pourquoi ne nous a-t-on même pas demandé pourquoi nous étions en grève de la faim ?
Pourquoi avons-nous été considérés comme des moins que rien ? Pourquoi n'avons-nous pas eu respect et considération ?
Nous étions pourtant 24 personnes sur place à ce moment-là !!
Les migrants et réfugiés présents au centre Pernety depuis le 29 juillet 2015.
Nous sommes choqués qu’une association chargée de la défense et du soutien des plus démunis puisse déposer plainte contre un refugié et des personnes solidaires de la lutte des migrants.
Nous sommes sidérés qu’Emmaüs puisse signer des communiqués de presse aux côtés de la Mairie de Paris et de la préfecture de Police.
L’Abbé Pierre doit se mordre la barbe de voir son association cheminer avec des institutions malheureusement coutumières d’abus de violence et de non respect du droit.
Nous demandons la mise en liberté des personnes déférées et nous exigeons l’abandon de toutes poursuites dont elles pourraient faire l’objet.
Nous dénonçons la criminalisation de la solidarité.
A celles et ceux qui nous accusent de violences, nous répondons que la première des violences est institutionnelle et qu’elle a poussée 24 femmes et hommes à se priver d’eau et de nourriture.
Comble de l’hypocrisie et de la malhonnêteté, la préfecture a organisé, en ce vendredi 14 août, une visite presse d’un centre d’hébergement Aurore.
Ce centre n’a pas été choisi au hasard : c’est l’un des plus salubres, des mieux équipés situé dans Paris intra‐muros.
La mascarade peut commencer. Les réfugiés sont triés en amont. Les journalistes veulent parler à un malien ? C’est un soudanais qui leur est présenté. Et pas question de broncher. De toute façon, les questions passent impérativement par la préfète. Il est scandaleux que des journalistes participent à ces « safaris » au mépris de toutes les règles déontologiques incombant à leur profession.
Afin de dénoncer l’arrestation des trois soutiens et d’un réfugié, les mensonges des pouvoirs publics, et pour porter les revendications des migrants qu’ils soient ou non hébergés, le collectif La Chapelle en Lutte appelle à manifester demain.
Samedi 15 août à partir de 16h30 au Lycée Guillaume Budet
La solidarité n’est pas un crime. La dignité humaine et le respect du droit ne devraient pas être un enjeu politique.