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Billet de blog 25 nov. 2015

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« Pour que l’humanité ne se résume pas à l’humanitaire : un appel à la mobilisation intellectuelle » : intervention de Michel Agier à l’EHESS.

Troisième partie du compte rendu de la conférence « L’EHESS dialogue avec les réfugiés », le 9 novembre 2015 dans l’amphithéâtre du 105 Bd Raspail. http://lettre.ehess.fr/index.php?9285

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Michel Agier à qui il est demandé de prendre la parole en premier, commence par dénoncer le fait qu’un discours sécuritaire-identitaire, bien que teinté d’humanitaire, puisse dominer tout le débat actuel sur les migrations en France. Il en appelle doncà une mobilisation intellectuelle, à l'instar de cette conférence qui en fait partie.

Afin « que l’humanité ne se résume pas à l’humanitaire », cette mobilisation des intellectuels doit se donner pour tâche de produire « un autre ensemble de mots », débouchant sur « un autre régime d’action et de pensée, de produire la possibilité d’une alternative dans tout ce qu’on entend aujourd’hui ». Car « le langage de la peur, le langage identitaire, de la nationalité ou du nationalisme, le langage sécuritaire ou hyper sécuritaire qui viendrait dominer toutes les autres possibilités d’action », est un discours qui « est aberrant dès que nous connaissons la situation réelle des migrations ».

Pour cela, M. Agier propose de mettre la discipline anthropologique au service d’une action citoyenne. Il prône une « anthropologie publique » rassemblant non seulement les chercheurs, mais les associations, les journalistes, les acteurs publics. Il souligne notamment l’importance de rassembler des chercheurs en sciences humaines et sociales qui se sont mobilisés en tant que citoyens et qui doivent pouvoir mettre à profit leur savoir-faire professionnel, la réflexivité, pour réfléchir sur et à partir de leur action citoyenne et faire ainsi émerger un savoir alternatif.

Comme exemple de cette mobilisation intellectuelle qui a déjà commencé, il salue par ailleurs les initiatives solidaires de certains collègues à l’EHESS qui ont engagé une action solidaire avec le campement d'Austerlitz et annonce un futur groupe de travail de l’Agence Nationale de la Recherche portant sur les « villes frontières », sous sa direction.

Invité à reprendre la parole pour conclure la conférence, après que les quatre réfugiés et Claire Rodier se soient exprimés, puis une série de questions-réponses entre les intervenants et le public, Michel Agier termine par ces mots:

« Il est vrai – et c’est un constat qui est assez terrible, qu’aucun parti politique de quelque bord qu’il soit, ne reprend un discours humaniste, tout simplement, face à un monopole du discours sécuritaire qui existe et qui domine notre gouvernement, après d’autres. Et il y a là un véritable problème, c’est celui du relais politique, disons à gauche (mais pas forcément et pas seulement), d’une pensée humaniste, solidaire, hospitalière, qui a prévalu dans ce pays et en Europe et qui a même fondé l’idée européenne pour beaucoup. Et qui est terriblement absente dans les milieux politiques. Et c’est pour ça que je reviens sur la mobilisation intellectuelle, qui est une des formes de la mobilisation politique, pour faire avancer ces idées dans les milieux politiques. Pour qu’il soit possible qu’un parti reprenne ces idées, prenne l’audace « incroyable » de parler de solidarité et d’hospitalité. Au mieux on entend quelques mots humanitaires, en disant « mais on va essayer de ne pas les faire disparaitre, ne pas les laisser mourir », pour redire les mots de Foucault. Et on voit bien dans ce qui a été entendu là que ce qui nous est demandé en dehors de la prise de parole et du droit à la parole (ce qui est un fait politique très important), que ce qui nous est demandé (par les réfugiés qui ont pris la parole, ndlr), c’est la solidarité politique avec tout ce que ça implique, y compris d’aide et de reconnaissance des droits de l’homme. Mais c’est aussi une information politique, une forme de solidarité politique, notamment avec des milieux où il existe des formes de dictature politique et où il existe des résistances et des organisations politiques qui résistent à ces dictatures. »

Compte rendu transcrit et rédigé par Nicolas Jaoul (CNRS, IRIS, EHESS)

Première Partie de la conférence (Claire Rodier): https://blogs.mediapart.fr/la-chapelle-en-lutte/blog/231115/un-formidable-elan-de-solidarite-conference-de-claire-rodier-lehess

Seconde Partie (Les réfugiés: Fathi Elrhman, El Tayeb, Al Fidel, Nangarhari): https://blogs.mediapart.fr/la-chapelle-en-lutte/blog/241115/paroles-de-refugies-lehess-conference-du-9-novembre-2015-deuxieme-partie

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