Certains États européens, et en particulier la France, rechignent à reconnaître le caractère spécifique des persécutions dont les femmes sont victimes pour leur accorder le droit d’asile.
La Convention de Genève reconnaît notamment le statut de réfugié aux personnes persécutées en raison de leur appartenance à un certain groupe social. Ce terme peut inclure les atteintes faites aux femmes comme l’ont jugé des juridictions australiennes, canadiennes ou britanniques. Les femmes qui demandent l’asile et les associations l’ont invoqué tant dans les demandes que lors des procédures de recours.
Règles incertaines
En France, la jurisprudence n’a cessé d’évoluer depuis le début des années 2000, d’abord à l’égard des victimes de l’excision. Après plusieurs décisions, parfois contradictoires, le Conseil d’État a tranché en décembre 2012 en accordant le statut de réfugié aux fillettes mineures qui risquent d’être victimes de mutilation sexuelle, sans pour autant en étendre le bénéfice à leurs parents.
Face à la traite des êtres humains, la France a tout d’abord prévu de délivrer un titre de séjour aux femmes qui en sont les victimes et acceptent de témoigner pour le démantèlement des réseaux. Cette procédure n’a produit que des effets limités, même si la directive européenne d’avril 2011 pour la prévention et la lutte contre la traite des êtres humains devrait permettre de renforcer les mesures d’aide et d’assistance en faveur des victimes. Pour autant, la situation est loin d’être clarifiée à l’égard des jeunes femmes étrangères qui tentent d’échapper à leur condition en demandant à bénéficier de la protection des autorités publiques.
Espoir déçu
Récemment encore, le Conseil d’État a cassé le 25 juillet une décision de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) qui avait reconnu le statut de réfugié à une jeune nigériane soumise à des pratiques occultes dans son pays et contrainte de rejoindre un réseau de prostitution en France. Pour la première fois, la CNDA reconnaissait que « les femmes victimes de réseaux de trafic d’êtres humains et ayant activement cherché à échapper à leur emprise constituaient un groupe social ». À la suite d’un pourvoi de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), la haute juridiction administrative a considéré, de son côté, que la CNDA n’avait pas cherché à vérifier si, « au-delà des réseaux de proxénétisme les menaçant, la société environnante ou les institutions (les) percevaient comme ayant une identité propre » susceptible d’être victimes de persécutions. Sans être formellement rejetée, la demande d’asile a été renvoyée à un nouvel examen.
Face à ces incertitudes permanentes, les associations de défense des femmes étrangères misent sur la transposition de la directive européenne de décembre 2011 qui mentionne explicitement les atteintes liées à « l’orientation sexuelle » et à « l’identité de genre » parmi les critères d’obtention de la protection internationale et du statut de réfugié dans l’Union. Pour l’heure, la France n’a pas pris de mesures de transposition, pourtant obligatoires.
Michel Delberghe
Article publié dans la revue Causes Communes

Agrandissement : Illustration 1

Avril 2010. Hirut, jeune Erythréenne ayant grandi en Arabie Saoudite, est passée en Grande-Bretagne à partir de la jungle de Norrent-Fontes en février. Le gouvernement britannique lui a accordé un logement en "sharing-home", qu'elle partage avec trois autres jeunes réfugiées érythréennes.
Article publié dans la revue Causes Communes