Un pays de taille de Lettonie n'est pas souvent SURreprésenté, mais le voir mentionné a suffi aux délégués du festival international de Riga pour s'étonner quand ils ont ouvert Screen International au Festival de Cannes cette année.
Les grilles du jury sont habituellement publiées lors des grands festivals de l'industrie cinématographique. Ce sont des tableaux compacts où les films en sélection officielle sont évalués tous les jours par des critiques de cinéma de pays différents. Dans la grille du jury publiée lors de la 75e édition du Festival de Cannes, le media représenté par le critique de cinéma russe Anton Dolin est curieusement annoncé comme letton. Certains d’entre nous, présents à Cannes, ont été interrogés sur ce que nous pensions de la façon dont l'affiliation de notre pays a été utilisée, alors nous avons décidé de nous exprimer publiquement.
Bien que nous respectons Anton Dolin et voyons en Meduza l’une des sources d'information indépendantes le plus importantes sur la Russie (en russe), nous considérons qu'utiliser le nom de notre pays comme couverture afin de protéger Screen International d'être affilié à " la Russie " est hypocrite.
Techniquement, tout est correct : Meduza est enregistré et opère bien en Lettonie, depuis sa création en 2014 par un collectif de journalistes russes qui ont quitté le site d'actualité Lenta, basé à Moscou, en raison de la censure. Depuis le début, Meduza est axé prioritairement autour de la Russie, sans jamais avoir l'intention d’être un média local, letton.
Tout étant fiers que la démocratie de notre pays soit capable de fournir refuge à des journalistes d'autres pays, nous ne sommes pas d'accord avec la décision de Screen International d'affilier ce critique et ce média à la Lettonie comme ils l'ont fait. D’autant plus que Meduza a été précédemment affilié à Russie (cf les grilles du jury de Screen International en 2018, 2019, 2020 et 2021).

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Nous percevons cela comme un exemple de mentalité culturelle colonialiste : la Lettonie est représentée par un critique de cinéma russe ainsi que par un média dont le slogan est « La vraie Russie, aujourd'hui ».
La Lettonie, comme les autres pays ayant enduré l’occupation soviétique, durant laquelle la population locale a été massivement déportée en Sibérie et soumise à une russification, n’utilise pas son passé soviétique traumatisant comme un marqueur identitaire. Etant donné que la Fédération de la Russie se proclame fièrement héritière de l’Union soviétique, de telles affiliations sont perçues comme insensibles et nous les condamnons fortement.
Pour nous, ceci n’est pas un simple incident, mais un énième exemple de la façon dont la Lettonie est dépeinte comme une dépendance de la Russie, ce qu’elle n’est pas. Cette fausse représentation ne crée pas seulement une image déformée de la société lettone, mais incarne également une forme de colonisation culturelle où des cultures et des sociétés sont assimilées à d’autres.
L’équipe de RIGA IFF.