Antoni Lallican était un photographe formidable et un excellent collègue. Il est mort vendredi 3 octobre, tué par un tir de drone en Ukraine, un pays dans lequel il se rendait régulièrement pour couvrir la guerre qu’y mène Vladimir Poutine.
Notre confrère se trouvait dans le Donbass pour l’agence de photojournalisme Hans Lucas, qui diffusait son travail.
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« Les circonstances de l’incident, qui s’est produit vendredi matin à 9 h 20 heure locale, font toujours l’objet d’une enquête. Un journaliste ukrainien, Heorgiy Ivanchenko, a été blessé lors de la même attaque. Les deux journalistes portaient des équipements de protection et un gilet pare-balles qui portait l’inscription “Presse” », ont indiqué les Fédérations européenne et internationale des journalistes (FEJ-FIJ) dans un communiqué.
La FEJ et la FIJ « condamnent ce crime de guerre et appellent les autorités à ouvrir une enquête afin d’identifier les responsables » et précisent que « c’est la première fois qu’un journaliste est tué par un drone en Ukraine ».
Depuis le début de la guerre en Ukraine, le 24 février 2022, plus de 150 journalistes ont été ciblé·es par l’armée russe, d’après Reporters sans frontières, dans l’exercice de leur métier. Parmi eux, trois confrères français ont été tués dans des frappes russes : Pierre Zakrzewski, le 14 mars 2022, Frédéric Leclerc-Imhoff, le 30 mai 2022, et Arman Soldin, le 9 mai 2023.
La rédaction de Mediapart présente ses plus sincères condoléances à la famille et aux proches d’Antoni Lallican. Nous avons une pensée attristée et émue pour celles et ceux qui l’ont connu, côtoyé et qui ont travaillé avec lui.
Le travail d’Antoni, primé à plusieurs reprises, était régulièrement publié par la presse française (Le Monde, Libération, Mediapart, Society, Le Figaro, La Croix…) et internationale (Der Spiegel, Zeit, NZZ, Focus Magazine, Die Welt, Stern, FAZ, TAZ, Neues Deutschland, Le Temps, Der Standard, La Presse…).
Il avait couvert la Syrie post-révolution, la guerre menée par Israël au Liban l’an dernier, il s’était rendu en Haïti, en Inde, il couvrait régulièrement l’invasion de l’Ukraine par la Russie… En France, il s’était intéressé au mal-logement en Île-de-France, à la protection de l’enfance en milieu rural ou au mouvement des Gilets jaunes.
Mediapart avait eu la chance de pouvoir collaborer avec lui à plusieurs reprises. En Ukraine d’abord, en 2022 avec Christophe Gueugneau, puis en 2024, avec Justine Brabant.
Sur le terrain, encore et toujours, en 2022, il avait photographié les mineurs ukrainiens, « héros » de la guerre de l’énergie, Natacha, la gérante du bar le Beer Bank dans le centre de Perchotravensk, Viera, 87 ans, et Praskovia, 79 ans, dans leur jardin de Tchernihiv, près de la frontière avec le Bélarus…
À Kyiv, avec Christophe Gueugneau, il avait témoigné des Ukrainien·nes se préparant à affronter le froid et l’obscurité.
En 2024, Antoni Lallican photographiait Iulia Pogrebniak avec sa fille Olga, dans l’oblast de Donetsk, toutes deux riant aux éclats pour un reportage intitulé « Dans le Donbass, rester malgré le front qui se rapproche ».
Avec Justine Brabant, il avait rencontré les soldats racontant leur bataille « pour chaque mètre de tranchée » dans le Donbass, et la vie en suspens des voisins d’une centrale électrique de la banlieue de Kyiv.
En janvier, Antoni Lallican était en Syrie. À notre demande, avec le journaliste indépendant Théophile Simon, il avait rendu grâce à l’émotion, et au sourire, de l’éditeur Farouk Mardam-Bey revenant dans son pays natal à 80 ans, après la chute de Bachar al-Assad.
Nous gardons précieusement ces images qui disent tout le talent et l’humanité d’Antoni Lallican.
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