Fin octobre, Marlène Schiappa faisait son retour dans le débat public en signant une tribune dans Le JDD, désormais dirigé par le journaliste d’extrême droite Geoffroy Lejeune. Fustigeant « les complices, les collabos et les laquais de l’islamisme », l’ancienne ministre déléguée à la citoyenneté en profitait pour revenir sur l’affaire du fonds Marianne qui avait précipité son départ du gouvernement trois mois plus tôt.
Dénonçant un « emballement incroyable [...] sur la base du possible dysfonctionnement interne d’une seule association » bénéficiaire de cette opération lancée par ses soins après l’assassinat terroriste de Samuel Paty – dysfonctionnement en réalité confirmé par la commission d’enquête sénatoriale pour deux structures –, elle évoquait des « accusations fallacieuses » et « grossières », « dont il est démontré qu’elles sont fausses aujourd’hui ».
Marlène Schiappa se référait notamment à « des vidéos coupées et montées pour faire croire que ce fonds aurait financé des contenus électoraux ». « Ce qui est faux, c’est aujourd’hui démontré », insistait-elle, en référence à l’une des premières enquêtes de Mediapart sur cette affaire. En avril 2023, nous avions en effet révélé que l’association Reconstruire le commun – qui avait touché plus de 300 000 euros d’argent public – avait diffusé des contenus politiques en période électorale.

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Sitôt cet article publié, l’emballement fut effectivement incroyable. Dans la galaxie du Printemps républicain sur les réseaux sociaux d’abord, puis dans les colonnes du journal Franc-Tireur dirigé par Caroline Fourest – auquel a longtemps collaboré Mohamed Sifaoui, l’un des principaux protagonistes de ce dossier – et enfin sous la plume de l’ancienne ministre, Mediapart a été accusé d’avoir bidonné ses informations en opérant un « montage fallacieux » des vidéos de Reconstruire le commun.
L’expression provient de la saisine qu’a réalisée Ahlam Menouni, la présidente de l’association, auprès du Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM), le 14 juillet. Elle y formulait plusieurs « griefs de non-respect de l’exactitude et de la véracité d’une part et d’altération d’un document d’autre part ». Des griefs auxquels nous avons répondu point par point dans une réponse au CDJM, en déplorant l’instrumentalisation de cette instance, alors que nos informations ont été confirmées par les enquêtes administratives diligentées par le ministère de l’intérieur.
Sur la base de notre réponse et de nos articles – qui mériteraient sans doute d’être relus par Marlène Schiappa et ses soutiens – et après s’être réuni en séance plénière le 14 novembre, le CDJM nous a adressé sa décision jeudi. Elle tient en quelques phrases de conclusion : « Les obligations déontologiques d’exactitude et de véracité, et de non-altération d’un document, n’ont pas été enfreintes par Mediapart. La saisine est déclarée non fondée. Cette décision a été prise par consensus. »
Ce n’est pas la première fois que le Conseil de déontologie journalistique et de médiation donne raison à Mediapart. En septembre 2021, il avait déjà déclaré « non fondée » une saisine concernant une de nos enquêtes sur l’industrie pornographique. Les principaux concernés par l’affaire du fonds Marianne vont devoir trouver de nouveaux arguments pour justifier ce que le Sénat a qualifié de « fiasco ». L’enquête judiciaire est toujours entre les mains des juges d’instruction après l’ouverture d’une enquête par le Parquet national financier (PNF).
Retrouvez ici toutes nos enquêtes sur l’affaire du fonds Marianne.