À l’époque, Laetitia Avia avait nié en bloc et vivement attaqué notre publication. Le 13 mai 2020, David Perrotin publie un article intitulé « Laetitia Avia, la députée LREM qui horrifie ses assistants ». Dans cette enquête, d’anciens collaborateurs parlementaires de cette figure montante de la Macronie détaillent des humiliations à répétition au travail, ainsi que des propos à connotation sexiste, raciste et homophobe. Officiellement, l’élue dit se battre ardemment contre toutes les discriminations et doit faire voter la loi sur la haine en ligne.
Mais de nombreux documents, notamment des messages et des audios, mettent à mal l’image de cette avocate de formation. Ainsi elle appelait son collaborateur d’origine asiatique « le Chinois », reproduisait des clichés racistes ou sexistes dans de nombreux messages ou se faisait brumiser les jambes par son assistante parlementaire. En 2018, après le vote d’un amendement en faveur des réfugié·es LGBTQI+, elle résume les choses ainsi : « On a voté l’amendement des PD. »
Dans la foulée de cette enquête, l’élue dément et remet en cause les méthodes de Mediapart. « Ce sont des accusations mensongères, incohérentes, des messages privés qui sont totalement déconnectés de leur contexte, manipulés à des fins d’affaiblir le texte que je présente cet après-midi [sa proposition pour lutter contre la haine en ligne – ndlr]. Je dépose plainte. »
La veille, elle avait aussi publié une série de tweets pour dénoncer des « bouts de messages privés […] tronqués, détournés et décontextualisés ». « Je n’ai jamais été raciste ou homophobe », précisait-t-elle en pointant « une manipulation honteuse ».
Plusieurs macronistes volent à son secours, quitte à verser dans le complotisme. « Tout le monde sait très bien que Laetitia Avia est ciblée parce qu’elle porte une loi qui veut lutter contre les contenus haineux sur Internet, qui veut réguler de façon très modeste Internet. Ça déplaît très fortement à Mediapart », déclare par exemple, l’ex-ministre François de Rugy.
Et l’avocat de Laetitia Avia d’ajouter : « Je vais voir les pièces parce que j’espère bien que le journaliste se défendra en tentant de prouver la vérité de ce qu’il a dit, car il ne suffit pas de dire “j’ai trouvé des collaborateurs qui témoignent de manière anonyme” pour établir une vérité. »
Des révélations et une condamnation
David Perrotin, le journaliste en question, comptait se défendre et faire reconnaître judiciairement la qualité de son travail sur ce sujet d’intérêt général majeur, passant même plusieurs jours à préparer un dossier contenant une offre de preuves de plus d’une centaine de pièces pour les audiences prévues les 16 et 17 janvier 2024. Mais Laetitia Avia, qui n’a pas été réélue députée en 2022, a préféré se désister de ce procès.
Il est vrai que, depuis l’article en question, l’ex-députée a été jugée, puis condamnée, en première instance, mercredi 5 juillet 2023, à six mois de prison avec sursis et deux ans d’inéligibilité pour harcèlement moral à l’égard de quatre plaignants. Elle a, depuis, fait appel de cette décision et reste présumée innocente.
Avant Laetitia Avia, nombreux sont les mis en cause à avoir médiatisé une plainte pour finalement la retirer en toute discrétion. Il y a aussi ceux qui l’annoncent sans jamais la déposer. Un grand classique quand, au moment de la révélation des faits, ils ont besoin de communiquer, de contre-attaquer médiatiquement, alors qu’ils savent qu’il sera plus difficile de le faire face à un tribunal.
Retrouvez nos articles publiés sur Laetitia Avia :
Laetitia Avia, la députée LREM qui horrifie ses assistants
Des assistants parlementaires ont travaillé pour la campagne municipale LREM à Paris
Jugée pour harcèlement moral, l’ex-députée Laetitia Avia plaide la « gaminerie » au tribunal