Première région d’élevage de porcs, de vaches laitières et de volailles, la Bretagne, « garde-manger de la France », subit le contrecoup de son modèle intensif tourné vers l’exportation de produits à faible valeur ajoutée. Si le problème des algues vertes est maintenant connu de tous, une autre pollution, plus insidieuse, est la source d’un grave problème de santé publique : l’ammoniac.
Émis principalement lors des épandages de lisier, de fumier et d’engrais de synthèse, ce gaz est un précurseur majeur des particules fines qui causent des dizaines de milliers de morts prématurées en France chaque année.

Dans cette première enquête en trois volets (à lire ici et là), Splann !, une toute nouvelle ONG dédiée à l’investigation journalistique en Bretagne, met en lumière le laxisme des pouvoirs publics. En dépit des efforts de quelques associations et lanceurs d’alerte, la surveillance des émissions bretonnes d’ammoniac n’avance qu’à petits pas.
Seuls les plus gros élevages de porcs et de volaille sont contraints de déclarer leurs émissions annuelles. Quand l’Autorité environnementale est invitée à donner son avis sur des extensions de fermes ou des constructions de méthaniseurs, ses recommandations sont soigneusement mises de côté.
Quant à la réduction substantielle des cheptels, identifiée comme le chemin le plus rapide et le plus efficace pour réduire la pollution atmosphérique, elle n’est pas au programme. Dans ces conditions, la Bretagne augmente toujours plus ses émissions.
À travers cette enquête, réalisée notamment à partir de données publiques, Splann ! espère déplacer le problème de l’ammoniac agricole des cénacles d’érudits vers l’agora. Face aux catastrophes écologiques qui obscurcissent la perspective d’un avenir désirable, et à un moment où la liberté d’informer sur l’industrie agroalimentaire est sérieusement menacée en Bretagne et ailleurs, l’association à but non-lucratif croit à un « journalisme d’intervention » qui contribue à l’amélioration des pratiques.
Cette enquête au long cours, débutée en septembre 2020, a été réalisée par la journaliste Caroline Trouillet (déjà autrice d’un reportage sur Mediapart), accompagnée par un comité éditorial composé de cinq journalistes professionnels qui interviennent ici à titre bénévole. Pierre Corbin est l’auteur des modélisations cartographiques ; Tudual Karluer a traduit les textes en breton. Les articles et documents sont mis à la disposition du public gratuitement via le site de Mediapart, le réseau de radios associatives en langue bretonne Radio Breizh, le mensuel Le Peuple breton et la chaîne de télévision France 3 Bretagne.
Ce travail a été entièrement financé par des dons, versés à 92 % par des particuliers et à 8 % par des associations, au premier rang desquelles Les Amis de La Terre. En date du 11 juin, Splann ! a collecté au total 66 000 euros via la plateforme de financement participatif HelloAsso. Plus gros contributeurs, Les Amis de la Terre a versé 3 000 euros et BDZH a distribué les 1 700 euros qui lui restaient après dissolution.
Par souci d’indépendance, Splann ! ne veut recevoir ni subvention ni mécénat d’entreprises. De plus, aucune fondation ne peut verser plus de 10 % du budget annuel de l’association. Et aucune intervention éditoriale des donateurs n’est admise.
Ce modèle économique est calqué sur celui de l’ONG Disclose, lancée en 2018 et dont Mediapart a déjà relayé plusieurs enquêtes, sur l’usage massif d’armes françaises dans la guerre au Yémen, l’héritage empoisonné des essais nucléaires français en Polynésie, les violences sexuelles dans le monde du sport ou les secrets du géant mondial des produits laitiers Lactalis.