L’enquête de Mediapart sur la consommation de cocaïne par le député des Haute-de-Seine Emmanuel Pellerin (2022-2024) était d’intérêt général et sérieuse, a confirmé le tribunal judiciaire de Paris dans une décision rendue mercredi 10 décembre.
Élu sous les couleurs du camp présidentiel et avocat de profession, Emmanuel Pellerin avait attaqué le directeur de publication de l’époque, Edwy Plenel, et les deux co-auteurs de l’enquête, Pascale Pascariello et Antton Rouget, à la suite d’une série d’articles révélant, en janvier et février 2023, une contradiction manifeste entre ses pratiques et les discours virulents du gouvernement pointant la responsabilité des consommateurs dans le développement du trafic de drogues.
Ces publications mettaient aussi en exergue la mansuétude avec laquelle la situation d’Emmanuel Pellerin avait été traitée par les autorités judiciaires, illustrant le deux poids deux mesures qui s’exerce en fonction des milieux concernés par l’usage des stupéfiants. D’où le titre du premier article, publié le 25 janvier 2023 : « Le député Pellerin : la cocaïne en toute impunité ».
Dans le jugement prononcé le 10 décembre, la 17e chambre correctionnelle du tribunal de Paris (spécialisée en droit de la presse) rappelle un point largement souligné par Mediapart et ses avocats — Olivia Levy et Emmanuel Tordjman du cabinet Seattle — lors des débats à l’audience qui s’est déroulée le 10 octobre 2025. Les propos attaqués par l’ancien élu, qui a continué à consommer de la cocaïne après avoir fait son entrée au Palais-Bourbon, ne concernent pas sa vie privée mais « s’insèrent dans un article abordant le sujet du traitement par les autorités publiques, politiques et judiciaires de l’usage de stupéfiants », sujet qui revêt un intérêt public manifeste.
Le cas du député Emmanuel Pellerin, entré en politique grâce à son ami Thierry Solère, conseiller du pouvoir lui ayant légué « sa » circonscription des Hauts-de-Seine en 2022, révèle notamment les contradictions entre le discours politique intransigeant à l’égard de la consommation de drogues et la réalité de la réponse judiciaire quand un élu est mis cause pour de tels faits, résume le tribunal dans son jugement, en indiquant que ces révélations portent pleinement sur un « sujet d’intérêt général ».
Dans leur décision, les magistrats reviennent aussi, pour confirmer le sérieux de l’enquête journalistique, sur les éléments matériels réunis par les journalistes au cours de leurs investigations (information préoccupante de la psychologue scolaire du fils de l’élu, mains courantes de voisins, éléments de l’enquête judiciaire, etc.) mais aussi les notes prises au cours d’une longue interview avant publication avec Emmanuel Pellerin, le 24 janvier 2023, pendant plus de deux heures. Des notes dont le plaignant n’a jamais remis en cause l’exactitude.
« Il en ressort ainsi qu’il a bien admis, après une première version selon laquelle il avait arrêté [de consommer des drogues] au moment de sa campagne [électorale], que sa consommation de stupéfiants s’était arrêtée le 23 juillet 2022, soit après son investiture », reprend le tribunal, considérant que les « journalistes disposaient d'une base factuelle suffisante » au soutien de leur démonstration. Cette conviction est renforcée par le fait qu’Emmanuel Pellerin a confirmé les propos tenus auprès de Mediapart, et a même réitéré ces explications à la barre du tribunal.
Au regard de cette situation, la 17e chambre ne peut que constater que le plaignant a agi avec « mauvaise foi ou témérairement » en décidant d’attaquer Mediapart malgré tout. En effet, considèrent les magistrats, Emmanuel Pellerin ne pouvait pas « se méprendre sur la bonne foi des journalistes », dès lors qu’il avait reconnu lui-même une consommation de cocaïne.
Ainsi, l’ex-parlementaire est non seulement débouté de ses demandes, mais il est aussi condamné pour procédure abusive — une décision rare, déjà prononcée par exemple contre l’ancien député écologiste Denis Baupin ou les Caisses d’épargne en faveur de Mediapart. À ce titre, Emmanuel Pellerin devra verser 1000 euros à chaque prévenu. Il dispose d’un délai de dix jours pour éventuellement faire appel.