Mediapart aura sept ans en 2015. Un septennat de combat pour un journalisme libre, pour une presse participative, pour un média indépendant, ne vivant que du soutien de ses lecteurs. Sept années qui en ont fait un journal aussi inimitable qu’indispensable.
« Je me suis souvent figuré un immense livre pour le peuple. Ce livre serait le livre du fait, rien de plus en apparence, et en réalité le livre de l’idée. » L’alliance du fait et de l’idée : ainsi Victor Hugo résumait-il l’ambition d’un vrai journal, d’un journal vrai dans sa lettre aux rédacteurs du Peuple souverain, le 14 mai 1872. « Œuvre excellente, poursuivait-il, qui a pour but de condenser le collectif dans l’individuel, et de donner à tout peuple un cœur d’honnête homme, et à tout homme une âme de grand peuple. »
Mediapart s’est d’emblée inscrit dans cette tradition où le journalisme est au service de l’élévation du débat public et de la conscience commune. Mais son originalité est d’avoir rajeuni cette tradition à la source de la modernité, en la réinventant dans l’écosystème d’une presse radicalement numérique, tissée de liens, prolongée d’échanges, faite de relations et de partages, de diversité et de pluralité, d’horizontalité et de profondeur, de multiplicité des formats, des styles et des acteurs. En ce sens, Mediapart est bien l’ébauche de la nouvelle presse du XXIe siècle, laboratoire de son invention et démonstration de sa valeur.
Tel fut le message du premier « Prix Jaime Arias de l’excellence journalistique », décerné à Mediapart par un jury de personnalités catalanes animé par l’Association des journalistes européens de Catalogne et par le quotidien historique de Barcelone La Vanguardia (lire ici, là et encore là). Remise, le 17 décembre dernier à l’Hôtel de Ville de Barcelone par le maire, Xavier Trias, cette première récompense internationale témoignait d’une reconnaissance sans frontières pour cette aventure aussi particulière que novatrice où la presse retrouve ses idéaux professionnels et ses promesses démocratiques.
Nos lecteurs le savent puisque c’était notre engagement de départ : sans publicité marchande, ni subvention étatique, ni mécène intéressé, Mediapart est totalement indépendant, ne vivant que grâce à ses abonnés. Mais ce qui n’était pas garanti au départ, c’est ce que Mediapart est aussi devenu, grâce aux moyens que sa réussite a permis d’investir dans son développement : un journal qui vise l’excellence, cette ambition dont la quête, toujours imparfaite et inachevée, est en elle-même une exigence de rigueur et de hauteur.
Offrir Mediapart, en cette fin d’année 2014, ce n’est pas seulement nous soutenir. C’est aussi faire ce choix de l’élévation contre la bassesse quand, tout autour, un débat politique et médiatique gangréné par l’agenda de la peur et de la haine patauge dans un marécage de médiocrité et de vilénie. « Un cœur d’honnête homme », « une âme de grand peuple », répondait déjà Victor Hugo, liant les deux ambitions comme les deux faces d’une même médaille.
Un jour, déjà lointain, quand il libérait les monstres qui aujourd’hui occupent la scène publique, Nicolas Sarkozy s’en prit à la « démocratie des bons sentiments », comme s’il fallait lui préférer une dictature des mauvais sentiments, des détestations et des virulences. Nous y sommes presque… Nos lecteurs savent qu’à cette méchanceté, nous préférerons toujours la bonté des fraternités, qu’à cette laideur, nous opposerons toujours la beauté des humanités.
C’est en ce sens qu’offrir Mediapart, ce n’est pas seulement faire un cadeau. Mais aussi se faire une promesse : ne pas subir la peur, ne pas céder à la haine, ne pas renoncer à l’espoir.
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