Bure ou le scandale enfoui des déchets nucléaires
- 26 nov. 2020
- Par La revue dessinée
- Blog : La Revue Dessinée - Magazine de reportages en bande dessinée
C’est l’un de ces petits villages qui n’a jamais eu droit à sa carte postale. Une commune paumée, 80 habitants, des champs de céréales, des agriculteurs, un clocher.
Et pourtant… À Bure, 85 000 tonnes de déchets radioactifs doivent être enfouis à 500 mètres sous terre et y dormir pour les cent mille ans à venir. Le projet, baptisé Cigéo pour Centre industriel de stockage géologique, donne le vertige. Avec ses 270 kilomètres de galeries, il serait l'un des plus imposants d'Europe. Le chantier, pensé pour durer 130 ans, ne doit pas démarrer avant 2035.

À ce jour, seul un laboratoire de recherches souterrain a été creusé. Mais, à la surface, la zone est d'ores et déjà quadrillée par des escadrons de gendarmes mobiles et, plusieurs fois par jour, ses habitants sont contrôlés.
Selon une enquête de Reporterre et Mediapart, l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra) chargée du projet, a même signé une convention avec la Direction générale de la gendarmerie nationale et dépense une « dizaine de millions d’euros » chaque année pour financer la présence des gendarmes.



Dans le même temps, pour convaincre du bien fondé de son projet, l'Andra dépense près d'un million d'euros par an en communication. À destination des plus jeunes...

Avant de solliciter Binge, l'Andra avait embauché des influenceurs et payé le magazine Usbek et Rica pour créer un site en ligne les Arpenteurs qui parlait, en autres, de « la gestion des déchets radioactifs »...

L'Andra organise également des prix pour les photojournalistes, les photographes, les cinéastes et les artistes. En 2019, elle publiait avec des élèves de l'école Estienne une BD numérique qui faisait complètement abstraction des sujets qui fâchent.
Dans la bande dessinée Cent mille ans deux journalistes engagés, Pierre Bonneau et Gaspard d’Allens, adoptent une approche plus critique. Ils racontent la manière dont ce projet digne d’un récit de science-fiction est imposé de gré ou de force à un territoire moribond. Ils ont passé plus de deux ans sur place « pour mieux comprendre et vivre ce qui s’y trame ». Tous deux s’opposent au projet Cigéo et assument un point de vue subjectif.

Mais à la différence des élèves de l’école Estienne et de l'équipe de Binge, l’accès au laboratoire souterrain leur a été refusé au motif que leur angle n'« intéressait pas » l’Andra. Autrement dit, cet établissement public a préféré soustraire son projet le plus conséquent aux regards critiques. Qu’importe, puisque c'est l’histoire qui se joue à la surface que les journalistes ont choisi de raconter.

Cent mille ans, Bure ou le scandale enfoui des déchets nucléaires est actuellement disponible en librairie.

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