État des lieux — plus ou moins — respublicain
- "Présidentialismes" plus ou moins "exacerbés" que l'on constate de toutes parts (pour rester proche et synthétique : des États-Unis à la France en passant par la Russie).
- Demandes grandissantes des "citoyens" (plus ou moins conscients des implications de cette étiquette) de plus "participer". Au moins ... ou pas, d'ailleurs.
- Légitimité des élus et des institutions plombées à tous niveaux, de partout, notamment par l'abstentionnisme grandissant des "électeurs".
- Instabilité dans laquelle Macron a plongé le pays suite à sa dissolution, aggravée par ses manœuvres pour manipuler la direction du pays par le choix du premier ministre, contre ce qui s'est exprimé par le vote.
La Sixième République devient de plus en plus une évidence et une nécessité, dans un pays, la France, finalement doté d'institutions où on peut se poser la question si la monarchie n'est pas plus qu'une tendance, et avec des risques avérés de glissement autoritaire.
Pourtant les analyses et les propositions ne font pas foison dans les médias, et les analyses sont assez tièdes et superficielles, du moins quand elles diffusent.
Croit-on qu'il suffirait de lancer un processus constituant pour espérer qu'il aboutisse à mieux ? Que le débat, en soi, sans idées Réellement nouvelles, aboutisse à une solution ?
- Redescendre sur le globe terrestre,
- c'est là que "on vit",
- En "France", aussi : pays auto-proclamé des Droits de l'Homme (surtout par ceux qui ...)
- Politique de Partis, politique de "Paris".
- Etc.
Il se dit, donc, que cette question aurait été discutée dans les débats pour faire coalition à gauche, pendant les législatives consécutives à la dissolution. Mais ce processus aurait été "tempéré" par la peur de voir l'extrême droite l'influencer, voire le capturer :
« Les menaces sur les institutions ont été tellement fortes avec le risque de voir l’extrême droite au pouvoir que la gauche n’envisage peut-être plus la VIe République comme une priorité » selon Sandra Laugier interviewée pour Politis.
Entendu.
Mais ce type de débat doit-il être laissé aux huis-clos des partis, dans le cadre de débats de stratégies électorales ? Par ailleurs, il est question "d'aspiration à la démocratie", mais que veut-on dire par là ? Et de quelle démocratie parle-t-on ?
Au delà de l'abrogation du 49.3, et au désamorçage de tout autre court-circuit autoritaire de l'Exécutif (avéré depuis longtemps, "ici" ou ailleurs), ou de la question plus générale de la relation monarchique entre l'Exécutif et le Législatif, des contre-pouvoirs, au delà de la critique de la Cinquième République, je voudrais ici focaliser sur la question du mandat qui me semble absolument essentielle et très pratique.
Tout à la fois pour comprendre où nous en sommes, et comment nous en sortir.
Aux origines
Lorsque la démocratie est invoquée dans le monde Occidental, nous sommes vite renvoyés à l'origine : Athènes, et à la civilisation Grecque (déjà d'ailleurs dans une relation de "proie" à des "barbares").
Avant que Platon ne s'exclue du débat avec tous pour fonder son école sur le Mont Academia, école destinée à débattre entre aspirants philosophes-rois, tradition ayant par suite produit l'Université et le système de caste d'experts en tout genre, système ayant renforcé les élites et un système de classe, donc, il vivait autre chose à Athènes.
Certes le statut de citoyen était très contestable puisque la société, ça n'était pas tout le monde : les femmes, les esclaves et les métèques en étaient exclus. Mais dans ce moment où la démocratie s'invente, tout citoyen pouvait prendre la parole sur l'Agora, et c'est sur l'Agora, avec le vote de tous, que les dirigeants étaient choisis.
Ainsi, discutant de la relation entre l'un des, sinon le plus grand homme d’État de cette période - Périclès - et de la relation semble-t-il paradoxale entre cet homme immensément privilégié, et le peuple, l'historien Vincent Azoulay propose qu'il a été "plutôt une sorte d'aiguillon, aidant le peuple à prendre ses décisions, mais ses décisions dont il restait, en dernier ressort, l'ultime responsable".
Des dizaines de siècles plus tard, en France
Article 27 de la Constitution de la Cinquième République : "Tout mandat impératif est nul".
Questions:
- Qu'est-ce qu'un mandat impératif ?
- Quel type de mandat est en vigueur dans la Cinquième République ?
- Et pourquoi rendre constitutionnellement tout mandat impératif nul ?
Le mandat impératif s'oppose au mandat représentatif, par lequel un élu, constitutionnellement, devient légalement l'émanation du peuple, à partir du moment où il a été élu par les règles de la Constitution. De tout le peuple de sa circonscription. Même ceux qui n'ont pas voté pour lui. Même ceux qui n'ont pas voté.
Quoi qu'il ou elle fasse une fois élu, il nous représente dans le sens qu'il a pouvoir de parler et décider pour nous. Pour une durée de plusieurs années, jusqu'à la prochaine élection. Même si cela va à l'encontre du programme, des déclarations de campagne, des débats internes du parti d'où émane le dirigeant, etc. En d'autres termes, dans ce sens, la représentation institue le principe : "les promesses n'engagent que ceux qui les croient".
Le mandat représentatif vient avec une cascade de conséquences immédiates, visibles dans le texte de notre Constitution en vigueur. Il institue ainsi nécessairement un Parlement de représentants, issu d'élections constituant une sous-classe d'électeurs, et par la suite la notion, semble-t-il indépassable, de gauche/droite. C'est-à-dire de l'endroit où les représentants se retrouvent assis dans le bâtiment du Parlement.
Au contraire, par mandat impératif, le "pouvoir est délégué à une organisation ou un individu élu en vue de mener une action définie dans la durée et dans la tâche, selon des modalités précises auxquelles il ne peut déroger" (Wikipedia).
Ainsi, l'Article 2 de la Constitution de la Cinquième République déclare que le principe de la République "est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple." Mais dès la phrase suivante, insérée dans l'Article 3, il est écrit "La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice."
On peut donc se demander comment mettre dans le même mot - démocratie - ces deux mondes : celui d'Athènes et celui des "démocraties" contemporaines. On peut se demander pourquoi ne pas à minima qualifier le mot démocratie : représentative, sinon développer des notions plus précises : démocrature, présidentialisme, autoritarisme "démocratique", etc. ? Voilà où nous en sommes ...
Mais pour avancer concrètement sur un nouveau projet de constitution, peut-être que le débat pourrait s'articuler autour de cette question technique du mandat. Car en fait, il incarne à lui seul une confusion : celle de la "démocratie comme régime politique et la démocratie comme forme de vie, principe ou façon de vivre", d'après Sandra Laugier.
La limite
Comme le suggère Vincent Azoulay, même dans des formes très radicales de démocratie, le peuple restera toujours vulnérable à l'influence d'un "plus grand", capable de manipuler les autres avec ses privilèges, ne serait-ce que par ses talents d'orateur.
Soit celui ou celle-ci se place au service de Tous, du bien commun, ou de je ne sais quelle autre conception bien plus large de la politique, soit il peut accaparer le pouvoir pour son intérêt propre.
Le travail sur la question du mandat ne suffira donc pas. Il suffira encore moins, comme on a pu le lire dernièrement sur Mediapart, de rassembler des décideurs qui nous ressemblent.