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Tribune 10 mars 2025

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« Pour une politique qui nous rassemble, il faut des décideurs qui nous ressemblent »

Des personnalités politiques et des journalistes soutiennent ici une initiative de trois collaborateurs parlementaires de gauche qui dénoncent le mépris que la politique renvoie aux « minorités visibles ». Ils viennent de créer un collectif de lutte transpartisan (Hagrah) pour « dénoncer les mécanismes d’exclusion racistes et de discriminations qui freinent l’accès aux mandats et aux postes de pouvoir ».

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La Hagrah, c’est un mot arabe désormais utilisé en France, qui décrit une forme de mépris. Ce que la politique nous renvoie en tant que minorités visibles et en tant que personnes issus des classes populaires : c’est de la Hagrah.

La faible représentation politique des minorités visibles ainsi que des ouvriers et des employés en France constitue une situation irréfutable qui ne cesse de se dégrader. Pour agir de façon efficace, il faut intervenir à tous les niveaux : avant l’entrée en politique, sur le système et à l’intérieur des partis politiques.

Nous, petites mains de la politique, aboutissons après plusieurs années d'expériences collectivement à un constat sans appel : en France, les personnes issues des milieux les plus modestes et de la diversité sont trop souvent cantonnées à des rôles de figuration dans le paysage politique. Elles sont mises en avant pour parler de diversité, pour séduire un électorat, ou bien pour donner une image progressiste à un parti. Dès qu’il s’agit de prendre des décisions ou d’accéder aux postes de pouvoir, en revanche, elles sont reléguées à l’arrière-plan. Cette instrumentalisation n’est pas seulement hypocrite, elle est profondément discriminante socialement et raciste. C’est contre cette réalité que nous lançons Hagrah, un collectif de lutte transpartisan contre le racisme et toutes les formes de discrimination en politique, porté et initié par des militant·es issu·es des partis républicains et rassemblant tous ceux qui se retrouvent dans un combat profondément antiraciste, contre l’antisémitisme, contre l'islamophobie et contre le mépris de classe. Il y a encore aujourd’hui en France un accaparement et une répartition du pouvoir par une petite élite qui refuse de laisser la place aux profils différents. Cela suffit.

Une diversité de façade, ou le saupoudrage pour donner l’illusion d’une intégration

Aujourd’hui, la diversité en politique est un outil de communication bien plus qu’une réalité. En 2014, dans un rapport consacré au bilan de dix années de politique de diversité, l’Institut Montaigne soulignait qu’en matière de lutte contre les discriminations concernant l’origine, la France reste trop souvent « aveugle » – au détriment de sa cohésion sociale. On compte 51 député·es issu·es des minorités visibles à l’Assemblée Nationale et 28 seulement issu·es de l’immigration sur 577 députés. Au Sénat, seulement 6 sénateurs sur 348 représentent la diversité, soit moins de 2 %. Selon le sociologue Eric Keslassy, la part de conseillers régionaux issus de la diversité est inférieure à 6 %.

Ces chiffres, déjà faibles, masquent une réalité encore plus sombre : celle d’une représentation cosmétique, où les personnes issues de minorités extra-européennes et des milieux populaires sont souvent cantonnées à des rôles subalternes, loin des centres de décision. Elles sont là pour faire bonne figure, mais rarement pour peser sur les orientations politiques. Quand elles arrivent, enfin, aux postes de pouvoir elles servent de caution, et ne sont pas valorisées. 

Cette situation n’est pas seulement injuste, elle est aussi un frein à la démocratie. Comment prétendre représenter la société française dans toute sa diversité si les décideurs ne reflètent pas cette diversité ? Affichée partout, appliquée nulle part, la diversité en politique reste un slogan.  Ces chiffres sont d’autant plus frappants quand on sait que les personnes racisé·es représentent environ 15 à 20 % de la population française. Le constat est exactement le même pour les classes moyennes et populaires. Ainsi, 80% des députés sont cadres, alors que 80% des Français ne le sont pas.

Cette sous-représentation est un déni de démocratie.

Le racisme institutionnel, un vieux réflexe en politique

Le racisme en politique ne se limite pas aux discours ouvertement haineux, islamophobes, antisémites et méprisants socialement qui pullulent dans les médias et sur les réseaux sociaux. Il est porté par nos élites. Il est aussi, et surtout, institutionnel. Il se niche dans les mécanismes d’exclusion qui empêchent les personnes ne faisant pas partie de cette élite d’accéder aux mandats, aux postes stratégiques et aux fonctions décisionnelles. Il se manifeste dans les logiques paternalistes qui cantonnent les figures politiques issues de l’immigration et souvent de milieux modestes à des sujets spécifiques, comme le vivre-ensemble ou la banlieue, au lieu de les reconnaître pour leurs compétences sur l’ensemble des enjeux politiques. Ce racisme institutionnel traverse tous les espaces politiques, de droite comme de gauche. Il est temps de le nommer, de le dénoncer, et de le combattre. C’est la mission que nous nous sommes fixées avec Hagrah.

L’inclusion comme levier de mixité sociale

L’inclusion en politique n’est pas seulement une question de justice sociale, c’est aussi une nécessité démocratique. Une véritable mixité sociale dans les instances de décision permettrait de mieux refléter les réalités vécues par une large partie de la population. Aujourd’hui, les politiques publiques sont trop souvent déconnectées des réalités sociales, car celles et ceux qui les conçoivent ne vivent pas les mêmes réalités que celles et ceux qui les subissent.

Les quartiers populaires, majoritairement habités par des personnes modestes et souvent issues de l’immigration, sont régulièrement les grands oubliés des politiques publiques. Les questions de logement, d’éducation, de sécurité, ou encore de transport y sont traitées de manière superficielle et caricaturale, sans une réelle compréhension des enjeux spécifiques à ces territoires. Pourtant, 8 % de la population française vit dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), où les taux de pauvreté et de chômage sont bien supérieurs à la moyenne nationale. Comment prétendre répondre à ces défis sans inclure dans les débats celles et ceux qui vivent ces réalités au quotidien ?

La représentativité de ces mêmes quartiers sur les bancs de nos assemblées pose également question sur la volonté d'invisibiliser une partie de notre population.

L’inclusion de tous les Français en politique ne peut rester un slogan. Les profils similaires qui se partagent le pouvoir et les décisions politiques depuis des années doivent être révolutionnés. Une politique juste, efficace et représentative ne peut se faire sans les principaux concerné·es voire pire, contre elles·eux.

Nos missions : dénoncer, lutter, représenter

Hagrah a pour objectif de dénoncer les mécanismes d’exclusion racistes et de discriminations qui freinent l’accès aux mandats et aux postes de pouvoir. Nous lutterons contre la banalisation des discours racistes, islamophobes et antisémites en politique, qu’ils viennent des institutions, des partis ou des figures médiatiques. Nous réclamerons une représentation politique authentique des personnes issues des banlieues, des milieux ruraux et périurbains, des personnes issues de l’immigration extra-européenne qui ne soit ni cosmétique ni instrumentalisée. Enfin, nous déconstruirons les logiques paternalistes qui limitent les figures politiques issus de milieux populaires, socialement différents et immigrés à des rôles de second plan.

Nos actions : interpeller, documenter, accompagner

Pour mener à bien ces missions, nous mettrons en place un réseau de porte-paroles réactif pour dénoncer publiquement les abus racistes, socialement méprisants et les exclusions systématiques. Nous collecterons et diffuserons des témoignages de militant·es, salarié·es et élu·es confronté·es à des discriminations. Nous organiserons des ateliers d’autodéfense politique pour apprendre à riposter face aux stratégies de minoration et aux attaques discriminantes. Enfin, nous créerons un réseau d’élu·es anti-racistes et anti-classistes dans chaque instance, des communes à l’assemblée nationale.

Pour une politique qui nous rassemble

Pour une politique qui nous rassemble, il faut des décideurs qui nous ressemblent. C’est ce combat que nous menons avec Hagrah. Un combat pour une démocratie véritablement inclusive, où chacun·e, quelle que soit son origine ethnique ou sociale, puisse accéder aux responsabilités et peser sur les décisions qui concernent l’avenir de notre société.

Ce combat, nous ne le menons pas seuls. Nous appelons tou·tes les militant·es, les élu·es, les citoyen·nes à nous rejoindre. À interpeller les partis politiques, à exiger des engagements concrets, à signer notre charte de l’égalité. À refuser, ensemble, que la diversité en politique reste un slogan vide de sens.

À l’initiative de Sebastien Scarpinato (Les Écologistes), Amine Snoussi (La France Insoumise) et Noha Tefrit (Parti Socialiste). 

Signataires :

AMARA Adel - Conseiller municipal - Villiers-sur-Marne

BA Seydi - Avocat

BARBARA PERNOT Ali Morgann - Sociologue, doctorante en sociologie et anthropologie · Institut Convergences Migrations de l'EHESS

BEX Christophe - Député - La France Insoumise

BOUMERTIT Idir - Député - La France Insoumise

BOUZID Elodie - Conseillère régionale - Ile-de-France - Les Écologistes

BRUN Philippe - Député - Parti Socialiste

DAO Linh-Lan - Journaliste

DEBOS Marielle - professeure de science politique, Université Paris Nanterre.

DJAOUTI Ilies - Activiste

DJELAILI Lila - Adjointe au maire du 20e arrondissement de Paris - Les Écologistes

DORDAIN Rachida - Adjointe en charge du sport Val de Reuil

ESKENAZI Romain - Député - Parti Socialiste

FREIH BENGABOU Kheira - Adjointe au maire d'Ivry-sur-Seine - Les Écologistes

FRENTZEL Lydia - Conseillère municipale déléguée à la ville de Marseille - Les Écologistes

GABET Ilan - Militant politique

GARNIER Julie - Élue régional - La France Insoumise

GUESMI Ouissem - Conseiller municipal - Ivry-sur-Seine - Les Écologistes

HAMMOU Hassen - Président du collectif "Trop jeune pour mourir"

HEDDADI Ahmed - Adjoint au maire de Marseille - Parti Radical de Gauche

KISSI Rania - Conseillère municipale - Cergy

KOUAMOUO Théophile - Journaliste

LAFFARE Thomas - Conseiller municipal d'arrondissement de Marseille - Les Écologistes

LAHMAR Abdelkader - Député - La France Insoumise

LAURENT Théodore - Journaliste

LOPEZ Marion - Journaliste

MARCHANI Abdelkrim - Conseiller municipal de Rouen - Mouvement Éveil Citoyen

MASTOURI Karim - Conseiller municipal - Ivry-sur-Seine

MELLOULI Akli - Sénateur - Les Écologistes

MENCHON Hervé - Adjoint au maire de Marseille - Les Écologistes

MERABET Djoudé - Maire d'Elbeuf - Parti Socialiste

NAFTI Hatem - Auteur

PONCE - Streameur et créateur de contenus

RAFFALI Stephane - Maire de Ris Orangis - Parti Socialiste

SAIDJ Samia - Conseillère municipale - Nanterre - Parti Socialiste

ŞANLI Cemil - Journaliste

SAULIGNAC Hervé - Député - Parti Socialiste

SEBAIHI Sabrina - Députée - Les Écologistes

SINTOMER Yves - Politiste, professeur de sciences politiques, Université de Paris VIII

SLIMANE Rhany - Militant politique

STEFEL Naïga - Conseillère départementale - Val-de-Marne - Les Écologistes

TISSOT Sylvie - Sociologue, professeure des universités, Université de Paris VIII

CHAARANA Majdi - Juriste et syndicaliste

ALLADINE Salim  - Responsable RH de la France Insoumise

SOUID Karima - Militante des droits humains

KELOUA HACHI Fatiha - Députée - Parti Socialiste

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Pour nous contacter : hagrah.stop@gmail.com