Elle s'appelle Louise. Louise Wimmer. Elle mesure environ un mètre soixante dix et approche la cinquantaine. La journée elle fait des ménages dans un hôtel, avant de passer chercher son courrier dans un petit bar et de rentrer dans sa voiture. Elle passera voir l'huissier, l'assistante sociale en voiture avant de se garer sur un parking pour y dormir la nuit. Elle s'appelle Louise Wimmer et ce n'est ni la crise économique, ni la dépression, ni rien de tout cela que filme Cyril Mennegun, caméra au poing, sans s'attendrir.

Dans le regard de Louise Wimmer, toujours droit, digne, lancé comme un défi au désespoir, Cyril Mennegun filme « juste » le quotidien de la survie après la chute, heure après heure, jour après jour, le temps qu'il faudra. Louise Wimmer a la beauté des films âpres et rugueux de résistance, de ceux qui ne sont ni sombres ni lyriques et parviennent ainsi à chanter un véritable hymne à la vie.
C'est une caméra coléreuse et pudique armée de sang froid qui suit pas à pas la vie de Louise, une vie réduite à des détails, à ces rituels, à ces trois fois riens qui empêchent de sombrer dans la désespérance. Son drame serait d'une effroyable banalité, si la générosité et virtuosité de Cyril Mennegun n'avait su en capter tous les éléments qui conduisent à la tragédie dont elle s'extirpe, elle aussi en conduisant, comme si se dessinait une parallèle entre la caméra et sa voiture, le seul bien qu'il lui reste.

Quoi de plus anodin qu'un divorce? L'élément dramatique de la chute de Louise ne nous est pas donné à connaître en tant que tel, seulement suggéré au détour d'une scène, pas plus que la chute avec ses cris et ses larmes ne nous sera donnée à voir. Ce qui mobilise l'oeil de Cyril Mennegun, cette minutie attentive qu'il applique dans sa mise en scène, est de l'ordre de l' essentiel : l'authenticité de Louise Wimmer ou ce qui demeure d'une femme qui a tout perdu et se perd à son tour, doublement exilée d'elle même et de la vie.

Louise Wimmer relève donc de l'essentiel aussi : un indispensable et magistral film, sans surplus, sans épaisseur artificielle à l'aune de ce qu'est l'abrasion d'une vie, d'un visage et d'un corps ravinés par la solitude la plus radicale et une pulsion de vie à la mesure des forces qui demeurent : celle d'une renaissance qui éclot sans grand fracas mais avec l'éclat de la plus belle des promesses, les retrouvailles avec la vie. Louise Wimmer, un nom qu'on n'est pas prêt d'oublier...
Laura Tuffery
Entretien avec Cyril Mennegun à lire sur Mediapart ici
Article mis en ligne le 3/01/2012 sur www.culturopoing.com
Sortie salles le 4 janvier 2012