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Billet de blog 23 janvier 2025

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L’aide active à mourir : une fausse solution progressiste

L’aide active à mourir, présentée comme un progrès, masque des pressions sociales et des dérives graves. En réalité, elle renforce le validisme, pousse des personnes handicapées à choisir la mort faute de soutien et détourne le débat des vraies solutions : soins palliatifs, inclusion et lutte contre les discriminations. Ce n’est pas un droit, mais une fausse réponse d'une société validiste.

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L’aide active à mourir est souvent présentée comme un progrès, un acte de compassion ou un nouveau droit pour celles et ceux qui souffrent. Pourtant, derrière cette apparente bienveillance se cache une réalité glaçante pour les personnes handicapées : la société valide le suicide comme une issue légitime à leurs difficultés. Dans un contexte de validisme systémique et d’inégalités sociales criantes, ce « choix » n’est ni libre, ni égalitaire.

Les leçons internationales : des exemples préoccupants

Le Royaume-Uni : entre progressisme affiché et validisme latent

Au Royaume-Uni, le Terminally Ill Adults (End of Life) Bill, voté par le Parlement britannique, est présenté comme une avancée « progressiste ». Pourtant, cette loi permettant aux personnes atteintes de maladies terminales d’accéder à l’aide médicale à mourir suscite de vives inquiétudes parmi les militant·es handicapés.

Des organisations comme Not Dead Yet UK dénoncent le risque que cette législation renforce le validisme systémique et expose les personnes handicapées à des dérives graves. Dans un monde où elles sont perçues comme des fardeaux économiques et sociaux, la notion de « choix libre » est largement compromise par les pressions sociales et économiques. Ce débat n’est pas une question de “droit individuel”, mais un révélateur du validisme systémique et des inégalités structurelles qui fragilisent les personnes handicapées. 

Des scandales, tels que l’imposition de directives « ne pas réanimer » à des personnes handicapées sans leur consentement pendant la pandémie de COVID-19, montrent comment les institutions peuvent dévaloriser des vies jugées « moins dignes ». Liz Carr, militante antivalidiste et actrice, met en lumière ces enjeux dans son documentaire “Better Off Dead”, où elle avertit des risques d’un glissement vers une extension des critères d’euthanasie, comme au Canada, ou encore dans une interview pour la BBC en 2024.

Les militant·es rappellent que les personnes handicapées ont besoin d’investissements massifs dans les services publics, la santé et une société inclusive, et non d’une « porte de sortie » imposée par une société qui refuse de garantir des conditions de vie dignes. Ils dénoncent une fausse dichotomie entre souffrance et mort, faute de vouloir traiter les causes de cette première.

Le Canada : l’euthanasie comme réponse à la précarité

Depuis l’instauration du Medical Assistance in Dying (MAiD) en 2016, initialement limité aux maladies terminales, la loi canadienne a été élargie en 2021 aux handicaps non terminaux. Cependant, ce « choix » reflète bien souvent les défaillances d’un système incapable de répondre aux besoins fondamentaux des personnes handicapées, incapable de respecter leurs droits, un « choisir la mort » bien obligé face aux conditions de vie précaires et aux inégalités systémiques, à l’absence de logement et à la maltraitance dans le système de santé.

Voici des exemples qui illustrent ces dérives :

1. Un homme perdant son logement : Un homme souffrant de douleurs chroniques a demandé le MAiD non pas parce qu’il voulait mourir, mais parce qu’il se retrouvait sans logement après la vente de son appartement. Son faible revenu, l’équivalent de l’AAH, l’empêchait de se reloger, et la demande de MAiD a été validée par les médecins, bien qu’il ait clairement exprimé qu’il ne souhaitait pas mourir. 

2. Maltraitance hospitalière : Un autre cas est celui d’un homme ayant été hospitalisé et maltraité au point de développer des escarres graves après des heures d’attente aux urgences. Il a demandé le MAiD, considérant que la maltraitance subie était un indicateur de l’échec du système de santé à répondre à ses besoins. 

3. Pression directe des médecins : Dans une autre situation, un patient a enregistré des discussions avec des membres du personnel hospitalier lui suggérant de recourir au MAiD, évoquant que ce serait la « meilleure option », malgré ses propres réticences à la mort.

4. Des choix forcés par des défaillances systémiques: Christine Gauthier, une ancienne paralympienne, raconte comment un agent des Affaires des anciens combattants lui a suggéré de recourir au MAiD comme alternative à son incapacité à obtenir une rampe d’accès pour son domicile, qu’elle attend depuis cinq ans. 

5. Accessibilité très facile de l’aide à mourir et inaccessibilité des soins palliatifs : Une autre Canadienne a témoigné de son expérience où, face à l’impossibilité d’accéder à des soins palliatifs ou à un suivi adéquat, elle a vu sa demande pour le MAiD validée en quelques semaines, sans aucune autre forme de soutien pour soulager sa souffrance, alors qu’elle ne souhaite pas mourir, mais souhaitait accéder aux soins palliatifs pour diminuer ses douleurs. 

6. Incohérences du système de santé: Une Canadienne a été rappelée en seulement 24 heures pour une demande de MAiD, tandis que d’autres patients attendent des mois pour une consultation médicale. Cela révèle l’absurdité d’un système où la mort devient plus accessible que les soins nécessaires.

Ces exemples révèlent les conséquences dramatiques du choix canadien : dans un système où la mort est une alternative plus accessible que toute autre forme d’assistance, elle vient aussi “soulager” les besoins de réformes essentielles en matière de santé et de soutien social. Le système canadien a rendu la mort « plus abordable » que des investissements dans les soins de santé, le soutien financier ou le logement accessible.

Ce n’est donc pas de la « compassion », ni un véritable « choix » de vivre ou de mourir, mais le reflet d’un système capitaliste où la vie humaine semble avoir moins de valeur que des considérations économiques.

L’alerte des Nations Unies

En janvier 2021, des experts des Nations Unies ont publié une déclaration alarmante sur l’aide active à mourir à travers le monde et notamment sur la situation au Canada : « Le handicap ne doit jamais être une justification pour autoriser une aide médicale à mourir. » Ils ont mis en garde contre le danger de lois qui présentent l’euthanasie comme une solution aux souffrances des personnes handicapées, notamment dans des sociétés où les services de soutien, les soins médicaux, les infrastructures accessibles et l’inclusion sociale sont insuffisants. Selon eux, ces législations « banalisent l’idée que les personnes vivant avec un handicap ont des vies intrinsèquement moins dignes ». 

Les experts ont insisté sur le fait que les États doivent investir dans des politiques de soutien et des infrastructures inclusives pour garantir que les personnes handicapées aient une qualité de vie équivalente à celle de la population générale, et non leur offrir la mort comme seule échappatoire à leur marginalisation.

En France : un débat biaisé et l’invisibilisation des concerné·es dans une société validiste

En France, l’aide active à mourir doit revenir prochainement à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale après avoir été suspendue par la dissolution parlementaire de juin dernier.

Et ici, le débat public est encore plus biaisé qu’au Royaume-Uni. Le discours médiatique et politique tend à réduire toute opposition à cette loi à une posture conservatrice ou réactionnaire. Être contre celle-ci serait ainsi assimilé à rejeter une avancée sociale et un nouveau droit.

Les discussions se polarisent entre une vision religieuse, incarnée notamment par l’Église catholique et le Pape François, et une vision soi-disant progressiste qui défend l’aide à mourir. Cette dichotomie simpliste éclipse totalement les personnes handicapées et les militant·es antivalidistes, pourtant directement concerné·es. Malgré les efforts constants de ces dernier·ères pour sensibiliser les responsables politiques, la parole des concerné·es reste largement absente des débats. Leurs arguments, de même que ceux de nombreux médecins et organisations de soignants notamment spécialisés en soins palliatifs ou oncologie, sont ignorés ou invisibilisés.

Ces oppositions, pourtant, reposent sur des principes éthiques et des considérations liées aux droits humains, à la lutte contre les discriminations et aux leçons tirées d’exemples internationaux comme celui du Canada. Elles s’appuient aussi sur les témoignages des soignants français, qui rapportent que les souhaits de mourir exprimés par les patient·es s’atténuent souvent dès que leur douleur et leur souffrance psychologique sont prises en charge de manière adéquate.

La disparition des désirs de mort lorsque la souffrance est prise en charge

De nombreuses études montrent que les patient·es atteint·es de maladies graves, telles que le cancer en phase terminale, changent fréquemment d’avis sur leur souhait de mourir lorsque leur douleur physique et leurs souffrances psychologiques sont mieux prises en charge. Les principaux facteurs influençant ce désir sont bien documentés :

  • Douleurs physiques mal soulagées : La peur de souffrir de douleurs intenses pousse souvent les patient·es à envisager la mort comme une échappatoire. Une prise en charge efficace des douleurs, grâce aux soins palliatifs et aux traitements spécifiques (analgésiques, sédation palliative), diminue significativement ce souhait.
  • Détresse psychologique : Des sentiments de dépression, d’anxiété ou d’être un fardeau pour leurs proches figurent parmi les raisons les plus fréquentes du désir de mourir. Ce sentiment d’être un « fardeau » est largement amplifié par une société validiste qui dévalorise les vies des personnes handicapées.
  • Perception de la qualité de vie : Un soutien émotionnel et social solide diminue nettement l’envie de mourir. Là encore, le validisme structurel est en cause, réduisant l’accès des concerné·es aux réseaux de soutien et aux ressources nécessaires.

De nombreuses études ont indiqué que lorsque les symptômes (physiques ou mentaux) sont mieux contrôlés, une grande majorité des patient·es renoncent à leur demande initiale de mourir. Par exemple, une revue systématique analyse le « désir d’accélérer la mort » chez des patient·es atteint·es de maladies avancées. Cette revue explore les motivations derrière ce souhait et souligne l’importance de comprendre ces perspectives pour adapter les réponses cliniques. 

La gestion efficace de la douleur peut donc significativement réduire les pensées de mort chez les patient·es souffrant de douleurs chroniques et de maladies terminales. Il est ainsi mis en évidence l’importance d’une approche intégrée combinant la gestion de la douleur physique et le soutien émotionnel. Des travaux ont aussi mis en lumière que les douleurs mal gérées peuvent intensifier le désespoir, mais que des interventions multidimensionnelles réduisent souvent ces effets négatifs.

La gestion multidimensionnelle des soins palliatifs, incluant traitements physiques, soutien psychologique et prise en charge sociale adéquate, se révèle cruciale pour répondre aux besoins des patient·es et apaiser leurs souffrances. Elle démontre que des interventions adaptées et globales suffisent souvent à faire disparaître ces pensées de mort.

La loi Claeys-Leonetti : un cadre existant sous-utilisé

Adoptée en 2016, la loi Claeys-Leonetti encadre déjà la fin de vie en France. Elle autorise notamment la sédation profonde et continue jusqu’au décès pour les patient·es en souffrance dont le pronostic vital est engagé à court terme. Ces dispositions assurent que les patient·es ne souffrent pas “inutilement”, tout en évitant de précipiter délibérément la mort. Cette législation garantit aussi l’accès à des soins palliatifs de qualité et introduit des outils comme les directives anticipées ou la désignation d’une personne de confiance pour faire respecter les volontés des patient·es.

Malheureusement, cette loi demeure méconnue et insuffisamment appliquée en raison d’un manque criant de moyens pour les soins palliatifs, ainsi que d’une méconnaissance du public et des professionnels de santé.

Deux tiers des patient·es nécessitant des soins palliatifs en France n’y ont pas accès, en grande partie à cause de disparités territoriales importantes : 21 départements ne disposaient d’aucune unité spécialisée en 2021. La culture palliative reste peu développée, et les formations en soins palliatifs pour les soignant·es sont insuffisantes. De plus, la sédation profonde et continue jusqu’au décès est rarement pratiquée à domicile, faute de moyens logistiques et d’une formation suffisante des soignants.

Ainsi, avant un éventuel élargissement du cadre légal vers une aide active à mourir, il est impératif de renforcer l’application de la loi Claeys-Leonetti, qui incarne un équilibre entre respect de la vie et soulagement des souffrances, tout en préservant le rôle de la médecine comme soutien à la vie jusqu’à son terme naturel. C’est également la position de la Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs (SFAP).

La mise en garde de la SFAP et l’appel à un débat national

La Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs (SFAP) souligne que développer l’aide active à mourir, comme envisagé dans la future loi, détourne l’attention des véritables priorités : rendre les soins palliatifs universellement accessibles et former les équipes médicales à appliquer les mesures existantes. La SFAP insiste sur le fait que, si les soins palliatifs étaient correctement déployés, la majorité des patient·es en souffrance ne formuleraient pas de demande d’euthanasie, cette dernière étant souvent un appel à l’aide face à une douleur non soulagée ou à un sentiment d’abandon, comme cela a été démontré ci-dessus. La SFAP souligne que renforcer les infrastructures de soins palliatifs, former davantage de professionnel·les et sensibiliser la population sont des étapes nécessaires pour garantir une “fin de vie digne” à tous les patient·es. 

En mai 2024, la SFAP a publié un communiqué de presse alertant sur les dangers de la proposition de loi en cours de discussion, qu’elle décrit comme risquant de faire de la France « le pays le plus permissif au monde en matière d’aide active à mourir dès son entrée en vigueur ». Contrairement à d’autres pays, où les législations initiales étaient strictement limitées aux maladies terminales, la proposition française inclurait des critères bien plus larges, augmentant les risques de dérives.

La SFAP souligne également que la France n’a pas développé des soins palliatifs accessibles à toustes, ce qui rend encore plus problématique une loi qui permettrait de demander l’euthanasie.

Elle plaide pour un véritable débat national axé sur les moyens de garantir des conditions de vie dignes aux personnes en fin de vie ou handicapées, plutôt que de proposer la mort comme solution à leur marginalisation.

Refusons la mort comme “solution” pour les personnes handicapées : œuvrons pour une vie digne

L’aide à mourir dans une société validiste : un outil d’eugénisme économique dissimulé sous le masque de la compassion

Le débat sur l’aide active à mourir en France ne peut être abordé isolément d’un système profondément validiste et capitaliste. Présenter cette aide comme une avancée sociale masque une réalité bien plus sombre : dans une société où les personnes handicapées subissent précarité, discriminations et inégalités d’accès aux soins, le « choix » de la mort n’est qu’une illusion. Ce n’est pas un droit à mourir, mais une pression insoutenable exercée sur celles et ceux à qui la société refuse les droits nécessaires pour vivre “dignement”.

Le projet de légaliser l’aide active à mourir s’inscrit dans un contexte où les personnes handicapées sont systématiquement exclues des discussions politiques sur leur propre existence et expose ainsi les failles d’une société où la vie des personnes handicapées est réduite à un fardeau économique. Comme l’explique le Collectif Lutte et Handicaps pour l’Égalité et l’Émancipation (CLHEE), cette légalisation revient à institutionnaliser l’idée que certaines vies sont moins dignes ou moins valables que d’autres. Il ne s’agit pas d’un progrès, mais d’une fuite en avant, qui détourne l’attention des véritables enjeux : le financement des soins, un soutien social adapté, et la construction d’une société inclusive.

Les dérives observées au Canada avec le MAiD (Medical Assistance in Dying) illustrent les dangers d’une telle législation. Là-bas, l’aide à mourir a été élargie aux personnes ayant des maladies non terminales, point de départ de la proposition de loi a l’étude en France actuellement, exposant cruellement l’échec systémique d’une société qui préfère offrir la mort plutôt que garantir des conditions de vie dignes. Le CLHEE met en garde contre un modèle qui n’est pas une “solution” éthique, mais un échec systémique qui se cache derrière la façade de la compassion et met en place une “hiérarchie des vies”. L’aide active à mourir, dans ce contexte, devient un mécanisme de normalisation de la mort, là où la société aurait dû fournir des solutions à la vie.

Le vrai débat : “vivre dans la dignité”

Le véritable enjeu ne devrait pas être celui d’une « mort dans la dignité », mais d’une “vie dans la dignité”. Avant toute discussion sur l’aide active à mourir, il est impératif de garantir des conditions de vie respectueuses pour les personnes handicapées : un accès universel aux soins palliatifs, des revenus suffisants, des logements accessibles, et une lutte systémique contre le validisme.

Les dérives observées au Canada et les mises en garde des experts de l’ONU et de la SFAP doivent servir d’avertissement. Si nous voulons construire une société inclusive et égalitaire, nous devons refuser de réduire les vies des personnes handicapées à un fardeau économique ou social. Ce combat n’est pas une question de « compassion », mais de justice sociale.

1. Assurer une application réelle de la loi Claeys-Leonetti

La loi Claeys-Leonetti, pourtant déjà en vigueur, permet une sédation profonde et continue jusqu’au décès pour les patient·es en souffrance extrême en fin de vie. Cependant, elle reste largement inappliquée, faute de moyens et de formation pour les soignant·es. Un accès universel aux soins palliatifs soulagerait la douleur et accompagnerait les patient·es en soulageant leurs souffrances.

2. Lutter contre la douleur au sens large

La prise en charge de la douleur est également insuffisante. En France, 12 millions de personnes souffrent de douleurs chroniques, et 70 % d’entre elles ne reçoivent pas de traitement adapté. Les Centres d’Évaluation et de Traitement de la Douleur (CETD), essentiels pour ces patient·es, manquent cruellement de moyens, et 30 % pourraient fermer dans les années à venir. Certaines régions manquent même totalement de médecins spécialisés en algologie.

Investir massivement dans ces structures, former les médecins de toutes spécialités sur la prise en charge de la douleur, et financer la recherche sur les traitements sont des priorités absolues pour permettre une vie dans de meilleures conditions pour les patients souffrant de douleurs chroniques ou aiguës.

3. Combattre le validisme et construire une société inclusive

Le validisme, oppression structurelle omniprésente, réduit les vies des personnes handicapées à des « fardeaux ». Il s’inscrit dans des politiques publiques inadaptées et une culture discriminatoire. Il est ancré dans des politiques publiques mal conçues et dans une culture où les vies des personnes handicapées sont souvent jugées « moins dignes » ou « moins désirables ». Il est urgent de transformer radicalement notre société pour que les personnes handicapées soient considérées comme des citoyen·nes à part entière, avec des droits en conformité avec le droit international et des conditions de vie dignes et aient toutes accès à la vie autonome.

Cette lutte inclut :

  • Une désinstitutionnalisation effective, avec des logements accessibles et des aides humaines adaptées.
  • Une refonte des infrastructures sociales, pour garantir un accès universel à l’éducation, à l’emploi, et aux soins.
  • La fin de l’invisibilisation politique et médiatique, en plaçant les personnes concernées au centre des débats qui les touchent et en permettant une représentation médiatique valorisante, loin des clichés misérabilistes ou héroïques.

4. Investir dans les services publics et donner les moyens de dépasser la survie

Il ne s’agit pas simplement de permettre de « survivre », mais d’assurer une vie épanouissante. Cela suppose d’investir dans des services et dispositifs permettant une véritable autonomie et un épanouissement personnel. Entre autres : 

  • Des logements accessibles : 

L’accès à des logements abordables et adaptés est un préalable fondamental. Il ne s’agit pas uniquement de garantir une accessibilité physique mais aussi de créer des espaces favorisant l’autonomie et la vie sociale. Pourtant, la loi ELAN adoptée en 2018 a marqué un recul significatif pour les droits des personnes handicapées. En réduisant le quota de logements neufs accessibles de 100 % à seulement 20 %, cette loi envoie un message d’exclusion à une partie de la population. Pour répondre à ces enjeux, il est impératif de revenir sur cette limitation et de promouvoir des politiques ambitieuses en matière de construction et de rénovation, intégrant pleinement les besoins des personnes handicapées.

  • Des aides financières à la hauteur des besoins réels :

La dimension financière est cruciale. Aujourd’hui, les allocations pour adultes handicapés (AAH) ou les pensions d’invalidité restent insuffisantes pour garantir une autonomie réelle. Par exemple, un rapport de la Cour des comptes de 2019 souligne que le montant de l’AAH, bien qu’amélioré ces dernières années, reste trop souvent en deçà du seuil de pauvreté pour ses bénéficiaires. En parallèle, une étude récente de la DREES (2024) montre que les pensions d’invalidité ne permettent pas non plus de couvrir les besoins essentiels, aggravant les situations de précarité et d’isolement .

Il est nécessaire de revoir en profondeur ces dispositifs financiers. Cela signifie augmenter les montants alloués, mais aussi simplifier les démarches administratives, souvent complexes et décourageantes. Il ne s’agit pas uniquement d’éviter des situations de survie précaire, mais bien de donner les moyens à chacun d’exister pleinement.

  • Garantir un accès équitable aux soins pour toutes et tous

L’accès aux soins pour les personnes handicapées reste un défi majeur, souvent négligé. Le validisme persistant dans le système de santé constitue un frein important. Les préjugés des professionnels, combinés à des infrastructures inadaptées, engendrent des situations où les personnes handicapées doivent lutter pour recevoir des soins basiques, voire pour être simplement écoutées et respectées.

Cela se traduit par des délais de prise en charge prolongés, un manque de spécialisation dans l’accompagnement des handicaps ou encore des consultations médicales qui ignorent la complexité des conditions de vie des patients. À cela s’ajoutent les discriminations implicites : des décisions médicales qui tendent à minimiser les besoins ou la qualité de vie des personnes handicapées, renforçant un sentiment d’abandon et d’injustice.

Pour surmonter ces obstacles, il est impératif de sensibiliser et de former les professionnels de santé au validisme et à ses impacts. Il faut également repenser l’organisation des soins pour qu’ils soient véritablement accessibles : des infrastructures adaptées, des parcours de santé simplifiés et une prise en charge qui considère chaque individu dans toute sa dignité et sa singularité. Garantir un accès équitable aux soins, c’est permettre à chacun de vivre et de mourir dans des conditions respectueuses et humaines.

En investissant dans des politiques publiques ambitieuses, il est possible de transformer la perception des choix de fin de vie. L’objectif est d’assurer que chaque individu ait la capacité de vivre dignement. 

Pour une société inclusive, la dignité commence par la vie et le respect des droits humains

L’extension de l’aide active à mourir en France, sans aucune tentative de garantir d’abord une vie digne pour les personnes handicapées, n’est ni un progrès ni une avancée sociale. C’est l’abandon des responsabilités politiques et sociales, un aveu d’échec collectif face aux discriminations systémiques et à l’injustice sociale.

Le véritable combat est de refuser que la mort soit présentée comme une issue « acceptable » pour celles et ceux que la société marginalise et prive des ressources essentielles. La solidarité authentique consiste à bâtir une société qui valorise et soutient chaque vie, où personne n’a à choisir la mort par désespoir face à la précarité ou à la négligence de l’État.

Refusons une législation qui valide la mort comme réponse à la précarité ou à la douleur. Combattons le validisme et investissons dans une transformation sociale qui permette à tou·te·s de vivre dans l’autonomie et la dignité. Respectons les droits des personnes handicapées, en commençant par respecter le droit international les concernant, véritable priorité sur les politiques du handicap.

Offrir une « vie digne » passe par des actions concrètes : lutter contre le validisme, garantir l’égalité des droits, et construire des politiques publiques inclusives. La dignité ne commence pas avec la mort ; elle réside dans une société sans discrimination, sans échelle de valeur sur les vies humaines, et où chacun·e est soutenu·e par un système qui place la justice sociale au cœur de ses priorités. 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.