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Billet de blog 10 déc. 2021

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Parc éolien d’Oléron - Une tentative de diversion du gouvernement

L’annonce de l’élargissement du périmètre d’étude du parc éolien envisagé en mer d’Oléron ferait-elle entrevoir un changement de cap ? Rien n’est moins sûr : ce parc, toujours localisé en aire marine protégée, est entaché du même vice de conception que la première mouture.

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Illustration 1

Depuis la saisine de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) en février 2021, la localisation du projet éolien au large de l’île d’Oléron, en plein parc naturel marin (des pertuis charentais et de l’estuaire de la Gironde, créé en 2015) et au cœur de deux zones Natura 2000 majeures (au titre des directives européennes « oiseaux » et « habitats »), ne cesse d’interpeller et d’alimenter les critiques des associations de protection de l’environnement.

Les avis très défavorables à l’éolien offshore dans cette zone protégée émanant de l’ex-Agence des aires marines protégées (trois notes en 2015)[1] et du Conseil national de la protection de la nature (en juillet 2021) ont fortement contribué à faire douter de la compatibilité d’un tel projet éolien marin (de 500 MW à 2 GW selon les scénarii) avec la vocation même du site d’implantation envisagé.

Ce « plan B » gouvernemental est entaché du même vice de conception que la première mouture

Un élément nouveau a récemment été porté à la connaissance du public avec l’annonce, par l’Etat, de l’agrandissement de la zone de localisation soumise au débat. Cet élargissement est significatif, puisque selon les informations relayées par la commission du débat public, le périmètre d’étude passe de 300 à environ 750 km².

Une telle annonce pourrait donc donner le sentiment d’un « changement de cap important ». Cela étant, elle ne résiste pas à la superposition cartographique de cette zone élargie avec le périmètre des protections environnementales en vigueur : l’aire d’étude de ce projet éolien de grande ampleur reste invariablement localisée en aire marine protégée.

À ce titre, ce « plan B » gouvernemental est entaché du même vice de conception que la première mouture, tout en s’éloignant des côtes.

Le redimensionnement du zonage proposé ne saurait donc faire illusion. L’Etat doit comprendre qu’on ne construira pas de politique de transition énergétique acceptable en déployant massivement des parcs éoliens dans les aires marines protégées françaises.

C’est bien sur ce point que le dossier oléronais est éminemment problématique, les maîtres d’ouvrage ayant toujours cherché, sans succès, à banaliser l’implantation de centrales éoliennes en zone Natura 2000[2].   

Pourrait-il exister un « plan C » ?

Cette éventualité ne semble pas tout à fait exclue si l’on en croit les informations du site du débat public : « Cependant, il est possible de sortir de ce cadre pour étendre nos recherches tout le long de la Charente-Maritime. Elle peut techniquement accueillir des parcs éoliens posés comme flottants et peut permettre de proposer à l’État des zones favorables de moindre impact (hors parc naturel marin, hors zone de pêche…) selon les critères retenus par les publics »[3].

Toutefois, sur quelles bases techniques et scientifiques le public pourrait-il « placer » les éoliennes, alors que le manque de données en la matière a été souvent souligné ? Le procédé du « serious game » utilisé en procédure de participation ne saurait bien évidemment combler ces lacunes…

Abandon ou passage en force ?

Quoi qu’il en soit, la possibilité d’une localisation en dehors du périmètre de l’aire marine protégée (parc naturel marin et zones Natura 2000) ne paraît pas totalement inenvisageable dans le discours institutionnel du débat public, notamment en mode « éolien flottant ». Mais si l’Etat croyait sincèrement à cette hypothèse, pourquoi ne l’a-t-il pas proposée lui-même en mettant l’accent sur cette perspective, afin de faire bouger les lignes par des propositions sérieuses et concrètes, en alternative à l’intenable posture initiale ?

Il aurait peut-être ainsi changé la donne en montrant aux acteurs de la façade Sud-Atlantique, à l’échelle de laquelle il faut se situer, qu’il avait bien compris le sens des critiques formulées. Cette occasion manquée ne contribuera pas, au final, à redonner du crédit au « mistigri » qu’est devenu le projet éolien dit d’Oléron, dont on peine aujourd’hui à entrevoir une issue autre que l’abandon ou le passage en force. 

[1] Voir : https://www.lemondedelenergie.com/eolien-oleron-aires-marines-protegees/2021/09/08/

[2] Sur l’implantation de parcs éoliens dans les aires marines protégées : https://www.lagazettedescommunes.com/770015/eolien-en-aire-marine-protegee-aucun-projet-nest-a-labri-dune-annulation-contentieuse/

[3] Voir le site du débat public : https://www.debatpublic.fr/eolien-nouvelle-aquitaine/le-projet-en-bref-2137

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