Parce qu'en écrivant ce qui suit, je vais - c'est le jeu - être à mon tour jugé, il est normal que j'expose un peu de mon passé.
Mes circonstances atténuantes.
Donc pour tout ceux qui ne me connaissent pas, j'ai 48 ans, j'étais un informaticien avant de dépasser l'age limite, je suis un (tout petit) actionnaire direct de Mediapart (et j'ai participé sinon à son lancement au moins à sa seconde naissance en écrivant - à l'arrache - un machin mal foutu pour gérer les abonnements: à 2 mois de l'ouverture: mes amis journalistes ayant tout prévu sauf les aspects commerciaux et comptables, contingences matérielles improbables), mais surtout ça fait 20 ans que j'utilise Internet pour débattre et... Participer.
Voilà. Mon tout premier "billet", je l'ai posté sur Usenet (un très ancien système de forums de discussion) en 1992.
J'ai publié aussi quelques billets sur Mediapart, et puis j'ai cessé.
A cause de vous.
Oui, vous (vous vous reconnaîtrez).
Comme beaucoup, j'ai deux façons de lire Mediapart: la Une, et le club via le tracker. Et à force de voir mes billets noyés dans le second sous une avalanche de textes auto-centrés sur une petite vingtaine de... "Participants", j'ai laissé tomber.
Pas comme vous, ceci-dit: les grandes annonces de départ, les auto-épitaphes, les grosses colères de petit enfant qui annonce qu'il va cesser de respirer jusqu'à ce qu'on daigne lui accorder son attention, j'ai connu ça pendant des années, sur Usenet et ailleurs. Et puis, surtout, j'ai passé l'age. J'ai juste cessé de publier mes textes en ce lieu. Je continue ailleurs. Ou pas.
Usenet aussi a eu son lot de grandes gueules. De gens capables de publier, répondre, se battre et guerroyer du matin au soir sans jamais s'arrêter, à menacer de partir, à partir puis à changer d'identifiant pour lire les réactions à son départ (parce que sinon ça sert à rien), à annoncer qu'ils cessaient de lire tel ou tel (tout en lui répondant malgré tout parce que sinon c'est lui qui gagne), bref: à agir en membres du Club autoproclamés. Je les ai tous connus. L'intellectuel qui avait toujours un avis sur tout, le troll qui n'était là que pour dénigrer le media lui-même, le défenseur d'une Cause qui ramenait tout à son obsession, les amis d'Untel qui ne supportaient pas qu'il puisse être contredit, celui dont l'âne avait mangé la figue du grand-père du cousin du premier, et les autres. Je le sais: j'en fus.
J'ai deux annonces à vous faire: la première c'est que Mediapart a environ 60000 abonnés et qu'on est bien trop loin d'en voir ne serait-ce qu'une partie un peu significative participer au club. Il serait peut-être bon que vous vous posiez - ne serait-ce qu'un tout petit peu - la question de votre propre responsabilité dans ce fait.Imaginez un nouveau qui voudrait réagir à un article, au milieu de vos guéguerres d'égos infantiles. Mettez vous à sa place, et comme lui: fuyez.
La seconde, c'est que Usenet est mort (ou tout comme).
Alors, soit: c'était un truc de geeks, en texte seul, doté d'interfaces de l'age de pierre et nécessitant un minimum de compétences techniques inutiles. Les web-forums et les blogs l'ont enterré sans fleur ni couronne.
Mais l'autre cause de sa mort, c'est la petite poignée de participants trop accros qui, à force de parler, avaient juste oublié comment se taire quand ils n'avaient rien à dire. Ceux qui se croyaient indispensables au point de rebuter tout nouveau participant de ne serait-ce que prendre la parole pour en placer une. Les grandes gueules, réunis en tribus souvent. Et souvent en guerre ouverte avec la tribu d'en face.
Personne de normal n'a envie de s'inviter au beau milieu d'une guerre. Et quand les combattants sont morts (ou partis), il ne reste que des ruines.
Usenet est une ruine, et le club de Mediapart en sera une si vous (oui vous: vous vous êtes reconnu) ne grandissez pas un peu.
Mediapart est un journal. Des articles y sont publiés, puis commentés. Peu de journalistes participent (trop peu) aux débats qui suivent. Là aussi, demandez-vous si vous (oui, toujours vous) n'en êtes pas un tout petit peu responsable aussi.
Mediapart est aussi un club mais, contrairement à ce que vous croyez, ce n'est pas ce club qui - quoi qu'il soit à des années-lumières de ce que sont les commentaires sur la plupart des sites d'information - attire le public ici. Vous êtes importants, oui, mais vous n'êtes pas le principal centre d'attention, désolé de devoir vous l'apprendre.
Et c'est dommage.