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Billet de blog 21 octobre 2018

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TRAVAIL DE NUIT : sévères corrections

J’ai répondu entre les lignes à la tribune indigente de ces deux tristes sires, apôtres du travail de nuit et VRP de Monoprix.

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 L’article ici.

Après l'ouverture des commerces le dimanche, certains élus macronistes de Paris mènent le combat du travail nocturne. Jérôme Dubus, conseiller de Paris LREM, s'associe à Michael Migueres, conseiller LR du 16ème arrondissement, pour signer dans le JDD une tribune pour défendre l'ouverture des commerces de la capitale le soir, jusqu'à 23 h.

Pourquoi pas minuit, voire plus ? Pensez plus grand !

Les auteurs accusent le conglomérat syndical CLIC-P de faire le jeu du e-commerce.

Monoprix, pour lequel votre plaidoyer est conçu, fait certainement le jeu du e-commerce en nouant un partenariat avec Amazon…

Ils estiment que les récentes décisions de justice en faveur des syndicats ont pour effet la réduction des salaires dans les enseignes concernées.
La réduction des salaires alors que Monoprix ne payait pas et ne paye toujours pas la majoration prévue par la loi ? Ils appellent donc le gouvernement et la Ville de Paris à se mobiliser pour "sécuriser" les magasins contre ce type de "menace."

La justice qui défend l’ordre public social plutôt que la loi de la jungle, la voilà la canaille.

Après l’offensive groupée menée contre le travail dominical et les multiples démantèlements de ZTI (Zones Touristiques Internationales), voilà que les tenants d’une vision du travail rétrograde se sont trouvés un nouveau cheval de bataille : l’ouverture nocturne des commerces parisiens. De prime abord, le bon sens voudrait qu’au cœur d’un centre urbain comme celui de la capitale, actif de jour comme de nuit et où les profils professionnels et sociaux les plus divers se côtoient, les enseignes de distribution puissent offrir leurs services jusqu’à 23 h.

Pas offrir, vendre y compris en écrasant les indépendants qui ne peuvent pas suivre.

Pourtant, vendredi 7 septembre, le conglomérat syndical CLIC-P avait bel et bien obtenu en justice la fermeture des magasins Monoprix dès 21 h dans tout Paris. On se souvient du feuilleton ubuesque du magasin Sephora des Champs-Elysées, déjà contraint en 2013 à la fermeture dès 21 h sous la pression des syndicats. Comble du ridicule, ceux-ci, largement minoritaires, s’étaient vus en retour assignés devant les tribunaux par les employés évidemment lésés. Les conséquences ne s’étaient pas fait attendre : licenciements en chaîne, effondrement du chiffre d’affaires, etc…

Aucun licenciement et pour cause dès lors que la fermeture découle du respect de la loi, jusqu’à 13.000 € de prime donnée à certains salariés pour aménager leur horaire, un chiffre d’affaire en hausse réparti sur les horaires d’ouverture du magasin… What else ?

En clair, le désastre financier et social fut aussi absolu qu’absurde, aussi inutile que tragique.

Vous parlez du désastre de Virgin Mégastore, le pionner en matière de dérégulation des horaires, liquidée en 2013 ?

Ce précédent nous impose aujourd’hui un constat sans appel : les magasins parisiens, leurs employés volontaires et leurs clients ne sauraient plus plier devant les forces du passé, anonymes et extérieures.

Les forces du passé en question, on leur doit le droit de grève, les congés payés, la retraite etc. et elles sont présentes dans les entreprises que vous citez.

Dès lors et malgré la conclusion d’un nouvel accord collectif, nous devons tous prendre la pleine mesure de la situation qui fut imposée aux magasins Monoprix. La fermeture actée par la justice ignorait allègrement la réalité économique et sociale de l’emploi en soirée. Horaires allégés, salaires majorés, emploi du temps adaptés à certains types de salariés, consommateurs revenant eux-mêmes de leur site de travail tardivement… Dans les faits, c’est toute une frange de la population parisienne qui se voyait précarisée par cette décision, allant des étudiants, pour lesquels ce créneau constitue une opportunité sans égal de financer leur cursus universitaire, aux individus les plus en difficulté, ayant un besoin vital de la majoration de la paye horaire pour joindre les deux bouts en fin de mois.

Le travail, c’est pour vivre ou survivre ? Et le temps partiel imposé généralisé ainsi que le travail de nuit qui fragilise l’existence et la santé des plus précaires, pas un mot dessus !

L’ironie de voir ces syndicats s’attaquer aux plus fragiles, tout en prétendant les défendre, et favoriser le développement du e-commerce qu’ils conspuent d’autre part, eût été presque cocasse si elle n’avait pas été aussi révoltante. Que ce soit par ignorance coupable ou hubris médiatique, le CLIC-P avait nui aux intérêts de tous ceux qu’elle entend représenter. Elle avait sacrifié leur consensus pragmatique sur l’autel de sa lecture monomaniaque d’un monde du travail, figé au XIXème siècle et fondé encore et toujours sur le mythe de l’oppression patronale. Bref, elle avait trahi les employés de Monoprix.

Le budget communication de Monoprix, une paille par rapport à celui du CLIC-P.

La conclusion rapide d’un nouvel accord témoigne évidemment de l’impératif social et financier en présence, mais aussi de la fracture profonde de la sphère syndicale, scindées entre réformistes et idéologues. Si les premiers ont su accompagner la nécessaire adéquation entre réalité économique et besoins des salariés, offrant à ceux-ci des garanties renforcées, les seconds, arcboutés sur leurs vieilles lubies, dénonçaient déjà l’entente, avant même d’en prendre connaissance par principe ou démagogie passéiste, comme une émanation instinctive de l’ancien monde.

Désolé, le nouvel accord Monoprix est tout aussi illégal que le précédent : 70 % de majoration maximum au lieu de 100 % prévu par la loi et un recours au travail de nuit, qui doit rester exceptionnel, qui n’est toujours pas démontré.

En dépit de ce retour à la normale, il semble aujourd’hui probable que la décision de la Cour d’appel de Paris et l’incertitude qui en découle fassent jurisprudence, aussi préjudiciable cela soit-il.

C’est bien le seul moment où votre tribune est conforme à la réalité.

L’avènement d’un travail en soirée plus souple, plus libre et surtout plus adapté à notre époque devra donc passer donc par une action rapide et conjointe de la part du gouvernement et de la Maire de Paris.

Sous-entendu, on va encore changer la règle du jeu pour rendre légal ce qui ne l’ai pas.

Celle-ci pourra par exemple passer par la création d’une ZTI unique sur l’ensemble du territoire parisien ou encore par l’approfondissement et la simplification des dispositifs de la loi Macron de 2015.

Après la ZTU unique pour le travail dominical dans toute la capitale, voici la ZTUN pour l’ouverture 24/24 !

Jean Jaurès lui-même, dont se revendiquent pourtant les tenants de l’archaïsme social, le disait : " Le premier des Droits de l’Homme, c’est la liberté individuelle, la liberté de propriété, la liberté de penser, la liberté du travail. "

Merci de ne pas tuer Jaurès une deuxième fois, le même qui a dit « la grande Révolution a rendu les Français rois dans la cité et les a laissés serfs dans l'entreprise. »

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