Venu en France pour obtenir une vie meilleure et ainsi aider sa mère malade restée au pays, on le voit balloté entre l’exploitation de ses congénères, avec Emmanuel, le loueur de compte qui lui permet de travailler sous son identité moyennant sa dîme, et Bary, qui lui inculque un discours d’opposant politique pour convaincre les services de l’immigration, la condescendance à son égard de certains clients et restaurateurs, une histoire d’amour contrariée avec Kadiatou, sa fiancée en Guinée, et de rares moments de solidarité alors qu’il est contraint de dormir tous les soirs au Samu social.
Le rôle principal est tenu par Abou Sangaré, lui-même sans-papiers venu en France de Guinée il y a quelques années alors que mineur avec son diplôme de mécanicien en poche, et lui a valu un prix d’interprétation au dernier festival de Cannes qui a mis en émoi la fachosphère. Plus qu’un film, c’est un uppercut sous forme de cinéma-vérité qui n’est pas sans rappeler le film consacré par Ken Loach, il y a quelques années, sur les ravages du monde du travail par l’uberisation et la déshumanisation créée par cette nouvelle forme d’exploitation, décuplée ici par sa condition de travailleur étranger.
Le combat de Souleymane pour garder la tête hors de l’eau en dépit des épreuves qui le touchent, force le respect et nous oblige à réclamer y compris la réécriture de la circulaire Valls, qui régit la régularisation par le travail, là où Retailleau, le nouveau Ministre de l’Intérieur, veut y mettre fin. Alors que sa révision, dans un sens progressiste, permettrait de régler en quelques jours la situation de ces livreurs, encore plus exploités que ceux en situation régulière, les soustrayant à l’avidité des loueurs en attendant la transposition en droit français de la directive européenne sur le travail des plateformes à même de les soustraire à celle des Uber, Deliveroo et compagnie.
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