C’est le nouveau leitmotiv de Bernard Tapie : si, avec d’autres, il vient d’être mis en examen pour « escroquerie en bande organisée », c’est tout bonnement parce qu’il est la victime d’un « complot ». Or, comme je suis l’un de ceux qu’il pointe du doigt pour avoir ourdi cette machination contre lui, sans doute faut-il que je précise le rôle que j’ai joué dans cette affaire.La thèse du complot, c’est d’abord dans son livre paru la semaine passée, « Un scandale d’État, oui ! Mais pas celui qu’ils vous racontent » (Plon, 14,90€, 230 pages), que Bernard Tapie l’a servie. Parlant de l’arbitrage frauduleux et des critiques dont il a fait l’objet, il a ainsi cette formule : « Les opposants se sont constitués en groupe que je vais appeler à mon tour, mais ça n’engage que moi bien sûr… “la bande organisée”. Elle est composée de deux hommes politiques, de Courson et Bayrou, du soit-disant meilleur expert en arbitrage en France, M. Clay, d’un journaliste de Mediapart et bien entendu M. Peyrelevade. »
Dans ce livre, il poursuivait sa charge contre Mediapart. Faisant allusion à l’une de nos enquêtes sur Pierre Estoup, publiées dès le 24 juillet 2008, pas même trois semaines après la révélation de la sentence (Lire Affaire Tapie : Pierre Estoup, un très « étrange » arbitre), il avait cette formule : « Authentique spécialiste, celui-là, de l’arbitrage, (Pierre Estoup) était particulièrement qualifié, malgré les insinuations des sites de désinformation Mediapart et Bakchich, pour siéger dans un tribunal arbitral. »
Puis, lundi soir, lors de son passage sur France 2, Tapie a continué à faire du Tapie. Eructant, grognant, rouspétant, malmenant en permanence le présentateur du journal télévisé qui conduisait l’entretien, David Pujadas, tordant les faits dans tous les sens et même les maquillant, il a ressorti la thèse du complot. « Oui, Monsieur, c’est un complot ».
Et comme Bernard Tapie pense visiblement avoir trouvé une bonne parade, il a demandé à son fils, Laurent Tapie, qui gère une partie de sa fortune (Lire Enquête sur les affaires de Bernard et Laurent Tapie), de créer un site Internet pour poursuivre la croisade.
Hâtivement construit, ce site Internet, baptisé Affairetapie.info, poursuit donc sa campagne contre la « vraie bande ».

Dans le lot, on y trouve les mêmes que dans le livre, plus quelques acolytes. Et pour ce qui me concerne, j’ai droit à un onglet spécifique du site (il est là), qui démasque mes travers : j’ai consacré « un nombre incalculable d’articles, ainsi qu’un ouvrage dénonçant l’arbitrage du dossier Adidas comme un scandale d’Etat (…) dès 2008, soit seulement quelques semaines après la « sentence arbitrale. »
Alors, comme je suis démasqué, il ne me reste qu’une seule chose à faire : passer aux aveux. Oui, c’est vrai, j’ai écrit un « nombre incalculable d’articles » - je ne sais pas combien, sans doute pas loin de deux cents depuis 2008 – on peut s’en assurer en recherchant ici dans la base de Mediapart. Oui, très tôt, j’ai eu la conviction qu’il s’agissait d’un scandale d’Etat : cela a été au cœur d’un article que j’ai écrit dès le 11 juillet, soit six jours après l’annonce de la sentence (Lire L’affaire Tapie : un triple scandale d’Etat). Oui, c’est vrai, j’ai poursuivi un dessein constant dans cette affaire : contribuer, avec d’autres, à la manifestation de la vérité.
N’en déplaise à Bernard Tapie qui a choisi une stratégie strictement inverse lors de son passage sur France 2, en multipliant approximations, contre-vérités et même mensonges sur les conditions de la vente d’Adidas, sur la véritable portée de la décision prise en 2006 par la Cour de cassation, ou encore sur les fraudes innombrables qui ont accompagné l’arbitrage...