Laurent Mauduit (avatar)

Laurent Mauduit

Journaliste, cofondateur de Mediapart

Journaliste à Mediapart

164 Billets

5 Éditions

Billet de blog 7 février 2011

Laurent Mauduit (avatar)

Laurent Mauduit

Journaliste, cofondateur de Mediapart

Journaliste à Mediapart

Fraîchement condamné, Bretelle entre au «Monde»

Pour la vie parisienne des affaires, la nouvelle est microscopique ; mais pour les destinées du journal Le Monde, elle est importante et symbolique : Jean-Francis Bretelle vient d'être coopté au conseil de surveillance du journal.

Laurent Mauduit (avatar)

Laurent Mauduit

Journaliste, cofondateur de Mediapart

Journaliste à Mediapart

Pour la vie parisienne des affaires, la nouvelle est microscopique ; mais pour les destinées du journal Le Monde, elle est importante et symbolique : Jean-Francis Bretelle vient d'être coopté au conseil de surveillance du journal. Il y a fait son entrée à l'occasion d'une séance qui s'est tenue lundi 7 février. L'information risque de faire grincer encore quelques dents dans la rédaction car le même Jean-Francis Bretelle préside la société Oléron Participations qui, au terme d'un arrêt de la Cour de cassation en date du 1er février dernier, vient d'être définitivement condamnée pour « vente frauduleuse ».

« Loin de la presse d'industrie ! ». Pour beaucoup de journalistes du Monde, la perte du contrôle du journal, autrefois propriété de ses journalistes au travers de la Société des rédacteurs du Monde (SRM), et son rachat par le trio Pigasse-Niel-Bergé, ont déjà été vécu comme une violation du principe affiché par le père fondateur Hubert Beuve-Méry. Mais les mêmes pouvaient penser qu'au moins les apparences seraient sauves. Et notamment que Pierre Bergé, l'un des trois nouveaux propriétaires du journal, n'oserait pas installer au conseil de surveillance du Monde le plus proche mais aussi le plus controversé de ses collaborateurs, qui fut longtemps directeur général de la société Yves Saint Laurent, quand il en était le président, et qui a longtemps eu aussi la responsabilité de gérer une partie de sa fortune personnelle.

Et pourtant si ! Il a donc osé : le nouveau promu occupe le poste auparavant détenu par Louis Schweitzer. Et cela dit donc sans doute beaucoup du regard que Pierre Bergé a de l'indépendance du journal dont il est l'un des copropriétaires.

Car la société Oléron Participations vient donc d'être condamnée dans des termes très sévères pour « vente frauduleuse » au détriment d'une société contrôlée par l'industriel italien Carlo de Benedetti. Cet arrêt, et l'histoire dont elle est l'épilogue judiciaire, je l'ai détaillé voici quelques jours de manière détaillée dans cet article : Une société de Pierre Bergé et Alain Minc est condamnée pour « vente frauduleuse ».

Or, le discrédit de cette condamnation retombe très largement sur Jean-Francis Bretelle qui a été porté à la présidence de cette société lors de sa création et qui, selon l'extrait « K-Bis » ci-dessous l'est toujours.

Illustration 1

Comme je le raconte longuement dans l'article en question, cette société Oléron Participations, que préside Jean-Francis Bretelle, a été créée en 1996 par Alain Minc (ex-président du conseil de surveillance du Monde) et Pierre Bergé, pour gérer discrètement leur fortune respective (celle du second étant évidemment beaucoup plus considérable que celle du premier). La société Oléron Participations a d'ailleurs son siège au 10 de l'Avenue George V, dans les mêmes bureaux que ceux qu'Alain Minc partage avec... Jean-Francis Bretelle. Les bureaux d'Alain Minc et de Jean-Francis Bretelle ne sont donc distants que de quelques mètres, tout juste séparés par un couloir qui fait office de salle d'attente commune.

Bras droit de Pierre Bergé, le même Jean-Francis Bretelle a d'ailleurs été emporté en même temps que son mentor dans d'autres tourmentes judiciaires. Du temps où Le Monde avait l'ambition d'être un grand journal d'investigation, il a ainsi tenu méticuleusement la chronique, pour ne parler que de cela, de l'affaire Elf-Yves Saint Laurent, qui a pris de l'ampleur peu après que la Commission des opérations de Bourse (l'actuelle AMF) eut découvert des ventes d'actions hors marché, via la Suisse. Les archives du Monde des années 1993-1995 sont emplies d'enquêtes sur cette affaire, dont j'ai moi-même donné de très nombreux détails dans mon livre sur Alain Minc (Petits conseils, Stock, mars 2007).

L'entrée de Jean-Francis Bretelle au sein du conseil de surveillance du Monde risque donc de constituer un nouveau traumatisme pour une rédaction déjà passablement éprouvée. Mais les lecteurs du journal, eux, n'auront été que très médiocrement informés : l'arrêt de la Cour de cassation du 1er février visant la société Oléron Participations n'a fait l'objet dans le quotidien que d'une petite « brève ».